Par Joël Onana avec Afp
Le revirement s’est fait dans la précipitation, en moins de 24 heures. Et avec un brin de panique, tant le tollé a été puissant. Le président des conservateurs allemands de l’ex-chancelière Angela Merkel a refermé ce lundi la porte qu’il avait entrouverte à une coopération au niveau local avec l’extrême droite.
Dans un pays où, depuis le IIIème Reich, toute coopération avec l’extrême droite provoque hostilité et rejet au sein des partis traditionnels, Friedrich Merz avait semblé dimanche soir vouloir rompre le cordon sanitaire établi face à la formation antimigrants, AfD (Alternative pour l’Allemagne).
« Si un conseiller cantonal, un maire, est élu et qu’il appartient à l’Alternative pour l’Allemagne, il est naturel qu’il faille chercher des voies pour faire en sorte de continuer à travailler ensemble dans cette ville ».
avait-il dit, lors d’un entretien accordé à la chaîne de télévision Zdf.
Le président de la CDU (l’Union démocrate-chrétienne) réagissait à de récents succès électoraux au plan local de l’AfD, qui est parvenue à faire élire son premier maire sous ses couleurs, ainsi qu’à prendre la tête d’un conseil d’arrondissement, l’équivalent d’un conseil départemental français. Mais ces déclarations ont aussitôt provoqué de vives réactions dans les rangs des conservateurs, notamment de plusieurs chefs de gouvernements régionaux, car le parti a adopté une motion qui exclut toute coopération avec l’extrême droite.
Un parti « antidémocratique »
La sortie de Merz a d’autant plus inquiété qu’elle est intervenue le jour des élections parlementaires en Espagne, où avait été envisagée une alliance entre la droite traditionnelle et le parti ultranationaliste et ultra-conservateur Vox. « L’AfD ne connaît que l’opposition et la division », a assené le maire de Berlin et membre de la CDU, Kai Wegner, qui gouverne avec les sociaux-démocrates dans cette ville-Etat régionale.
Le chef du gouvernement bavarois, Markus Söder – président du parti frère de la CDU, la CSU, implantée dans cette région – a de son côté rejeté toute coopération avec l’AfD « peu importe à quel niveau politique ». L’AfD est « antidémocratique, d’extrême droite et divise notre société », a-t-il fustigé sur Twitter.
Des élections régionales sont prévues en Bavière en octobre prochain. Seule l’AfD s’est félicitée de l’ouverture de Merz : la Cdu va être obligée de lever « l’interdiction de contact » avec l’AfD, a estimé la présidente de la formation d’extrême droite, Alice Weidel, au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung. Dès lundi matin, Friedrich Merz est revenu sur ces déclarations : « Il n’y aura pas de coopération au niveau communal de la CDU avec l’AfD », a-t-il dit dans un tweet.
Un mois avant d’être élu à la présidence du parti en janvier 2022, il avait d’ailleurs affirmé : « avec moi, il y aura une digue contre l’AfD ». Après les années de centrisme d’Angela Merkel, Friedrich Merz a cependant opéré un virage à droite de la Cdu. Pour Nils Diederich, professeur à l’Université libre de Berlin, la sortie de Merz dimanche soir « montre à quel point il ne sait pas quelle stratégie adopter face à l’AfD ». Cependant, note-t-il, « une attitude plus populiste de la CDU ne rapportera absolument rien à cette formation car les électeurs préféreront toujours l’original à la copie ».