Par Joël Onana
Cette visite a commencé par des images qui devaient raconter une histoire : celle d’Emmanuel Macron et de Lula dans la forêt amazonienne à Belém avec le cacique Raoni. Main dans la main, en bras de chemise, complices, et sur la même longueur d’onde avec la volonté de faire de l’ambition environnementale un combat commun, décrit notre source. Dans un « moment brésilien », comme le dit l’Élysée, car ce pays va organiser plusieurs grands rendez-vous multilatéraux dans les prochains mois – du G20 à la COP de 2025 –, l’idée est d’en profiter pour développer un partenariat stratégique.
S’agissant de la lutte contre le changement climatique, la France et le Brésil apparaissent sur la même longueur d’onde. Un programme d’investissement à l’échelle de l’Amazonie brésilienne et guyanaise, destiné à lever un milliard d’euros sur quatre ans, dans le cadre d’une feuille de route sur la bioéconomie et la protection des forêts tropicales, a été annoncé mardi 26 mars. Avec le souhait pour Emmanuel Macron de « bâtir une stratégie transfrontalière nouvelle ».
Célébrer la force du partenariat bilatéral de défense
Mercredi, c’était au tour des questions de défense. Les présidents français et brésilien ont célébré le partenariat naval entre les deux pays, qui vont ainsi coopérer sur un « nouveau programme de sous-marins », notamment à propulsion nucléaire, et qui travaillent ensemble sur la construction d’hélicoptères. Emmanuel Macron a aussi évoqué le renouvellement de chars, tout en indiquant ne pas exclure de parvenir à vendre au Brésil des avions Rafale.
Ce dernier a d’ailleurs retrouvé Lula sur le chantier naval d’Itaguai, près de Rio, mercredi, pour la mise à l’eau du troisième d’une série de quatre sous-marins de conception française à propulsion conventionnelle, fruit d’un accord franco-brésilien signé en 2008. Outre la vente de 50 hélicoptères Caracal, l’accord de défense entre le Brésil et la France comprend un contrat de 6,7 milliards d’euros pour développer les capacités sous-marines du Brésil. L’accord doit permettre au Brésil de concevoir et construire son premier sous-marin nucléaire d’attaque, l’Alvaro Alberto. Pour l’heure, le projet accumule les retards.
Les deux chefs d’État ont souligné le sens de ce partenariat stratégique dans un monde éprouvé par guerres et crises. Malgré les divergences, notamment sur l’Ukraine, le président français a jugé « qu’il nous faut parfois savoir tenir le langage de la fermeté pour protéger la paix ». Mercredi, Macron a ainsi salué une « nouvelle page » des relations avec le Brésil, évoquant un « un destin commun » et une « même vision du monde », qu’il s’agisse de lutte contre le changement climatique, d’industrie de la défense ou encore « d’aventures spatiales ».
Désaccord sur le Mercosur
Après la défense, l’économie. Quelques heures plus tard, mercredi, la dissonance entre les chefs d’État a été beaucoup plus vive, sur l’avenir de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur. Ce traité UE-Mercosur « tel qu’il est aujourd’hui négocié est un très mauvais accord, pour vous et pour nous », a affirmé Emmanuel Macron devant un parterre d’entrepreneurs brésiliens à Sao Paulo, la capitale économique.
« Bâtissons un nouvel accord […] qui soit responsable d’un point de vue de développement, de climat et de biodiversité ».
a-t-il défendu.
Le projet de traité, dont les discussions ont commencé en 1999, entend supprimer la majorité des droits de douane entre les deux zones en instituant un espace de plus de 700 millions de consommateurs. Après un accord politique en 2019, plusieurs pays dont la France ont bloqué son adoption, une opposition qui s’est renforcée avec la crise agricole qui sévit en Europe. Emmanuel Macron a par exemple avancé que les règles de ce traité commercial ne sont pas « homogènes » avec les règles européennes. Poids lourd du Mercosur, le Brésil, avec Lula en tête, défend au contraire sans relâche l’accord.
Politique internationale au menu du dernier jour de visite
Pour le dernier jour de sa visite ce jeudi 28 mars, le président français sera accueilli dans la capitale Brasilia par Lula pour des échanges dominés par les grands enjeux internationaux. Emmanuel Macron devrait rappeler toute la place que le G20, présidé cette année par le Brésil, doit selon lui continuer à accorder à la guerre en Ukraine. Lula, qui se pose en champion du « Sud global », martèle pour sa part que les responsabilités sont partagées en Ukraine et refuse de prendre parti contre la Russie.
Quoi qu’il en soit, Emmanuel Macron cherche à faire du « bilatéralisme actif » avec le Brésil et à se faire un allié, en renforçant le lien entre les deux pays et en essayant d’obtenir des convergences sur la scène internationale.