Avec Saint-Eloi Bidoung
Il y a quarante années, que de jeunes soldats, des officiers de l’Armée et des civils étaient conduits au peloton d’exécution puis enfouis dans des fosses communes à Mbalmayo et à Mfou. Ils ont été enfouis sous terre pour avoir commis l’intolérable, l’inacceptable. Ils ont été ensevelis pour avoir tenté l’impardonnable, l’inadmissible. Ils ont été enterrés pour avoir voulu planter au Cameroun des herbes mauvaises qui fleurissent dans d’autres pays africains. A bon entendeur, salut.
Deux ans seulement après l’accession de celui qui y est toujours. Mais l’évènement n’a été ni enfouis, ni ensevelis, ni planté comme un arbre sans fruits dans une forêt. Seuls les oublieux souffrent de cet oubli. La jeunesse de moins de quarante ans aussi, puisque les journées du 05, 06, 07 avril 1984 sont soigneusement occultées. Ce sont celles qui précédaient le « procès des putschistes » quelques jours plus tard. Des moments de la République, fort malheureux, hautement dangereux pour la Nation, heureusement aujourd’hui disparus de la mémoire collective
Crime et châtiments
Loin de nous l’idée de faire ici l’apologie du crime commis contre les institutions de la République, encore moins un plaidoyer pour les occupants de ces fosses communes. Bien que les populations riveraines et les propriétaires des terrains devenus, par force, des cimetières, se plaignent qu’aucune herbes ou plantes n’a plus poussé à ces endroit. Ces populations exigent de l’Etat une réparation depuis des années, ne pouvant plus cultiver du maïs et des arachides sur ces portions maudites. Pourquoi l’Etat ne les a pas recaser ? Pourquoi l’Etat ne peut pas leur offrir une compensation ?
Chez les bétis, le sang à une gravité que seul un rite de purification peut abaisser. Les riverains, peut-être plus leurs descendants et ayant-droits qui n’étaient pas des adultes il y a quarante ans, sont désolés de devoir avoir sur leurs terres les corps et les esprits d’hommes, venus d’ailleurs, victimes de morts violentes tués par des hommes venus d’ailleurs, loin des terres ayant servies de théâtre des opérations pour avoir eu un mari, un fils ou un frère parmi les putschistes, des familles n’arrivent pas à faire le deuil depuis quarante années. Nous chahutons l’acte de ces éléments de l’Armée camerounaise pendant les « Trois malheureuses » d’avril 1984. Ceux qui n’étaient pas encore et ceux qui n’étaient pas encore nés, vous qui étiez encore au village, vous qui n’étiez pas à Yaoundé, vous ne comprendrez jamais ce que c’est qu’une « tentative de coup d’Etat ». Nous qui étions à Yaoundé nous ne préférons pas voir les choses évoluer d’une « tentative de coup d’Etat » à un « coup d’Etat ». Ceux qui souhaitent qu’il en soit ainsi sont aisément identifiables comme des gens qui n’étaient pas à Yaoundé le 05, 06, 07 avril 1984.
Tirs sur la « Bande à Biya »
C’était il y a quarante années. Paul Biya était au pouvoir depuis deux ans seulement. Un officier qui semblait être le chef des mutins des 05, 06, 07 avril 1984, fondait déjà à la radio nationale l’ancêtre du mouvement « OTS » « On a trop supporté ». Mieux encore, il annonçait ce qui va se passer au Cameroun dans les années qui allait suivre. « La bande à Biya se comporte comme si il fallait rapidement se bourrer les poches avant qu’il ne soit trop tard » « Tout était fait comme si la bande à Biya était venu au pouvoir pour s’enrichir personnellement et appauvrir le Cameroun… »
Les mauvais esprits pourraient dire que c’est à cause de ce constat du chef des putschistes que les mutins avaient été jugés, exécutés et inhumés dans des fosses communes. Ce n’était pas qu’un constat. Dans une église de réveil, ils diront que c’était une « prophétie ». Au village, chez moi, nous dirons que c’était un augure. Un mauvais augure. La « prophétie » s’est réalisée moins de quinze ans plus tard. L’augure n’a pas menti. Ainsi est née une République de kleptomanes.
Le colonel mutin avait eu raison Il y a quarante ans. Avec ses compagnons d’armes, au fond de leur fosse commune à Mfou ou à Mbalmayo, il doit être entrain de rigoler. Quand il voit le bilan de l’opération épervier, tout un gouvernement en prison pour avoir siphonner le trésor public, en disant : « nous avions lancé le mouvement OTS, il y a quarante ans, après seulement deux années de pouvoir …» Quand il voit le nombre de durs de la « Bande à Biya » embastillés aujourd’hui, il regrette d’avoir pris les armes contre les institutions de la République. Il regrette d’avoir tenté de tuer Paul Biya. Cet ancien séminariste, fils de catéchiste au bon cœur, qui sait manifester la charité.
Si le Colonel putschiste revenait à la vie, Sans doute que Paul Biya lui aurait fait un petit cadeau. Pour avoir été proactif et visionnaire sur ceux qu’ils ont affectueusement désigné et identifié comme étant la bande à Biya.
Vivement 2025 pour une transition paisible par les urnes et non par les armes. Que Dieu bénisse le Cameroun.