Par Arlette Akoumou Nga
La junte au pouvoir en Birmanie a annoncé jeudi la libération de près de 6 000 prisonniers, dont une ancienne ambassadrice britannique, un journaliste japonais et un conseiller australien du gouvernement déchu d’Aung San Suu Kyi. Ces trois ressortissants étrangers “sont graciés et expulsés“, a indiqué la junte dans un communiqué, sans préciser quand cette expulsion aurait lieu.
Cette décision est un rare signe d’ouverture des militaires depuis leur arrivée au pouvoir lors du coup d’État du 1er février 2021. Des milliers de personnes ont été emprisonnées dans le cadre de la répression sanglante de toute dissidence qui a suivi.
L’ex-diplomate Vicky Bowman, le conseiller économique australien Sean Turnell et le journaliste japonais Toru Kubota “seront libérés pour marquer la fête nationale” (jeudi), a déclaré à l’AFP un officier supérieur. “Au total, 5 774 prisonniers, dont quelque 600 femmes, seront libérés”, ont-ils précisé, révisant à la hausse le chiffre antérieur qui était d’environ 700. Ils n’ont pas précisé combien de personnes graciées avaient été arrêtées lors de la répression militaire contre la dissidence.
Condamnations politiques
Cette décision était réclamée depuis de longs mois par les organisations de défense des droits humains, qui pointaient du doigt des condamnations politiques par une junte accusée d’avoir fait plonger le pays dans un conflit sanglant depuis le coup d’État militaire de février 2021.
Vicky Bowman, en poste entre 2002 et 2006, et son mari, l’artiste birman Htein Lin, ancien prisonnier politique, tous deux arrêtés en août pour avoir enfreint les lois d’immigration, avaient été condamnés à un an de prison.vComme son épouse, Htein Lin a été libéré.
Sean Turnell, professeur d’économie australien, travaillait en tant que conseiller d’Aung San Suu Kyi lorsqu’il a été arrêté quelques jours après le coup d’État, en février 2021. Il a été condamné en septembre à trois ans de prison pour violation de la loi sur les secrets officiels.
Toru Kubota, 26 ans, arrêté en juillet en marge d’une manifestation anti-junte à Rangoun, avait été condamné à dix ans d’emprisonnement. Une source diplomatique japonaise a confirmé à l’Afp qu’il “serait libéré aujourd’hui” jeudi et quitterait la Birmanie pour le Japon ce même jour.
C’était le cinquième journaliste étranger depuis le coup d’État à avoir été arrêté par la junte, après les Américains Danny Fenster et Nathan Maung, le Polonais Robert Bociaga et le Japonais Yuki Kitazumi, qui ont tous fini par être libérés et expulsés. Selon l’Unesco, au moins 170 journalistes ont été arrêtés depuis le coup d’État, et près de 70 d’entre eux sont encore en prison.
Le quatrième étranger libéré, Kyaw Htay Oo, est un Birman détenant un passeport américain, selon une source officielle.
“Très bonne nouvelle”
Dès l’annonce de la junte, des familles se sont réunies devant la prison d’Insein à Rangoun, selon une journaliste de l’Afp sur place. San San Aye a expliqué attendre la libération de ses frères et sœurs. “Trois d’entre eux ont été condamnés à trois ans chacun il y a huit mois“, a-t-elle affirmé à l’Afp. “Leurs enfants attendent à la maison. Nous serons plus qu’heureux s’ils sont libérés.”
De son côté, Kyaw Htay, dont le fils a été condamné à trois ans de prison pour avoir partagé des messages anti-coup d’État sur les réseaux sociaux a dit espérer qu’il “soit libéré aujourd’hui”.
Quant au professeur Turnell, sa libération “est une très bonne nouvelle après qu’il a été pris en otage par le régime, sa famille et ses amis vont se réjouir“, a réagi auprès de l’Afp l’analyste indépendant David Mathieson. Mais la junte “ne montre aucun signe de réforme et une amnistie de masse ne l’absout pas des atrocités commises depuis le coup d’État”, a-t-il rappelé.
“Des milliers de personnes emprisonnées depuis le coup d’Etat (…) n’ont rien fait de mal et n’auraient jamais dû être emprisonnées au départ”.
a déclaré le porte-parole du bureau régional d’Amnesty.
Trois anciens ministres du gouvernement déchu d’Aung San Suu Kyi, qui reste incarcérée alors que son procès fleuve est en cours, ont aussi été libérés, a indiqué un officier supérieur de la junte.
Depuis le coup d’État, plus de 2 300 civils ont été tués par les forces de sécurité, selon le décompte d’une Ong locale. La junte accuse pour sa part l’opposition armée de la mort de plus de 3 900 civils.