Par Sandra Embollo
Jusqu’à cinq ans de prison et une amende, c’est ce que risquent les couples de même sexe au Cameroun. C’est donc tout un symbole quand un coming out vient de la propre fille du chef de l’État, l’inamovible Paul Biya, 91 ans, ancien séminariste, au pouvoir depuis plus de quatre décennies. “Je suis folle de toi et je veux que tout le monde le sache“, c’est le message qu’avait posté Brenda Biya sur les réseaux sociaux. Un message accompagné d’une photo, où on la voit embrasser sa compagne, une mannequin brésilienne. Dix jours après ce coup d’éclat, elle se confie mardi 9 juillet dans le journal Le Parisien. Elle, qui vit en Suisse depuis l’adolescence, raconte que sa famille a appris son homosexualité par cette publication sur les réseaux sociaux. “Mes parents m’ont appelé et demandé de la supprimer“, dit-elle. “Mais j’avais déjà sauté le pas. Depuis, c’est silence radio“.
La présidence camerounaise ne s’est pas exprimée. Le sujet est encore largement tabou au sein de la classe politique, comme de la société camerounaise. Seule une source gouvernementale anonyme a évoqué ce coming out auprès de nos confrères de RFI. Brenda Biya vit en Suisse, “il s’agit de la vie privée d’une personne majeure résidant hors du pays“, argue cette source, “et cela n’engage en rien le Cameroun ni le chef de l’État“. C’est donc un double argument qui est brandi, celui de la vie privée et hors du Cameroun. Pourtant, la fille de Paul Biya veut politiser son geste. Elle dit espérer que cette prise de parole libérera d’autres personnes au Cameroun. Et même qu’elle permettra de faire changer la loi. “Au moins supprimer la peine de prison” encourue par les couples homosexuels, dit-elle, tout en reconnaissant que la lutte sera difficile.
Son frère prêt pour assurer la continuité du pouvoir
Le Cameroun doit voter en 2025. Pour l’instant, personne ne sait si Paul Biya tentera d’obtenir un huitième mandat. C’est aujourd’hui le dirigeant élu avec la plus grande longévité au monde. Des réélections contestées par des Ong, par des gouvernements occidentaux et des opposants, qui ont été pour certains emprisonnés. Ses partisans mettent en avant la “stabilité” et la sécurité, au moment où le pays est menacé par les jihadistes au Nord et par une rébellion des populations anglophones à l’Ouest.
Mais si le président nonagénaire décidait de passer la main, le pouvoir reviendrait à ses fidèles. Il serait question du secrétaire général de la présidence, déjà très influent, ou du puissant ministre des Finances, mais aussi du fils de Paul Biya, Franck Biya, de plus en plus présent sur le terrain, qui travaille sa popularité. Mystère des arbres généalogiques, le fils pourrait donc assurer la continuité du régime, après son père, tandis que sa fille tente de remettre en cause l’ordre établi.