Avec Jean Marc Soboth
L’arrestation à Oslo, mardi dernier, du séparatiste ambazonien Lucas Cho Ayaba n’a pas défrayé la chronique en Norvège. Le public norvégien n’en sait, jusqu’à présent, que très peu.
Manifestement, la police criminelle norvégienne Kripos et le ministère des Affaires étrangères disposeraient, eux aussi, de trop peu d’informations sur les faits de crimes contre l’humanité et crimes de guerre reprochés au séparatiste ambazonien, d’après ce que m’en a dit aujourd’hui au téléphone le journaliste Michel Biem, résident norvégien.
C’est normal. Le ressort de compétence de Kripos se limite au territoire norvégien. Les policiers norvégiens ne s’impliquent, juridiquement, dans les crimes internationaux que dans le cadre de la coopération internationale contre le crime organisé lorsque les suspects résident sur le territoire norvégien.
En ce qui concerne Cho Ayaba, citoyen allemand, il ne faut pas situer — contrairement à des élucubrations de médias camerounais —, l’action de ladite coopération entre Yaoundé et Oslo. Le Cameroun n’a pas d’ambassade en Norvège. Yaoundé n’y entretient, par conséquent, aucune diplomatie directe.
Ce pays est, peu ou prou, couvert dans le cadre de la circonscription de l’ambassadeur en Allemagne, le commissaire de police Victor Ndocki — celui qui, on s’en souvient, fut, une décennie durant, le secrétaire général de la Dgsn à Yaoundé.
D’où vient donc l’ordre d’arrêter Cho Ayaba à Oslo ?
L’annonce qu’aurait faite à ce sujet la police norvégienne est introuvable. Les médias norvégiens qui en font état n’existent quasiment pas.
La primeur de l’annonce de l’arrestation de Cho Ayaba appartient à l’Agence France-Presse (Afp) — tiens tiens ! Les plus grands journaux français — à l’instar du Monde — en ont fait les plus grands titres.
Le Monde
Ceci nous ramène en… France.
La ville française de Lyon en Rhône-Alpes abrite le siège de l’Organisation internationale de la police criminelle, Interpol. Cette organisation est le seul interlocuteur des polices criminelles nationales comme Kripos pour les faits de crimes de guerres et crimes contre l’humanité pour tous les pays dotés, à l’instar du Cameroun, d’un bureau national de l’Interpol.
On comprend ici, aisément, le circuit juridique de cette arrestation pour laquelle les Norvégiens eux-mêmes disent attendre des éléments de preuves des crimes allégués.
Disons-le plus clairement : le Cameroun de M. Paul Biya avait, il y a quelques années, saisi Interpol d’une liste de commanditaires de la lutte armée séparatiste — qu’il avait lui-même provoquée pour décourager le débat constitutionnel du retour à l’État fédéral.
C’est Interpol à Lyon — sous la houlette de son SG allemand, le criminologue Jurgen Stock, et son président, le général et commissaire de police émirati Ahmed Naser Al-Raisi —, qui a demandé à Oslo d’arrêter Cho Ayaba. Mais avant, il a fallu une action diplomatique forte auparavant.
Toutes ces organisations internationales procèdent d’abord, rappelons-le, du rapport de force politique international du moment.
Les Africains doivent le savoir : c’est le domaine du soft Power.
L’Élysée a très probablement obtenu au plan politique que cela se fasse aujourd’hui. Et pour cause.
Paris multiplie ces derniers temps, dans un contexte progressivement prorusse, des cadeaux politiques au chef d’État camerounais, M. Paul Biya.
Le « meilleur élève de François Mitterrand », d’ores et déjà adoubé pour rempiler en 2025 à 92 ans sonnés, est considéré comme l’un des seuls derniers fidèles à une France honnie en « pré carré » et bruyamment chassée du Sahel.