Par Benjamin Akono
Depuis l’annonce de sa mort et la diffusion des images insoutenables de sa dépouille, Martinez Zogo est le principal sujet d’actualité au Cameroun. Victime de ses dénonciations contre les prévaricateurs de la fortune publique, le créateur de l’émission Embouteillages est désormais placé au rang des martyrs. Des hommes et femmes de média aux acteurs de la scène artistique, le cas de Martinez Zogo défraie la chronique. Tout le monde y va de sa sensibilité.
Réagissant hier mardi 24 janvier au programme “Couleurs Tropicales” sur Radio France Internationale, l’écrivaine camerounaise Calixthe Beyala n’est pas passée par quatre chemins pour dénoncer l’assassinat de Martinez Zogo. Pour elle, le Cameroun est :
“un enfer, Une antichambre dans laquelle le démon se meut paisiblement”. “Les pires atrocités y sont commises tous les jours sans que personne ne bronche. En plus de 40 ans, il y a eu ce qu’on pourrait appeler un appauvrissement général, tant sur le plan moral qu’économique. Et quand vous tuez un peuple économiquement, vous le soumettez à n’importe quoi. A la peur, au pillage, au vol, à tout. Au Cameroun, le minimum social est de 54 euros. Qu’est-ce qu’on peut faire avec 36.000FCfa? Un médecin va faire quoi avec 36.000 F? Il est obligé d’aller faire les piqûres au quartier pour joindre les deux bouts”
dénonce Calixthe Beyala.
Elle ajoute que :
“Pendant ce temps, certains pillent les caisses de l’État, volent tout, emmagasinent dans les chambres fortes. Ils préfèrent faire manger leur argent par des souris que de donner 1000F à un être humain”. Une situation qui a conduit à “une forme de déshumanisation généralisée”.
se lâche t-elle.
“Regardez ce qui s’est passé avec Martinez Zogo. L’atrocité même de l’acte. Ceux qui l’ont fait ne sont pas des humains, ce sont des monstres. C’est même pire que la mafia, parce qu’à la mafia, ils tirent une balle dans la tête de quelqu’un, et ils passent. Là non, il a fallu le faire souffrir”.
martèle l’écrivaine.
Pour elle, personne n’a le courage de dénoncer les coupables de ce crime crapuleux, de peur de subir le même sort.
“Je vous mets au défi de trouver quelqu’un qui va dénoncer quoi que ce soit de manière réelle. Tout le monde sait qui a fait quoi, si vous suivez un peu les interventions, vous lisez entre les lignes, personne n’ose parler à cause de la peur. Parce que la façon dont il tuent les uns et les autres, et surtout Martinez Zogo s’adresse à nous tous. Et qu’est-ce qu’ils nous disent ? Nous allons vous traumatiser. Il faut avoir pitié de camerounais. Nous allons faire en sorte que vous sachiez que quiconque bronche, va subir le même sort. C’est un message fort adressé à chacun d’entre nous. C’est pour cette raison selon elle, que chacun s’indigne entre quatre murs.
regrette la femme de culture.
L’appauvrissement généralisé, la déshumanisation de la population est tel que les gens ne s’en rendent même pas compte”.
Impossible pour elle d’oublier des cas d’injustice commis dans les années antérieures, contre des camerounais et qui sont restés impunis “on a eu Wazizi qui a été assassiné personne n’a été puni, on a eu Fombor, il y a 2 ans. Tout le monde sait mais personne n’est condamné parce que tous ces hommes de pouvoir ont des liens entre eux qui leur permettent de se tenir les uns les autres”.
Le corps du Directeur chef de chaîne de la radio Amplitude Fm a été retrouvé, mutilé à Ebogo 3 par Soa, une périphérie de la ville de Yaoundé, le dimanche 22 janvier.
Martinez Zogo avait été enlevé quelques jours avant soit le mardi 17 janvier 2023.