Léopold DASSI NDJIDJOU
La mort de Moïse Moundi a été un gros choc pour moi ce jour, 14 novembre 2023. Et pour cause, nous avons été la nuit dernière au Hilton au repas offert par le Mindef à la fin de la traditionnelle réunion spéciale de l’évaluation de la sécurité du pays. Il a d’ailleurs écrit à ce sujet un des meilleurs sujets à mon sens sur l’évènement et le quotidien le Jour l’a si bien perçu a l’a placé en vitrine dans sa livraison de ce mardi : « sécurité : attention au mécontentement des populations ».
Après le repas, nous sommes rentrés ensemble, comme souvent. Au moment de nous séparer, il m’a demandé si on pouvait faire un dernier tour à la « chefferie », avant de nous séparer. J’ai naturellement décliné l’offre car j’avais pas mal de pain sur la planche. Je suis parti, le laissant s’en aller tout seul. Effectivement, il y est allé, a fait quelques commentaires, lui le supporter invétéré de l’Olympique de Marseille en France ! Par la suite, il est rentré se coucher, comme son épouse nous l’a confirmé quand nous sommes passés chez lui cet après-midi. Ce matin, il s’est réveillé comme tout le monde, est allé aux toilettes, et du retour a perdu le contrôle de ses moyens, et s’est étendu sur le lit pour éviter de s’écrouler. Tout s’est déchainé, c’était le début d’un cruel Avc qui a forcé son épouse à le conduire d’hôpital en hôpital, parce que les uns et les autres disaient leurs incompétences face à la situation, jusqu’à ce qu’il aille rendre l’âme au Centre des urgences de Yaoundé à 12h 47 minutes.
Comment j’apprends la triste nouvelle ? Je suis convié à la signature d’un Protocole d’entente entre les Ndh et la Mairie de Yaoundé 5, aux fins de les encadrer dans le respect des droits de l’homme dans l’exécution de leurs missions au quotidien. J’y rencontre Prince Nguimbous du quotidien le Jour qui m’informe qu’il apprend à l’instant la mort de Moïse Moundi. Je lui rétorque que certainement il doit se tromper, car hier soir nous étions ensemble. Je suis obligé de me rendre à l’évidence de la cruelle nouvelle. Moïse Moundi n’est plus ! Il nous a quittés sur la pointe des pieds, sans faire du bruit, sans cris ni tambours. Un homme fier et digne jusqu’au bout, carré sur les principes en tant que journaliste.
C’est un homme fier de travailler pour le quotidien Le Jour et surtout pour son mentor Haman Mana. Il était à Mutations avec lui et dès son départ de là, il l’a suivi pour aller créer Le Jour.
Homme discret, très taiseux lorsqu’il s’agit des questions susceptibles de nuire à la réputation de l’organe de presse dans lequel il travaille. Il me faisait toujours le reproche de saluer, je dis bien saluer ceux qu’on appelle « Hiltoniens », cette catégorie de personnes qui courent les évènements pour exiger des organisateurs des sommes d’argent en se passant pour des journalistes. Moïse avait une haute aversion de ces gens qui nuisent gravement à l’image du journalisme au Cameroun. La fierté de l’homme était aussi gravé dans du marbre lors des couvertures médiatiques. Ce grand reporter, c’est le lieu de le dire, ne s’invitait jamais dans les couvertures. Tant qu’il n’était pas formellement invité, ne vous attendez pas à le voir.
A l’heure où le journaliste passe aux yeux de la société comme le tout-venant, comme un mendiant qui n’est pas à la quête de l’information mais des piécettes de Fcfa, des hommes de presse toujours attachés à des valeurs élevées se meurent. Ce n’était pas facile, pas du tout financièrement parlant, comme il en va d’ailleurs pour tout journaliste tenu par la déontologie. Rester maître de soi, avoir sa conscience pour seul directeur, aux dessus des clans et des clivages qui traversent allègrement notre pays, Moïse Moundi ne s’est point détourné, il est l’est demeuré : journaliste convaincu sur les bords et fier de faire ce qu’il savait faire. Bon pied la route, cher ami ! Tu as mené le combat qui valait la peine d’être mené, celui d’être l’ami de tes enfants, de les éduquer dans la simplicité et la vérité, dans le contentement avec ce que tu avais. Nous partagions cette valeur : « l’homme n’est pas ce qu’il a mais ce qu’il est ». Je m’en souviendrai….