Par Serge Aimé Bikoi
C’était dans le cadre d’une réflexion axée sur le thème :
“Coups d’État militaires: opportunités ou menaces pour la démocratisation de l’Afrique : cas du Cameroun”.
L’actualité africaine de ces trois dernières années se caractérise particulièrement par deux principaux facteurs, en l’occurrence la résurgence des coups d’État militaires et une conjoncture économique internationale pas très favorable pour les économies nationales pour lesquelles la plupart des gouvernants peinent à adresser des solutions efficaces et durables. Les conséquences politiques et sociales de cette conjoncture chancelante qui perdurent provoquent d’énormes frustrations à l’intérieur des différents Etats, ainsi qu’un desamour vis-à-vis de leurs dirigeants. C’est face à cette situation de plus en plus insoutenable que les militaires, pour ne pas être accusés de complicité avec les dirigeants de leurs pays, s’emparent du pouvoir et neutralisent les faucons des régimes politiques ayant perdu toute légitimité.
Depuis le mois d’août 2020, sept pays africains parmi lesquels six issus de l’espace francophone et un de l’Afrique anglophone ont connu des putschs. Il s’agit, par ordre de déflagration, du Mali, du Tchad, de la Guinée Conakry, du Soudan, du Burkina Faso, du Niger et du Gabon. Le point focal de la coalition “Tournons la page” au Cameroun résume les causes de tous ces coups de force en cinq points:
“1. La longévité et la confiscation du pouvoir
- Le tripatouillage de la constitution et du code électoral
- L’extrême pauvreté des populations abandonnées à elles-mêmes
- Le bâillonnement des populations privées de leurs droits et libertés
- Le trucage des élections”.
Alors, ces coups d’État survenus dans les sept pays africains parlent-ils au Cameroun ? De toute évidence, constate cet entrepreneur de la société civile, la situation actuelle du Cameroun marquée, entre autres, par la longévité au pouvoir et une mal gouvernance endémique qui affecte tous les secteurs de la vie publique et suscite aussi bien l’indignation que la révolte des citoyens qui en sont les principales victimes est, à quelques différences près, similaire à celles des pays où se sont produits les coups d’État. Jean Marc Bikoko en fait un diagnostic sans complaisance au plan politique.
“Dans le domaine politique, indique-t-il, la plupart des principes fondamentaux de la démocratie sont bafoués par le gouvernement et son administration. Non seulement l’initiative des lois est le fait exclusif du gouvernement au détriment du parlement, mais aussi les lois ne sont ni appliquées, ni respectées. Le dispositif électoral est, particulièrement, vicié et ne peut, en aucun cas, permettre l’expression libre de la volonté populaire quel que soit le type d’élection du fait de l’organe en charge de la gestion des élections (Elecam), dont la configuration structurelle et le mode de fonctionnement ont été délibérément plombés au point de devenir des machines de fabrication des victoires du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc)”.
Le même diagnostic est fait dans le domaine économique, où l’enseignant d’histoire-géographie à la retraite enregistre des tares les plus notoires en matière de recettes et dépenses publiques au rang desquelles figurent, entre autres, le manque de traçabilité en ce qui concerne l’origine des recettes de l’État, la faible consommation des crédits (taux de réalisation bas du Budget d’investissement public (Bip), les coûts extrêmement élevés des infrastructures publiques, les délais extrêmement longs d’exécution des infrastructures (autoroute Douala-Yaoundé), les malversations financières diverses (Covidgate, Cangate, etc), l’exploitation anarchique et illégale des ressources forestières (complicité entre autorités locales et exploitants forestiers), etc. Au regard de cet état de choses, J.M. Bikoko est convaincu que les coups d’État qui se produisent depuis août 2020 en Afrique, particulièrement en Afrique francophone ne laissent pas le Cameroun indifférent. C’est pourquoi il appelle à l’organisation des Etats généraux de la nation, dont il présente quelques conjectures en termes de résultats attendus :
La mise en place des commissions pour la révision de la constitution, du code électoral, le découpage administratif du territoire national ;
L’adoption des résolutions exécutoires sur la réforme des institutions de l’État et l’organisation des secteurs économique et industriel, social, culturel, politique et diplomatique ;
La mise en place d’une entité libre et indépendante en charge de l’organisation des élections et des consultations référendaires;
La mise en place d’un organe législatif transitoire dont le mandat sera limité au contrôle et au suivi de l’action du gouvernement transitoire.
Cette figure de proue de la société civile propose, dans la même veine, la mise en place d’un gouvernement de transition d’une vingtaine de personnes constitué essentiellement des technocrates issus des différents corps sociaux et désignés par leurs pairs selon la configuration suivante : les représentants du gouvernement actuel ; ceux de la société civile, des partis politiques, des confessions religieuses, des autorités traditionnelles, du secteur économique (patronat). Tous doivent être nommés par le président de la république. Autre proposition non des moindres : l’organisation des élections libres et transparentes (référendum constitutionnel, élections municipales et régionales, élections sénatoriales et législatives, élection présidentielle) par la commission électorale indépendante issue des Etats généraux de la nation et constituée des représentants des différents corps sociaux élus par les pairs.
Dans le dessein de sortir de l’insécurité et de l’instabilité, J.M. Bikoko suggère la mise en place des institutions démocratiques plus fortes susceptibles de résister aux manipulations des dirigeants politiques et non des institutions autoritaires qui pourraient exclure les citoyens et aller à l’encontre de leurs aspirations. Tous les acteurs de la vie de la nation sont ainsi interpellés.