Par Éric Boniface Tchouakeu
Le Ministre Narcisse Mouelle Kombi,affirme dans son communiqué, que son acte fait suite aux « très hautes directives » du Président de la République et conformément à son « haut accord », objet d’une correspondance (N° 71 /CF/SG/PR) du Ministre d’Etat, Secrétaire Général de la Présidence qu’il a reçu le même 02 avril.
Ce jour-là en effet, le Ministre d’Etat Ferdinand Ngoh Ngoh, adresse un courrier au Ministre des Sports et de l’Education physique dans lequel il lui notifie « le haut accord de la Présidence de la République » relativement à ses propositions de recrutement du Sélectionneur et des responsables chargés de l’encadrement technique, administratif et médical de l’équipe nationale sénior de football masculin, dont les noms des membres sont déclinés dans l’annonce du Ministre chargé des sports.
La Fédération camerounaise de football (Fécafoot), a fait part de son étonnement après avoir appris par voie de presse, c’est-à-dire au même moment que tout le monde, la désignation des membres de l’encadrement des Lions Indomptables.
Dans une lettre adressée au Ministre des Sports le 03 avril 2024 avec copie au Ministre d’Etat Secrétaire Général de la Présidence, le Président de la Fécafoot, Samuel Eto’o Fils déclare que la fédération qu’il dirige « ne saurait reconnaître » les nominations effectuées selon elle « en dehors de tout cadre légal et réglementaire. »
Dans le communiqué final de la session du Comité d’Urgence de la Fécafoot tenue le 06 avril 2024 avec pour unique point inscrit à l’ordre du jour :
« la crise née de la désignation le 02 avril 2024 des membres des structures d’encadrement de la sélection masculine sénior fanion par le Ministre des Sports et de l’Education physique »,
les participants à l’unanimité, recommandent au Président de la fédération, de soumettre à ce Comité d’Urgence, en application des articles 4 du décret présidentiel du 26 septembre 2014 portant organisation et fonctionnement des sélections nationales de football et 40(11) des Statuts de la Fécafoot, des propositions de nominations des membres des structures d’encadrement des sélections nationales de football dans un délai de soixante–douze(72) heures.
Au-delà des divergences d’interprétation des textes dans ce dossier entre le Ministère des Sports et la Fécafoot, il y a surtout en filigrane, le sentiment du côté de la fédération et notamment chez son patron Samuel Eto’o Fils qui avait affirmé « avoir les bras longs le jour comme la nuit », que le Président Paul Biya en personne, n’aurait pas donné son aval pour la désignation des membres du staff annoncé le 02 avril 2024.
En théorie, la plupart des membres de l’équipe dirigeante de la Fécafoot, cadres importants du parti au pouvoir et, ou soutiens déclarés du Président de la République ne sauraient en retour s’opposer à une décision de ce dernier dans l’actuel contexte camerounais, au point de vouloir le défier au regard des conséquences néfastes que l’attitude de défiance pourrait avoir sur leurs carrières politiques et administratives.
Plus largement, le bras de fer engagé par la Fécafoot contre le Ministère des Sports remet au-devant de la scène la problématique de la gestion quotidienne des affaires de l’Etat à travers « les hautes instructions » présidentielles ou autres expressions équivalentes, souvent utilisées par le Ministre d’Etat, Secrétaire Général de la Présidence, pour répercuter aux membres du Gouvernement, les Directeurs Généraux des entreprises et établissements publics et autres hauts commis de l’Etat, des décisions ou des directives du Chef de l’Etat.
Bénéficiaire d’une délégation permanente de signature de la part du Président de la république, une coutume administrative depuis le Premier Président Ahmadou Ahidjo, le Secrétaire Général de la Présidence, patron de tous les services administratifs rattachés à la Présidence de la république, apparaît dans le régime présidentialiste camerounais, comme le véritable numéro deux de l’exécutif et du pays, loin devant le Premier Ministre, en principe Chef du Gouvernement.
La longévité de l’actuel titulaire du poste , Ferdinand Ngoh Ngoh ,bientôt treize(13) années d’affilé dans cette fonction, un record, l’âge du chef de l’Etat Paul Biya,91 ans, et surtout la récurrence « des hautes instructions » comme canal de communication entre le Président de la République et ses principaux collaborateurs du fait notamment de la rareté des conseils de ministres, amènent parfois certains à émettre des doutes sur la véracité des décisions ou des orientations transmises par « hautes instructions. »
C’est dans cet esprit que s’inscrit la plainte du député de l’opposition Jean Michel Nitcheu contre le Ministre d’Etat Ngoh Ngoh, accusé d’usurper la fonction de Président de la République.
Il faudrait dès lors, pour une bonne cohésion dans la conduite des affaires de l’Etat, que le Président de la République instruise directement et sans intermédiaire ses principaux collaborateurs dans la grande majorité des cas, ou à défaut donner à ces derniers la possibilité de vérifier directement auprès de lui la véracité de ses directives.
En attendant, l’avenir des « hautes instructions » se joue également au moins en partie, dans l’issue du bras de fer que la Fécafoot vient d’engager avec le Ministère des Sports.