Par Léopold Dassi Ndjidjou
Ce dimanche 18 août 2024, la chaîne de télévision Equinoxe Télévision a obtempéré à l’injonction du Conseil national de la communication (Cnc). Alors que l’émission de débat « Droit de réponse » avait été suspendue à la sortie de sa 43ème session ordinaire le 8 août dernier, et remplacée aussitôt la semaine d’après par « 237 le Débat », et aussitôt interdite à son tour dans la foulée, le bras de fer n’est pas allé plus loin. Equinoxe Tv a jeté l’éponge ce 18 août, dans l’optique visiblement de dévoiler aux yeux du monde que l’ogre Censure a repris ses droits de cité dans le paysage médiatique au Cameroun.
Si dans un passé de triste mémoire, cette pratique moyenâgeuse était opérée ouvertement par le ministère de l’Administration territoriale (Minat), aujourd’hui le Cnc a de toute évidence raviver le monstre dormant qui se nourrit de la liberté de la presse. On avait déjà eu une sensation acide avec le verdict donné par Joseph Chebonkeng Kalabubse et les siens à la fin de la session.
D’abord les affaires sur la table du Conseil avait été essentiellement des autos-saisines, c’est-à-dire que sans que les ministres concernés dans les affaires aient eu besoin de se plaindre, le Cnc dans son monitoring des contenus médiatiques, semble avoir été heurté par la légèreté avec laquelle certains membres du gouvernement étaient malmenés par la presse. Sur le champ, il s’est saisi de ces cas, pour mettre les journalistes et les médias au pas de la normalité. Pour ce faire, il a sorti l’artillerie lourde : des suspensions allant de 6 à 1 mois et des avertissements.
Le Cnc est-il devenu un père fouettard qui protège préférablement l’image de marque des ministres ? Il n’est point besoin de revenir sur les cas des membres du gouvernement dont le Cnc a estimé qu’ils étaient offensés par des déclarations non fondées des journalistes et de nature à porter atteinte à leur honneur. Dès lors, on est fondé à se demander si dorénavant les journalistes doivent désormais s’abstenir de toute lecture critique de l’action gouvernementale. C’est là désormais une préoccupation qui hante les femmes et les hommes des médias qui ne savent plus quelle est la sémantique appropriée pour ne pas tomber sous le coup de la sanction.
Ensuite, au moment où certaines autorités administratives à l’exemple de l’arrêté préfectorale du Mfoundi est là, telle une épée de Damoclès, cette nouvelle posture du Cnc vient en rajouter une couche sur la suspicion de l’opinion à l’endroit des pouvoirs publics de bâillonner vaille que vaille la presse. Si le Cnc entre dans la danse en adjuvant de ceux qui sont allergiques à la liberté de la presse, ne risque-t-on pas là de sombrer vers les rivages incertains ? « Censurée », qui barre la une d’un média de nos jours, de la Tv ou de la presse écrite, devrait-être perçue à priori, d’emblée, comme une reculade dans la liberté de la communication sociale.
Le Cnc qui construisait pourtant avec méthode, sa crédibilité au quotidien par des séminaires et des rencontres de sensibilisation au bénéfice des journalistes et autres acteurs de la communication, a pris un virage de 90 degrés sans crier garde. Que se passe-t-il ?