Par Joël Onana
Les autorités de la Somalie ont annoncé mardi le rappel de leur ambassadeur en Éthiopie pour consultation au lendemain de l’annonce d’un accord entre l’Éthiopie et le Somaliland, une région séparatiste de Somalie. L’Éthiopie et le Somaliland ont signé un accord « historique » permettant à l’Éthiopie d’avoir un accès à la mer via un port situé sur le territoire de cette région séparatiste de Somalie, ont annoncé lundi les autorités d’Addis Abeba. L’accord «ouvrira la voie à la réalisation de l’aspiration de l’Éthiopie à sécuriser son accès à la mer et à diversifier son accès aux ports maritimes», explique un communiqué des services du premier ministre éthiopien Abiy Ahmed sur X. «Il renforce également leur partenariat sécuritaire, économique et politique», avancent-ils aussi en désignant les deux entités signataires. Le protocole d’accord «historique» entre l’Éthiopie et le Somaliland a été signé à Addis Abeba par Abiy Ahmed et le dirigeant de la région séparatiste, Muse Bihi Abdi, à Addis Abeba, ont ajouté les services du Premier ministre éthiopien. Il permet à l’Éthiopie d’acquérir une part non précisée du port de Berbera, au bord de la mer Rouge, quelques mois après les déclarations d’Abiy Ahmed affirmant que son pays devait conforter son droit à l’accès à cette mer, ce qui avait suscité des inquiétudes dans la région.
Berbera est un port africain sur la côte méridionale du golfe d’Aden, à l’entrée de la mer Rouge qui mène au canal de Suez. Redwan Hussein, conseiller à la sécurité nationale de Abiy Ahmed, a par ailleurs avancé sur X que l’Éthiopie aurait accès à une base militaire louée sur la mer Rouge. «Un pas en avant dans la bonne direction pour cette génération et les générations à venir», a-t-il écrit sur X, sans préciser la date d’entrée en vigueur de l’accord.
échanges commerciaux par Djibouti. Addis Abeba avait déjà acquis 19% du port de Berbera en 2018, selon DP World, une société qui gère les opérations de ce port du Somaliland. Elle en détient 51%, et le Somaliland possède les 30% restants. Ancien territoire britannique, le Somaliland a unilatéralement déclaré en 1991 son indépendance de la Somalie, alors que ce pays plongeait dans un chaos dont il n’est toujours pas sorti. S’il dispose de ses propres institutions et bat monnaie, le Somaliland, qui compte 4,5 millions d’habitants, n’a jamais vu son indépendance reconnue par la communauté internationale.
« Mise en péril de la stabilité régionale »
La Somalie doit tenir mardi une réunion d’urgence au lendemain de l’annonce de l’accord entre l’Éthiopie et le Somaliland. En réaction, le gouvernement somalien «convoquera une réunion d’urgence mardi pour discuter et prendre des décisions concernant l’accord conclu par l’administration du Somaliland (région du nord du pays) et l’Éthiopie», a annoncé sur X la télévision d’État somalienne, Sntv. Il n’y a pas eu de réaction immédiate de la part du président Hassan Cheikh Mohamoud, mais son prédécesseur Mohammed Abdullahi Mohamed, dit «Farmajo», a déclaré sur X qu’il s’agissait d’une «sérieuse préoccupation pour la Somalie et l’ensemble de l’Afrique». «Les actions du gouvernement éthiopien constituent aujourd’hui un mépris flagrant des normes et des cadres juridiques internationaux, représentant une violation flagrante de la souveraineté territoriale somalienne», a critiqué lundi sur X le représentant spécial du président somalien pour le Somaliland, Abdikarim Hussein Guled, dénonçant également un «acte unilatéral (qui) met en péril la stabilité régionale».
Le Premier ministre Hamza Abdi Barre a également déclaré que la Somalie défendrait son territoire par «tous les moyens légaux possibles», à la suite de l’accord permettant à l’Éthiopie d’avoir un accès à la mer via un port situé sur le territoire du Somaliland. «Le Somaliland fait partie de la Somalie en vertu de la constitution somalienne, de sorte que la Somalie considère cette mesure comme une violation flagrante de sa souveraineté et de son unité», a affirmé le gouvernement somalien dans un communiqué, avant de poursuivre : «En réponse à cela, le gouvernement somalien a rappelé son ambassadeur en Éthiopie pour consultation».