Par Serge Aimé Bikoi
Qui ne se souvient pas des réunions publiques du Mouvement pour la renaissance du Cameroun(Mrc) interdites par les autorités administratives de plusieurs villes et réprimées par les Forces de maintien de l’ordre? Depuis la naissance du Mrc en 2012, cette formation politique de l’opposition camerounaise a déjà été en butte à plusieurs cas d’interdiction des événements politiques et à maints cas de répression des manifestations publiques.
La première réunion publique organisée au Hilton hôtel de Yaoundé, laquelle a consisté à créer, officiellement, le Mrc avait été interdite en 2012. Y étaient présents, ce jour-là: le président national du parti, Maurice Kamto, et des membres fondateurs tels que Alain Fogue, ancien président du Mouvement pour la révolution populaire, mué en Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc); Thierry Okala Ebode, Sosthene- Médard Lipot, Arnaud Manga, Martin Ambang, Fabien Assigana, Frank Hubert Ateba, Saint Eloi Bidoung, etc.
Alors que la conférence de presse de lancement des activités du Mrc avait essuyé, dès l’entame, une perturbation, l’entreprise en charge de la distribution de l’énergie électrique au Cameroun avait opéré une interruption fortuite du courant en pleine salle. L’on dirait un coup fomenté pour saboter l’enclenchement du chronogramme d’activités du parti dont Maurice Kamto tenait, d’ores et déjà, les rênes. Pendant plus d’une heure de temps, la grande salle Bouma du Hilton, qui était pleine à craquer, était alors plongée dans le noir entraînant, par effet corollaire, une chaleur indescriptible mettant, pour ainsi dire, mal à l’aise bien de convives ayant fait le déplacement pour cet événement. L’énergie électrique n’avait plus jamais été rétablie. Résultat des courses : conférence de presse entamée dans l’obscurité dans un malaise généralisé.
C’est depuis le lancement des activités du Mrc en 2012 que les autorités administratives ont commencé à annoncer les couleurs et à interdire, tous azimuts, toute manifestation ou toute réunion publique de cette jeune formation politique de l’opposition camerounaise. Au fil des années, il y a eu tellement de cas d’interdiction et de répression des manifestations publiques organisées par le Mrc que nous n’allons guère nous étaler sur tous ces événements. Mais, il est impérieux de noter que l’année 2018 marque, fondamentalement, une nouvelle ère de contestation post-électorale matérialisée par la résistance au hold-up électoral, dont les acteurs emblématiques sont le Mrc et ses alliés politiques. Dès l’entame du cycle de la contestation post-électorale en fin 2018- début de l’année 2019, les signes de l’autoritarisme sont observés. Les Forces de maintien de l’ordre orchestrent la symphonie des arrestations massives. Près de 500 militants et sympathisants sont, au départ, interpellés le 26 janvier 2019 dans des villes camerounaises telles de que Douala, Yaoundé, Bafang, etc. Après la descente du leader national du Mrc, le 28 janvier 2019 à Douala, pour s’enquérir de l’état de santé de Michèle Ndoki, Célestin Djamen, Guy Laurent Kouam et de celui des autres militants arrêtés le 26 janvier, la même nuit, M. Kamto et des centaines de militants et sympathisants sont embarqués manu militari dans la résidence de Albert Dzongang, puis déportés nuitamment à Yaoundé, où ils sont, au départ, conduits au Gso(Groupement spécial d’opérations), puis transférés dans les geôles de la police judiciaire pour certains et, pour d’autres, au commissariat central no1. Après 48 heures de garde à vue, tous sont inculpés et mis sous mandat de détention préventive à la prison centrale de Yaoundé. Si M. Kamto, Christian Penda Ekoka, Albert Dzongang, Célestin Djamen, Valsero, Michèle Ndoki, feu Paul Éric Kingue et Alain Fogue sont transférés à la prison principale de Yaoundé, des centaines de militants restent englués dans les geôles infectes de la prison centrale de Kodengui. Les modalités de l’autoritarisme se sont donc accrues en fin 2018-début 2019 si bien que même en juin 2019, au cours des marches blanches organisées par le Mrc, d’autres cadres du parti sont arrêtés. C’est le cas de Mamadou Mota, Sa majesté Biloa Effa, Dr Appolinaire Oko le grand et le groupe de manifestants. Certains sont conduits qui dans les cellules du Secrétariat d’État à la défense (Sed), où ils sont torturés pendant des jours alors que d’autres sont en garde à vue dans différents commissariats de la ville de Yaoundé. Nous faisons tabula rasa des autres formes d’oppression vécues par des militants du Mrc le 20 septembre 2020.
Aujourd’hui en 2022, année d’organisation des meetings d’installation des bureaux des fédérations régionales du parti, en dépit du zèle de certaines autorités administratives qui s’obstinent à muter ou, du moins, à délocaliser les lieux de tenue des meetings politiques, des Forces de maintien de l’ordre encadrent pacifiquement des événements ces derniers temps. Les cas de Bafoussam et de Douala en sont des exemples. Les cérémonies d’installation de Me André Marie Tassa, secrétaire de la fédération régionale du Mrc à l’Ouest et des responsables et de Christian Massoma, secrétaire de la fédération régionale Littoral 1 et des responsables ont bénéficié d’un encadrement pacifique au point où tout s’est passé sans anicroches et sans grabuge. Seul le cas de Nkongsamba, où la fédération régionale Littoral 2 a été installée, a connu la perturbation des Fmo, qui avaient fait preuve de zèle outrancier en voulant disperser des contingents de militants à plusieurs endroits délocalisés du meeting. Lorsque le président national du Mrc salue, aujourd’hui, le labeur des appareils répressifs de l’État, il note que leur présence est le corollaire d’un long travail en amont avec certains dirigeants de la ville de Douala pour des raisons sécuritaires avant, pendant et après le meeting du 10 décembre 2022, qui était, faut-il le mentionner, journée internationale des droits de l’homme. Il est donc possible de statuer sur le fait que nous passons, aujourd’hui, de la repression systématique des manifestations et réunions publiques à ce que Joseph Marie Zambo Belinga, Sociologue, appelle “un système de décompression autoritaire”.
Autrement dit, il y a, comme qui dirait, un dégel de l’oppression des Fmo, une décrispation de l’atmosphère délétère entre les Fmo et le Mrc. D’où l’observation du phénomène de l’encadrement pacifique des événements politiques du parti de Maurice Kamto. L’on pourrait donc conclure à la thèse suivant laquelle pourvu que ça dure.