Par Léopold DASSI NDJIDJOU
L’esprit des Camerounais en matière politique n’est plus en place. C’est le moins que l’on puisse dire. Paul Biya lui-même dans un de ses messages, a déclaré que les Camerounais sont un peuple d’individualistes. Ceci signifie que chaque citoyen est préoccupé par son gain immédiat au détriment de l’intérêt collectif. En 1982, au moment où Paul Biya prenait les rênes du pouvoir, il n’était pas le plus âgé, ni de la même ethnie que le président Ahmadou Ahidjo démissionnaire.
Ce qui visiblement guida le président Ahidjo à préparer son dauphin, était ses qualités intellectuelles et humaines. Revenu au pays en 1962 bardés de diplômes français, il va de soi que le jeune intellectuel devait suppléer aux limites de son illustre prédécesseur sur ce point précis. Ni l’âge, ni la religion, ni l’appartenance communautaire n’ont influencé le choix du premier président de la République du Cameroun. Ce qui comptait et importait à ses yeux étaient la capacité de Paul Biya à diriger le pays dans le sens de la marche qu’il avait imprimée. Dans son discours de départ il va d’ailleurs demander à ses compatriotes de faire confiance à Paul Biya. Ce qui se passa effectivement et encore d’ailleurs plus, avec le coup d’État manqué du 6 avril 1984.
A côté de ceci, quand Paul Biya arriva au pouvoir, on ne vit aucun des hommes politiques de sa génération se lever ostensiblement et ostentatoirement pour s’opposer à lui. Une sorte d’unanimité était construite que si le redouté Ahidjo avait prescrit un successeur, il vallait mieux s’aligner. La tentative de coup d’État est du reste à son actif, un peu comme s’il n’y avait que lui seul pour briser le consensus fait autour du nouveau pouvoir. 41 ans plus tard, on ne peut valablement visiter les débuts du Renouveau aux affaires sans soulever les interrogations sur les causes de l’effritement aussi avancé du consensus national.
Un consensus impossible?
Rien ou mieux presque rien du tout ne met plus les Camerounais d’accord. La dernière en date, le football a volé avec fracas au point où on voit des Camerounais se féliciter en mondovision de la défaite de l’équipe fanion, les Lions indomptables du Cameroun. Avant le foot, il y avait l’école. Oui l’école camerounaise a toujours formé des têtes bien faites et bien pleines. Mais au bout du compte, au fil des années, la notion de mérite a disparu des promotions sociales, détrôné par le favoritisme, le clientélisme ou le tribalisme.
Aux concours d’entrée dans les grandes écoles, le constat est vite fait que le mérite n’est en rien concerné, si ce n’est une suite ahurissante d’admis ayant parfois le patronyme. Ceci a tué l’esprit de la saine compétition à l’école. Avant les résultats aux grands concours confirmaient au gré des générations les valeurs intrinsèques des uns et des autres. Le comble, estiment certains observateurs, est la politique multipartisane. Il n’en est rien, car penser différemment ne signifie pas absolument pas désaccord. Ce qui compte est le résultat au bout du processus.
Tous les politiques veulent ou devraient en principe chercher un mieux être des Camerounais. De ce point de vue, sur quoi ou sur qui s’appuient aujourd’hui les Camerounais pour relever
les défis de l’émergence dont le pouvoir en a fait un pourtant une cause nationale? C’est difficile de répondre car après 41 ans de pouvoir et à 90 ans, des Camerounais ne savent pas toujours de quoi demain sera fait, et demandent à deux ans de l’élection présidentielle à Paul Biya de briguer un ultime mandat. Vous avez dit manque de consensus ?