Par Sandra Embollo
La condamnation de David McBride divise les Australiens. D’un côté, aux yeux des juges, David McBride a mis en danger la sécurité nationale et sapé la confiance des alliés. En revanche, pour ses partisans, cet ex-avocat militaire est un courageux lanceur d’alerte qui a permis de révéler des crimes de guerre longtemps étouffés par les généraux.
L’accusé, lui, persiste et signe. Le 14 mai, David McBride est entré dans le tribunal le poing levé et en est sorti en déclarant :« Je n’ai jamais été aussi fier d’être citoyen australien. » Devant les juges, l’accusé a bel et bien avoué avoir d’abord volé des caissons entiers de documents, pour une grande partie classés « secret défense », pour ensuite les remettre à des journalistes d’investigation. 235 documents en tout, selon l’accusation. Mais, même jugé coupable, David McBride persiste et signe : « Oui, peut-être j’ai enfreint des lois, a-t-il déclaré, mais pas mon serment vis-à-vis du peuple australien et des soldats qui assurent notre sécurité. »
En fait, les documents en question ont permis à des journalistes de révéler l’un des plus gros scandales dans l’histoire de l’armée australienne. La chaine de télévision ABC en a fait une série de sept épisodes en 2017, les « Afghan Files » ou « Dossiers afghans ». Les Australiens y ont appris, stupéfaits, que des membres des forces d’élite avaient tué, en 2013, des civils afghans non armés, y compris des enfants. Des révélations qui ont par la suite forcé l’armée à enquêter sur ces bavures.
Bilan honteux
Mais il a fallu attendre 2020 pour que l’armée sorte un rapport, preuves à l’appui : les troupes australiennes ont tué en toute illégalité 39 prisonniers, paysans et autres civils. Le général Angus Campbell, à l’époque chef des forces armées, a alors présenté ses excuses au peuple afghan et parlé d’un « bilan honteux ». Tout juste arrivé sur le terrain des combats en Afghanistan, certains soldats ont dû passer par une sorte de bizutage, surnommé « blooding » ou « saignement », un rituel d’initiation traditionnellement lié à la chasse au renard. Les soldats ont été forcés par leurs camarades à tirer sur des prisonniers afin de commettre leur premier meurtre.
Des procédures sont en cours, mais jusqu’à présent, aucun des soldats n’a encore été jugé. C’est justement cela qui met en colère les défenseurs des droits humains, comme la directrice locale de l’Ong Human Rights Watch. Pour Daniela Gavshon, c’est « une tache sur la réputation de l’Australie que la première personne reconnue coupable de ces crimes soit un lanceur d’alerte et non les auteurs de ces crimes ».