Avec Jean-Marc Soboth
D’abord, la dernière débâcle en Côte d’Ivoire 2024. Dès qu’on a critiqué le coaching du tandem Song-Migne, le débat s’arrête. Le risque de se répandre éloignerait du vrai responsable de toute la déconvenue. Non pas le « Ministre d’État, Secrétaire général de la présidence de la République, Son Excellence Ferdinand Ngoh Ngoh » qui, comme d’habitude, a nommé le staff technique et procédé (semble-t-il) à des sélections ex officio. Mais Samuel Eto’o. Samuel Eto’o-le-diable. Samuel Eto’o-le-manipulateur. Samuel Eto’o-le-prétentieux.
On est revenu au bon endroit.
Que lui reproche-t-on ? La liste est interminable. Que du dénigrement ! — étymologiquement, la critique est le difficile exercice d’humilité consistant à rapporter d’abord, systématiquement, l’ensemble des faits positifs avant toute analyse des aspects négatifs…
Ici ? Essentiellement des faits de vie privée. Aucun rapport avec la gestion institutionnelle de la Fecafoot … « Son argent est fini ». « Il est venu à la tête des Lions pour se faire de l’argent ! » « Il est vantard, menteur, voleur… » Lui, c’est « Le-bossu ». « Dadis-Camara. » « Le pasteur des églisiens », et autres « etooadorateurs », « etoosardinard »… « C’est lui le vrai coach. » « Il a tout imposé à Song-l’AVCiste par téléphone ». Depuis la tribune des officiels.
Puis, il y a l’investisseur raté…
« Il est nul ». « Son « père » Gilbert Kadji (Kadji Sports Academy) lui avait bien dit de ne pas se présenter à la tête de la Fécafoot. Parce qu’il n’a plus d’argent. » « Maintenant, ils ne se parlent plus ! » « Il a mal investi son argent. » « Il n’a jamais eu du succès dans les affaires » — le milliardaire américain Donald J. Trump a lui-même connu plusieurs faillites légales ; ses échecs se comptent par dizaines… « Ce n’est pas avec les Lions qu’il aura du succès ! » « Il est allé quémander de l’argent à « son fils », le gardien de but Vincent Onana. Ce dernier lui a prêté 200 millions de francs Cfa pour sa campagne » — personne n’aurait le droit d’emprunter de l’argent pour une campagne électorale même si des fortunés comme Donald J. Trump font aussi du fund raising politique… « Il s’est fâché parce que Onana lui a demandé de signer. » — Eto’o a remboursé à ce jour 150 des 200 millions dus à Onana. « Un vrai escroc ! Il ne peut pas s’en sortir. » « Il paie 8 000 euros de pension alimentaire par mois pour deux enfants qu’il a eus en Espagne et en Italie. C’est pour ça qu’il n’a plus d’argent. » « On va finir par le mettre en prison pour détournement de deniers publics ». « On ne sait même pas ce qu’ils attendent. » « On lui avait alloué des fonds de la ligne 94 à crédit pour la coupe du Monde. Il n’a pas remboursé. » « C’est un sous-homme ! Regardez ce qu’il a fait à Nathalie Nkoah ». « C’est un tribaliste ! » — l’argument, saugrenu, n’a jamais prospéré… « Il a soutenu le président Paul Biya à la réélection d’icelui : c’est un « Sardinard » » — l’ancien gardien de but Joseph-Antoine Bell, chouchou du peuple anti-Eto’o, a lui aussi soutenu « l’homme-lion » dont il a organisé l’anniversaire (Tiens, tiens !), sans que jamais cela lui vale la moindre vague haineuse… Holà !
Ça te dit quelque chose Bell « Jojo » de RFI ? Pas sûr. Petit aperçu biographique pour te rafraichir la mémoire. C’est le grand « visionnaire », l’analyste, l’illustre gardien de but des Lions Indomptables qui s’était vigoureusement opposé à la sélection de Roger Milla pour le Mondial 1990. À la clé, grèves, ostracisme, dénigrements et campagne médiatique contre l’homme dont l’exceptionnelle prestation allait faire connaître davantage le Cameroun et ouvrir à l’Afrique des places supplémentaires à la Fifa World Cup.
Résultat des courses. Devant la réticence du coach russe Valeri Kouzmitch Nepomniachi, contaminé par la vague Bell, le président Paul Biya procéda à la seule sélection à l’équipe nationale par décret présidentiel de l’histoire de son règne. Ainsi fut inventé notre Albert Roger Mooh Miller dit Milla italien. La suite est connue. Le revoilà dans les arcanes de l’autre. Si la honte pouvait tuer.
Ah ! J’oubliais ! Les « faits plus graves » : filouterie d’hôtel et autres. Eto’o serait devenu un filou récidiviste. Pince-sans-rire. « Il a quitté l’hôtel sans payer » ; « il a laissé partout des ardoises impayées ! »
Nous autres ex-étudiants du grand Stan Melonè savons que l’infraction pénale de filouterie allie incapacité de payer et/ou détermination à ne pas payer… Toutes les histoires y afférentes que j’ai écoutées attentivement se résument à : « il est parti ce jour-là sans payer comptant à la caisse ». Des établissements où il est un client habituel, un « vieux client… » (sic) Dont acte.
Pénalistes et criminologues apprécieront…
Citations. « Le Sgpr Ngoh Ngoh se plaint que les équipes nationales leur coûtent de plus en plus cher ». « Nous avions soutenu Eto’o en pensant qu’il viendrait investir son argent personnel »…
_Wow ! Les fonctionnaires-milliardaires-voleurs tapis au Palais d’Etoudi espéraient donc financer la réforme du football camerounais, non pas sur l’argent abondant du contribuable, mais sur le salaire du petit débrouillard de New-Bell !
Autre : « Il a perdu son père [décédé le 17 avril 2023]. Il ne veut/peut pas l’enterrer parce qu’il n’a pas d’argent. »
_Re-Wow ! Quel cynisme ! Est-ce ainsi qu’on traite désormais dans notre Afrique noire shithole un compatriote dont le Papa est actuellement à la morgue ? Quelle méchanceté ! Quelle génération maudite !
Le journaliste et écrivain Jean-Bruno Tagne qui est, de temps à autre, au gré de saison et d’humeur, ami, communicateur et contempteur d’Eto’o en rajoute sur « les lendemains de ce football [camerounais qui, pourtant, est] plein d’atouts. Tout cela [ce déclin] est lié à une seule et même chose : une conception très personnelle du pouvoir par Samuel Eto’o, qui a transformé une fédération en une autocratie, où le culte de la personnalité la dispute à l’irrationnel. » C’est quoi « Le culte de la personnalité » ? C’est quoi « l’irrationnel » ?
Dans des milieux proches de M. Biya, on est plus rationnel sur le dossier Eto’o, il me semble. « Eto’o a des ambitions présidentielles ». « On doit l’empêcher de faire ombrage au dauphin ». Un des clans présidentiels souhaite en effet protéger, par une vraie guerre préventive, leur héritier au trône : « le fils du chef », Franck Biya ».
Petite question : penseriez-vous qu’il existerait au Cameroun une autre question, un autre fait de société ou de politique dans un passé récent, mobilisant autant de rage, d’entrain, de ferveur et d’émotions chez les Camerounais ? Je vous mets au défi de m’en citer.
La décapitation sans précédent du journaliste radio vedette de la capitale, Martinez Zogo, le 17 janvier 2023, n’a pas suscité de véritable indignation nationale. Et d’ailleurs, l’homme d’affaires qui a été arrêté, inculpé, écroué, accusé d’avoir pris part à l’assassinat en personne continue de diriger paisiblement sa chaîne de télévision « Vision 4 », ainsi que toutes ses entreprises bâties à même les deniers publics. Dans l’indifférence. Du jamais vu sur la planète terre ! Si jamais tu en parles, le peuple anti-Eto’o prend congé de toi immédiatement… À défaut de trouver des circonstances atténuantes ridicules aux assassins arrêtés et incarcérés.
Dans ce pays qui a toujours l’ambition de remporter la coupe de monde de football, il n’y avait pas de championnat de football avant Eto’o — Si si ! Y en a-t-il aujourd’hui ? On s’en fout. Demandez-moi si les artificiers de l’apocalypse s’en souciaient. La sélection à l’équipe nationale s’est toujours faite par des repérages aléatoires au petit écran. À la recherche de noms se connotant à des patronymes camerounais dans les championnats occidentaux.
La Fecafoot est, quant à elle, une éternelle mafia à ciel ouvert. Un spectacle de marchés fictifs et de larrons. En silence radio. Les joueurs payaient pour être sélectionnés. Aucune surprise au pays de la corruption. Une partie du salaire du « coach blanc » passait directement dans les poches du membre du gouvernement de M. Paul Biya, le président de 91 ans, au pouvoir depuis quatre décennies.
Eto’o doit désormais envier le sort du « chef ». L’homme-lion vit dans la tranquillité totale. À la tête de la plus ancienne gérontocratie « démocratique » du continent Fcfa.
Voulez-vous savoir pourquoi la présence de Samuel Eto’o à la Fécafoot suscite ce déferlement historique, irrésistible, dans les réseaux sociaux ? Je vous mentirais si je vous disais que j’en avais la réponse exacte. Y a-t-il eu des avancées à la Fécafoot pendant les deux ans d’Eto’o ? A-t-il renoncé à son salaire de président comme prévu ? Les primes sont-elles payées à temps ? Paie-t-on pour être sélectionné comme avant ? Quid de sa légendaire générosité ? Il est interdit d’en parler. Interdit de savoir. C’est de la pub pour Eto’o. Espèce d’éto’o-adorateur ! Fieffé églisien ! Eto’omouton va ! « Vous êtes payés par Eto’o ! »
Aux dernières nouvelles — publiées par le peuple anti-Eto’o —, ce dernier s’est enfui vers Paris avec de l’argent volé. Au minimum arraché de force, aux… joueurs. Évidemment.
Cela va sans doute. Toutes les rumeurs anti-Eto’o sont vraies d’office avant toute vérification journalistique. Toutes. Avant cela, il a fait semblant de démissionner au comité exécutif à Yaoundé. Ça aussi. Ce n’était qu’une « mise en scène » façon Eto’o devant un comité de zombies… Impossible que ça ait été sincère ! C’est tellement évident !
Le pays pendant ce temps tombe en ruines. C’est l’un des plus corrompus de la planète à l’indice de perception de Transparency International. C’est le dernier vrai bastion de la Françafrique et du franc Cfa, monnaie coloniale française d’inspiration nazie. Une guerre y est entretenue contre les vestiges du système britannique. Pour gagner de l’argent des armes et imposer l’imperium français. La vieille oligarchie au pouvoir, une satrapie de diplômés des plus prestigieuses institutions universitaires françaises, est en fin de cycle. Son héritage ? Un immense bordel de la médiocrité où nul ne peut prédire l’avenir, l’alternance au pouvoir en l’occurrence. Rien n’y est lisible. Le danger de la déflagration sociopolitique guette le peuple de la médiocrité.
Tous les « leaders d’opinion » sont très occupés… Occupés à dépecer le footballeur Samuel Eto’o. Occupés à le faire détester au maximum. Les médias mainstream français sont entrés dans la danse. Ils relaient tout ce qui peut accabler Eto’o. Eux au moins ont une vraie raison : sur la planète CanTotalEnergies-Orange, les Français reprochent à l’enfant de New-Bell un crime de lèse-colon. D’avoir soufflé au nez, en plein pré carré, le bifteck de l’équipementier français Le Coq Sportif amené par le notable Etoudi, Menti Yannick Noah.
Pour une fois que l’entente franco-camerounaise est parfaite. C’est la seule qui subsiste en pré carré, bercée qu’elle est par la « très brillante expertise » sur Radio France International (Rfi) de l’autre anti-Eto’o : « l’intellectuel » Joseph-Antoine Bell…
Des pans entiers du pays sont cédés à la prédation multinationale. Impunément. Loin des larmes de crocodile sur la gestion Eto’o. Il n’y a pas d’électricité au pays. Le carburant à la pompe est trop cher. Il n’y a pas d’eau potable. Il n’y a pas d’élection libre. Il n’y a que Samuel Eto’o. Samuel Eto’o. Samuel Eto’o…
Les connaissant, même le sépulcre pour leur jeune ennemi ne les arrêterait pas.
Ici, on fait la sourde oreille à tous les débats anti-impérialistes ayant cours et si populaires dans les médias panafricains. On se moque volontiers des « Panafricons »… Il suffit de changer de sujet. Quand ce n’est plus Eto’o, tout le peuple prend congé rapidement. Comme par un coup de baguette magique.
Pourquoi les vrais sujets font-ils autant fuir les Camerounais ? Réponse de Valérie Priolet :
« Un peuple submergé par la médiocrité se condamne à l’échec et à la misère quand il en connaît plus sur le football que sur ses propres droits, quand il crie plus fort pour un but que pour une injustice et quand il exige plus d’un joueur que de ses dirigeants ».
Fin de citation.
Puis un jour, on nous sort du chapeau l’ancien Lion Gérémi Sorel Njitap… Ah ! C’est donc lui ?! Il « remplacerait valablement » Samuel Eto’o. « Il est plus sérieux, plus respecté. » Par qui au juste ?
Laissez-moi rire et rire et rire. N’est-ce pas celui-là même qu’on disait extraordinairement radin ? On nous jure au passage, la main sur le cœur, qu’il est plus titré, voire plus prestigieux, que le « très sulfureux Eto’o »… Qui pouvait en douter ? Désormais des lanternes en vessies et vice versa. Ainsi va le royaume de la médiocrité !
Il y a quelques semaines, le très mauvais Samuel Eto’o avait été « surplombé », sous la plume des mercenaires, par l’honorabilité du couple Ngannou-Chantal Biya à l’aune d’une cérémonie du ballon d’or à Yaoundé.
Je me demande comment se passe le quotidien d’un Eto’o face à une telle vague sans pitié. Il suffit de voir comment il s’est métamorphosé physiquement en deux années. Il a quasiment fané. Dites : comment fait-on dans ces conditions? Comment dirige-t-on un tel enfer ?
Mais je l’avais prévu. Je l’avais dit et écrit lorsqu’il a été élu à la tête de la Fécafoot. J’avais dit devant témoin. J’avais écrit dans les réseaux sociaux : « Problème, d’ici peu, Samuel Eto’o sera l’homme qui a tué le football camerounais ! Et nul n’aura le droit de dire le contraire ! »
C’est, exactement, ce qui va arriver à celui, malchanceux, qui va immédiatement succéder au vieux M. Paul Biya, si jamais il n’est pas un produit de la mafia au pouvoir ayant prêté serment pour protéger les acquis de la Nomenklatura… Une toute petite année seulement, deux petites années, et on viendra nous faire le remake du sermon : « Au temps de Biya, c’était mieux, peut-être pas le paradis, mais sensiblement mieux ! » Les mêmes. Prenez date !
Parce que je connais un peu le Camerounais. Cet animal sans foi ni loi. Extrêmement cupide — on a déjà commencé à m’accuser d’être payé par Eto’o-qui-n’a-plus-d’argent… Le Camerounais c’est cet énergumène sans patriotisme ni amour du prochain. Ce haineux congénital.
Dans un passé presque récent, j’ai vu. J’ai vécu plusieurs des vagues haineuses de ce type. Roger Milla en 1990-1994 — hué, conspué, massivement insulté, dénigré — sous le magistère de qui vous savez déjà —, ce dernier s’était retiré dans l’anonymat en France malgré sa prestation historique au Mondial italien. Il n’a été ramené au Cameroun de M. Paul Biya que dans une délégation officielle du président français… Jacques Chirac…
Ni John Fru Ndi en 1992, « le petit libraire de Bamenda », décapité pour avoir osé remporter la présidentielle de M. Biya d’après les observateurs…
La liste est longue. Je fais exprès de ne pas l’allonger…
Afin que l’histoire retienne.