Par Sandra Embollo
C’est un dossier qui enflamme encore un peu plus la relation déjà très tendue entre Paris et Ouagadougou. Quatre français ont été arrêtés dans la capitale du Burkina Faso, début décembre, accusés par les autorités d’être des agents du renseignement venus mener des actions d’espionnage, a-t-on appris mardi 19 décembre, de sources concordantes.
“Nous sommes en train de vérifier le véritable travail de terrain de quatre ressortissants français présentés comme des agents de la Dgse (Renseignements extérieurs, Ndlr). Ils sont actuellement devant les enquêteurs”.
a fait savoir une source Burkinabè.
Contactée par l’Afp, une source diplomatique française a bien confirmé l’arrestation des quatre hommes “le 1er décembre dernier”. Des “fonctionnaires français, détenteurs de passeports diplomatiques et de visas” qui “étaient au Burkina Faso pour réaliser une opération de maintenance informatique au profit de l’ambassade de France”, affirme-t-elle.
Photos de la présidence et matériel “suspect”
“Le 14 décembre, ils ont été mis en examen et transférés à la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou”, a ajouté cette même source, indiquant que “le consulat général de France a pu exercer la protection consulaire et leur rendre visite”.
“Le gouvernement français prend acte des procédures judiciaires en cours, mais rejette les accusations selon lesquelles ces techniciens auraient été envoyés au Burkina Faso pour d’autres motifs que leur travail de maintenance informatique. Il demande leur retour en France sans délai”.
conclut cette source diplomatique.
Selon des informations obtenues par France 24, les autorités burkinabè reprochent notamment aux quatre français une situation administrative non-conforme, d’avoir pris des photos de la présidence ou bien encore de détenir du matériel suspect. Contactée par France 24, une source française proche du dossier dénonce des accusations fantaisistes.
“La mission de ces personnes était bien connue des autorités burkinabè, ils ne sont pas entrés sur le territoire en secret”, indique-t-elle. Les photos de la présidence sont “des photos touristiques parmi des dizaines d’autres” alors que le matériel incriminé fait référence à “des logiciels d’extraction et applis d’utilisation très communs”, affirme cette même source. Les accusations contre les quatre français s’apparentent à “une manœuvre pour justifier les prises de position et les accusations des autorités contre la France”, conclut-elle.
Suite à cette arrestation, les autorités du Burkina ont expulsé les membres du poste de la DGSE présents dans le pays pour “activités subversives”. Une douzaine de personnes, selon le mensuel Jeune Afrique, qui “continuaient à coopérer avec les services burkinabè malgré les tensions entre Paris et Ouagadougou.”
Relations en berne
Les relations entre la France et le Burkina se sont considérablement dégradées depuis l’arrivée au pouvoir, en septembre 2022, par un coup d’État – le deuxième en huit mois – du capitaine Ibrahim Traoré.
Ouagadougou a dénoncé en mars un accord militaire de 1961 avec la France, après avoir obtenu le retrait des forces françaises. L’ambassadeur de France à Ouagadougou, rappelé après le coup d’État de septembre 2022, n’a pas été remplacé depuis. Le Burkina Faso a également suspendu plusieurs médias français dont Le Monde, Radio France internationale, France 24, Jeune Afrique et LCI.
Dans sa volonté de diversifier ses partenariats, le Burkina Faso s’est notamment tourné cette année vers la Russie. Outre des liens plus étroits dans le domaine militaire, la Russie a notamment promis de construire une centrale nucléaire au Burkina. En novembre, Ouagadougou a fait partie des premiers pays africains à recevoir des céréales russes gratuitement, comme promis quelques mois plus tôt par Vladimir Poutine. Le Burkina s’est également rapproché de ses deux voisins, le Mali et le Niger, eux aussi gouvernés par des régimes militaires.
Les trois pays font face depuis plusieurs années à des attaques jihadistes récurrentes de groupes liés à Al-Qaïda et au groupe État islamique. Au Burkina seul, elles ont fait plus de 17 000 morts, civils et militaires, depuis 2015.