Par Joel Onana Avec Boris Bertolt
En Afrique, les prises de parole dans les lieux de deuils sont rarement des moments de joutes oratoires. Ce sont des moments de paix, de calme et de rassemblement. Un moment de communion et de mémoire. Dans une prise de parole forte, le président de la Caf a demandé à son « frère » Samuel Eto’o de travailler en synergie avec le gouvernement du Cameroun et plus particulièrement le ministre des Sports, pour le bonheur du football camerounais. Des propos bienveillants à priori mais symboliquement poignants.
Qu’est ce que cela veut dire dans le petit monde du football ou d’ordinaire les instances faîtières ont tendance à tancer les gouvernements, accusés «d’ingérence»? Il n’est pas dupe, il sait que le football camerounais est gravement malade; qu’il est traversé par des dérives que la dernière condamnation de Eto’o par un jury disciplinaire de la Caf pour signature d’un contrat de brand Ambassador avec une société de jeux de hasard, a définitivement consacré. Il sait que cette affaire entache l’image non seulement du football camerounais mais africain en général.
Le président de Caf prend position pour un rôle plus accru du gouvernement dans la gestion du football camerounais, lui donnant même sa caution pour une intervention salutaire chaque fois que nécessaire. Dans un contexte où la Fecafoot a toujours tenté de revendiquer son indépendance, le président de la Caf rappelle à Samuel Eto’o qu’il ne peut pas et ne doit pas faire sans le gouvernement.
Patrice Motsepe, à la face du monde devant Infantino et les autorités camerounaises, crucifie Samuel Eto’o; laissant clairement sous-entendre que ses dérives, nombreuses, ne sont pas cautionnées par la Caf et la Fifa. Plus grave, cette prise de parole publique et en mondovision sape un crédit longtemps entretenu, à savoir que Eto’o dispose d’une « profondeur » aussi bien à la Caf qu’à la Fifa. Motsepe l’a publiquement démystifié. Indiquant clairement qu’ils ne sont ni de près ni de loin associés aux comportements du président de la Fecafoot.
Et enfin, la prise de parole de Patrice Motsepe est un blanc-seing aux agissements du gouvernement qui peut, désormais, à loisir, dicter sa volonté dans la gestion des Lions indomptables, le choix des stades et tout le reste.
Par cette sortie, le président de la Caf donne carte blanche au gouvernement pour agir pour le bien du football camerounais, en droite ligne du discours de Paul Biya du 10 février 2024 qui rappelait :
« Je sais l’importance que vous accordez au football. L’Etat, dans le contexte difficile qui est le nôtre, consent de lourds sacrifices financiers à cet égard. Il est donc en droit d’exiger une meilleure organisation et de meilleurs résultats. Nous allons y veiller. Le Gouvernement et tout particulièrement le Ministère en charge des sports ont reçu des instructions claires sur le sujet».