Par Éric Boniface Tchouakeu
Le journaliste, alors Chef de Chaîne de la radio Amplitude FM, qui consacrait une bonne partie de ses dernières émissions à la dénonciation des actes de corruption et les détournements des deniers publics au Cameroun en citant nommément certains auteurs présumés, généralement des hautes personnalités, avait disparu cinq jours plus tôt. On était précisément sans nouvelles de lui depuis le soir du 17 janvier.
A ce jour, une quinzaine de personnes, la plupart inculpées le 03 mars 2023 ont été écrouées provisoirement à la prison principale de Yaoundé dans le cadre de ce dossier.
Parmi elles, se trouvent notamment , Léopold Maxime Eko Eko, qui au moment des faits était le Directeur Général de la Direction Générale de la Recherche Extérieure (Dgre), principal service de renseignement camerounais et l’homme d’affaires Jean Pierre Amougou Belinga.
Le 19 décembre 2023, c’était au tour du Maire de la commune de Bibey, situé dans le département de la Haute Sanaga, Martin Stéphane Savom, d’être à son tour inculpé et écroué. Il y a quelques jours encore, un autre suspect moins connu, a subi le même sort.
Tous ont été inculpés pour : torture, complicité de torture, arrestation et séquestration, et violation de consignes en lien avec la mort du journaliste. Et aujourd’hui, on en est encore à la phase de l’instruction.
Trois juges du Tribunal Militaire de Yaoundé se sont déjà succédés dans cette affaire : Prosper Oyono Ebessa qui a procédé aux premières inculpations ; le Lieutenant-Colonel Magistrat Florent Aimé Sikati II Kamwo, chargé du dossier pendant neuf (09) mois, qui a notamment initié les premières confrontations entre les prévenus ; et depuis le 18 décembre 2023, l’affaire est instruite par le Colonel Magistrat, Pierrot Narcisse Ndzié qui a notamment inculpé le Maire de Bibey, laissant prospérer au sein de l’opinion la thèse de l’existence d’un second commando qui aurait effectivement tué Martinez Zogo, après les supplices qui lui ont été infligés par les membres du premier commando.
Le deuxième juge d’instruction, Florent Aimé Sikati II Kamwo a été dessaisi du dossier après sa fameuse ordonnance du 01er décembre 2023 qui ordonnait la remise en liberté de deux des principaux inculpés à savoir, le patron des services secrets camerounais au moment des faits, Léopold Maxime Eko Eko, et l’homme d’affaires Jean Pierre Amougou Belinga ,soupçonné d’être le ou l’un des commanditaires de l’assassinat du journaliste .
Il convient de mentionner qu’une note signée du même juge plus tard le même jour indiquait que l’ordonnance qui était en en circulation finalement non exécutée, était fausse.
Cette affaire de la vraie fausse ordonnance du juge dans ce dossier sensible, a plongé l’opinion dans l’embarras.
Elle attend toujours de connaître la vérité sur la mort de Martinez Zogo dont la dépouille se trouve encore à la morgue.
L’ Ong Reporters Sans Frontières (Rsf) et des lanceurs d’alerte Camerounais qui ont ébruité certaines données concernant les auditions des personnes inculpées, qui à ce stade sont encore sous le sceau du secret de l’instruction selon la loi, font globalement croire que l’assassinat du journaliste qui serait décédé suite aux multiples sévices corporels dont il a été l’objet selon le rapport d’autopsie du 10 février 2023, effectué par les médecins légistes, serait in finé , le résultat d’un règlement de compte sous fond de lutte de clans dans les cercles du pouvoir.
Il reste maintenant à la justice d’éclairer tout le monde en tentant d’apporter des réponses à toutes les questions légitimes qui se posent ou qui peuvent être posées. Cette justice semble prendre beaucoup de temps, avec notamment une instruction qui piétine au goût de certain.
Il existe cependant, quel que soit les éventuelles pressions, et la qualité ou position sociale des auteurs du crime, des fortes chances d’avoir tôt ou tard la vérité dans cette affaire au regard des pressions de l’opinion nationale et surtout internationale.
Au Burkina Faso par exemple, après plusieurs années de tâtonnement, la justice a finalement pu élucider les circonstances et identifier les auteurs de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo.