Par Éric Boniface Tchouakeu
Le leader du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (Mrc), réitère comme il l’avait déjà annoncé au cours d’une conférence de presse le 27 juillet 2023, qu’un report des législatives et municipales prévues en principe au premier trimestre 2025, serait contraire à la constitution.
Il ajoute que sur le plan institutionnel, bafouer le calendrier électoral pour renvoyer à 18 mois, ou aux calendes grecques les élections législatives et municipales aurait pour conséquence, soit la prorogation du mandat des conseillers régionaux dont le mandat doit s’achever début 2026, et qui sont élus au suffrage indirect par les conseillers municipaux, soit l’élection des nouveaux conseillers régionaux par des conseillers municipaux sans mandat électif, survivant uniquement grâce au décret de prorogation de la durée de leur mandat, et dépourvus par conséquent de toute légitimité démocratique. On transformerait ainsi le Cameroun en une authentique république monarchique soutient encore l’opposant.
Maurice Kamto, affirme par ailleurs que sur le plan politique, inverser le calendrier électoral pour organiser le scrutin présidentiel avant les législatives et les municipales serait « une traduction concrète de la panique » qui a gagné le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (Rdpc), parti au pouvoir, qui a mené le Cameroun dans une impasse et qui espère pouvoir sauver les meubles sur le nom de son Président, Paul Biya, « seul ciment permettant encore aux différents clans ennemis de ce parti en lambeaux de se donner une apparente cohésion », d’après le patron du Mrc.
Selon l’article 15 (1) de la constitution en vigueur du 18 janvier 1996, l’Assemblée Nationale est composée de 180 députés élus au suffrage universel pour un mandat de cinq (5) ans.
L’alinéa 4 de cet article dispose qu’« en cas de crise grave ou lorsque les circonstances l’exigent, le Président de la République peut, après consultation du Président du Conseil Constitutionnel et des Bureaux de l’Assemblée Nationale et du Sénat, demander à l’Assemblée Nationale de décider par une loi, de proroger ou d’abréger son mandat.
Sur la base de ce dernier alinéa qui constitue une exception à la règle, les législatives normalement prévues en 2012 avaient été organisées en 2013, et les suivantes prévues en 2018 l’ont été en 2020.
S’agissant des municipales, l’article 170(1) du code électoral de 2012 dispose que « les conseils municipaux sont renouvelés intégralement tous les cinq(05) ans à la même date.»
« Toutefois, en cas de nécessité, le Président de la République peut, par décret, proroger ou abréger le mandat des conseillers municipaux pour une durée n’excédant pas dix-huit(18) mois,après consultation du Gouvernement et du Bureau du Sénat ».
ajoute l’alinéa 2 de cet article.
Comme pour les législatives, les élections municipales attendues en 2012, avaient été organisées un an plus tard, puis celles prévues en 2018, en 2020.
Au-delà des différentes interprétations juridiques que les uns et les autres peuvent avoir sur l’utilisation des dispositions permettant d’abréger ou de proroger les mandats des députés ou des conseillers municipaux, la justice n’ayant jamais été sollicitée pour apporter des clarifications, demeure la question politique qui est celle de savoir : si on peut continuellement proroger les mandats des députés et des conseillers municipaux, sans faire de l’exception la règle et inversement et sans pouvoir poser un acte de fraude par la manipulation du calendrier électoral ?
Il n’échappe cependant à personne qu’en revendiquant avec insistance le respect du calendrier électoral en 2025, Maurice Kamto a en ligne de mire la présidentielle théoriquement prévue au dernier trimestre 2025 à laquelle il déjà annoncé sa candidature.
Selon l’article 121(1 et 2) du code électoral, « le candidat investi par un parti politique non représenté à l’Assemblée Nationale, au Sénat, dans un Conseil régional, ou dans un Conseil municipal »,doit comme tout candidat indépendant, réunir au moins trois cents (300) signatures légalisées par les autorités administratives territorialement compétentes, des personnalités originaires de toutes les dix régions à raison de trente (30) par région,, et possédant la qualité soit de membre du Parlement ou d’une Chambre consulaire, soit de Conseiller régional ou municipal, soit de Chef traditionnel de premier degré.
A l’état actuel, l’écrasante majorité des personnalités pouvant à travers leurs signatures présenter un candidat à la présidentielle sont des militants du parti au pouvoir. Et jamais un tel scénario ne s’est produit à cette élection majeure au Cameroun. Le parti de l’opposant on le rappelle, ne compte aucun élu et n’est pas représenté au sénat, pour avoir notamment boycotté les dernières législatives et municipales de février 2020.
Si les législatives et les municipales sont reportées, Maurice Kamto ne pourra probablement se présenter à la prochaine présidentielle que sous la bannière d’un autre parti politique disposant d’au moins un élu, à l’instar de Cabral Libii ou encore de l’ex Bâtonnier de l’Ordre des avocats, Akere Muna en 2018.
Le jeu politique au Cameroun a ses propres réalités.