Par Léopold Dassi Ndjidjou
Rappeler en tant que mesure privative de liberté, garde à vue est encadrée par textes légaux et réglementaires définissant sa durée et ses modalités d’exécution. A cet effet, faire respecter strictement dispositions l’encadrant sous peine sanctions disciplinaires et poursuites judiciaires sans préjudice action récursoire de l’Etat à l’encontre tout contrevenant en cas de compensation financière reçue au terme actions judiciaires de victimes pareils abus.
Secundo, contrôler exécution enquêtes menées dans unités vos formations respectives jusqu’au niveau poste de gendarmerie et multiplier les descentes inopinées afin de contrôler chambres de sûreté. Tertio, chaque commandant d’unité devra faire remonter hebdomadairement l’état des personnes gardées à vue dans son unité Atcr et appréciation. Commandants de formations seront tenus personnellement responsables de tous écarts en cas absence d’anticipation. Évitez toute autre forme de rappel. » Comment cette sortie est-elle perçue au sein de l’opinion ? Parole aux professionnels du respect des droits de l’homme et du droit dans les réactions qui suivent.
Réactions : Me Hippolyte Meli Tiakouang, avocat au Barreau du Cameroun
« Les gendarmes, maillons le plus bas ne devraient pas payer seuls la facture » « Il faut apprécier ce qui est bien fait. Nous saluons le réveil par Message Radio Porté du ministre de la Gendarmerie. C’est sans nul doute la réponse donnée à nos multiples courriers interpellatifs pour des occasions bien précises. Ce serait injuste que son action, prévisible, se limite aux Gendarmes qui salissent le service public de la Gendarmerie Nationale. Il n’y a pas que les actes de tortures mais de pillage, de pillage en bande et d’extorsion. La criminalité est bien organisée avec certains magistrats. Nous avons déjà décrié que la pratique des bons de garde à vue souvent anormalement prolongés, celle de certains mandats de détention provisoire, devenus des actes pour faire plaisir aux plaignants et pour extorquer de l’argent à toutes les parties, sont contraires au vœu de la loi. Des zones de non droit comme les “Soit Fait Retour” aux unités d’enquêtes, mais totalement abusives, sont mises à contribution pour faire fonctionner ce système arbitraire, où sans prorogation formelle de garde à vue, l’individu appréhendé circule de cellules en cellules.
Où sont les rapports de contrôle des cellules effectués par les procureurs de la République et /ou par les commissaires du gouvernement ? Pourquoi le silence des deux ministres de la Chancellerie sur la question ? Les comptes rendus des réunions des procureurs généraux près les cours d’appel ne font aucunement état de ces actes prohibés qui sont l’œuvre des magistrats des parquets en complicité avec certains gendarmes et policiers. Cela crédite de manière claire la thèse d’un système organisé jusqu’aux hautes, peut-être pas, mais, aussi jusqu’aux très hautes instructions. Les gendarmes, maillons le plus bas, ne devraient pas payer seuls la facture. La chaîne hiérarchique qui garantit la sécurité des agissements criminels jusqu’à la haute hiérarchie ne devrait pas également rester impunie et être celle qui agite l’action récursoire de l’Etat. Leurs mains ne sont pas exemptes: ils sont au courant, ils ont vu, ils ont entendu, ils ont le pouvoir de sanction, mais ils choisissent, laissez-faire, ne rien faire, féliciter et organiser la célébration du vice qui porte atteinte désormais à la réputation de notre République Démocratique. Le directeur de la justice militaire n’est pas du reste. Pourquoi il n’est craint seulement pour la carrière ? Et les magistrats-juges? Ceux qui refusent d’annuler les procès-verbaux d’enquêtes judiciaires établis après des actes prohibés comme la torture et des détentions arbitraires ? Seront-ils exemptés des poursuites? Alors que leur participation est effective dans l’administration des souffrances atroces qui résultent d’actes de tortures ou de violation des droits humains fondamentaux? Avec tout cela que peut-on attendre du Directeur des droits de l’homme du ministère de la Justice qui a aussi laisser-faire et s’est mis en mission à Genève avec sa cuisine mal préparée ? Comment donc toute cette chaîne hiérarchique parviendra à s’exonérer de toute responsabilité comme le pense le ministre de la Gendarmerie pour que ce soient seulement les poches du petit gendarme et du petit policier qui paient seules la facture? »
Cyrille Rolande Bechon, Directrice de Ndh-Cameroun
« Je reste sur ma soif après avoir apprécié la sortie » Si ce n’est pas un fake news, j’ai apprécié. Je suis soulagée parce que c’est l’ouverture à la résolution d’un problème. On ne peut pas le nier. Lorsqu’il y a des violations, l’autorité montre sa prédisposition à s’attaquer au problème. Maintenant, est-ce que ce simple message Radio-porté est suffisant ? Moi je pense avec Ndh-Cameroun inclus, que la question de violation grave des droits humains comme les arrestations et détentions arbitraires qui ont pour vocation à s’attaquer à la liberté et à la dignité d’un individu, sont des violations assez sérieuses. Sérieuses, parce que premièrement, on enlève à un citoyen son droit constitutionnel à la liberté. Deuxièmement, c’est dans les situations de détention qu’on est plus susceptible d’être torturé. Troisièmement, dans le contexte actuel, d’une crise des instances de détention du fait de la surpopulation et du manque des infrastructures, l’arrestation et la détention systématiques des personnes les mettent dans une situation de traitement inhumain et dégradant. Je pense que le passage du Cameroun devant le Comité contre la torture nous a fait voir et nous a permis de rappeler que ce sont des situations réelles qui se passent au quotidien. Donc, après ce Message porté, on s’attend à voir plus d’actions et surtout plus de communication dans le sens de la mise en œuvre de ce Message porté, qui porte sur le contrôle des maisons de détention par le procureur parce que ça aussi c’est quelque chose qui doit être fait car il ne l’est pas souvent. Il faut aussi les sanctions et les poursuites. Il faut prendre directement des sanctions pour que les gendarmes soient plus aguerris. Il doit être en avant-garde et même son Message. Il devait de ce fait annoncer des mesures concrètes. C’est pour cela que je reste sur ma soif après avoir apprécié la sortie. Il reste un goût d’inachevé. »
Paul Guy Hyiomeni, Coordonnateur national Recodh
« Espérons que ce communiqué du Sed sera suivi d’effets »
« Le Cameroun est partie à des Conventions internationales et régionales africaines qui encadrent la garde à vue. De même l’État du Cameroun a adopté le Code de Procédure Pénale. Ce message porté du Secrétaire d’État à le Défense (Sed) en charge de la Gendarmerie nationale vient à point nommé dans un contexte où les gardes à vue et les détentions abusives sont récurrentes avec un accent marqué dans l’arrière-pays. L’on avait du mal à comprendre comment dans un État dit de droit, des personnes en charge de l’application de la loi pouvaient avec autant d’arrogance et en toute impunité, violer le Code de procédure pénale et les autres textes pertinents. Le Sed fait bien de rappeler le rôle des responsables de la gendarmerie nationale dans la mise en application des dispositions de la loi. Il aurait été souhaitable qu’un tel communiqué soit cosigné par le Sed et le Délégué Général à la Sûreté Nationale (Dgsn) car les violations ainsi décriées sont observables au niveau de certains commissariats de police. Les défenseurs des droits de l’homme qu’ils soient des individus ou des institutions, notamment la Commission des droits de l’homme du Cameroun (Cdhc), doivent continuer à sensibiliser les populations et les acteurs sur les droits de l’homme mais aussi dénoncer auprès des autorités compétentes toute violation des textes en matière de garde à vue. Espérons que ce communiqué du Sed sera suivi d’effet, que des sanctions seront prises à l’encontre des contrevenants. Il est attendu que chaque mois, un rapport détaillé sur la situation des gardes à vue au niveau des brigades de gendarmerie et des commissariats de police soit rendu public. Dans la foulée, du rapport du Sed et de la Dgsn, la Cdhc et les organisations de la société civile publient chacune un rapport alternatif sur la thématique. La consolidation de l’Etat de droit au Cameroun est une affaire de tous et de chacun car l’Etat de droit profite à tous ».