Par Léopold DASSI NDJIDJOU
« Ils ont osé le faire ! Ils l’ont osé ! Abandonner des dizaines de compatriotes, qu’ils avaient laissé piéger par les éboulements à la falaise de Santchou, par Dschang, après les premiers éboulements survenus le 5 novembre 2024 à 11 heures, pour aller fêter le 42ème anniversaire de l’accession au pouvoir du président national de leur parti, le Rdpc »,
commence Maurice Kamto pour annoncer les couleurs de ce qui s’apparente à une grande messe de l’insensibilité du régime face au malheur de ses citoyens.
Il commence sa kyrielle de questionnements sur l’attitude du pouvoir face à ce drame par la présidence de la République. « Où est le président de la République, le chef de l’État, chef des Armées, Monsieur Paul Biya ? Si depuis son retour au pays il a pu recevoir un diplomate étranger en fin de séjour, pourquoi n’a-t-il pas dit un mot, fait un communiqué, plusieurs jours après le drame, alors que de dizaines de ses compatriotes restent ensevelis et abandonnés à une issue fatale par un Gouvernement incompétent, inhumain et sans empathie aussi bien pour les personnes ensevelies que pour leurs familles ?
Qu’est qu’il faudra donc finalement, depuis quarante ans qu’il est au pouvoir, pour toucher la sensibilité humaine de Monsieur Paul Biya », s’interroge-t-il avant d’ajouter qu’il s’est montré froid et distant face aux Camerounais victimes de la guerre contre Boko Haram, les populations des régions anglophones en guerre civile, diverses catastrophes naturelles dont les victimes récentes de l’éboulement du Mont Mbankolo d’octobre 2023 qui a tué au moins 30 personnes; de l’accident de la circulation survenu le 9 octobre 2024 à Kombe sur la route Yaoundé-Sangmélima et les inondations dans la région de l’Extrême-Nord. Il souligne dans ce sens que même aux courageux militaires et éléments des forces de sécurité tombés au champ de bataille, le président de la République a refusé ostensiblement de montrer la moindre émotion, empathie ou chaleur humaine, qui sont à distinguer d’une quelconque assistance matérielle ou financière.
« Encore que même pour l’assistance, il n’a pas toujours pris toute la mesure de la détresse réelle de ses compatriotes. Nos morts sans sépultures crient encore sous les décombres du train fou d’Eséka du 21 octobre 2016. Leurs âmes, comme celles des morts de Ngouache en 2019 et ceux de la Falaise de Dschang du 5 novembre trouveront-elles jamais la paix »,
s’interroge-t-il concernant la première Institution du pays. Il ne s’arrête pas là. Il estime que le silence du président de la République devant la tragédie en cours, où des dizaines de ses compatriotes sont ensevelis depuis des jours, est inadmissible. Ce silence est simplement inhumain. Il faut aimer les gens, assène-t-il, et leur en donner les preuves pour avoir la légitimité de les diriger.
« Un père peut-il apprendre l’engloutissement de ses enfants sans entonner le deuil ou exprimer la moindre douleur », se demande-t-il à ce sujet.
Le gouvernement à la trappe
Maurice Kamto se demande s’il y a un chef de gouvernement dans ce pays.
« Monsieur le Premier ministre Joseph Dion Ngute, que faudra-t-il pour que la tragédie de vos compatriotes ensevelis à la falaise vous touche ? À quoi cela sert-il d’être chef de gouvernement si vous n’aimez pas les gens que vous êtes censés gouverner »,
s’interroge le président du Mrc à l’endroit du patron de l’équipe gouvernementale. Après lui, il questionne l’action du ministre de l’Administration territoriale (Minat) suite au drame de la falaise de Dschang ;
« A quoi servent les milliards de budget engloutis chaque année par la fameuse Direction de la protection civile ? »
Le ministère de la Défense n’est pas en reste car il estime qu’à travers le Génie militaire,
« il aurait pu tenter de secourir les malheureux compatriotes toujours ensevelis. Il n’en est rien, hélas ! » En ce qui concerne le ministre des Travaux publics, il se demande ce qu’il est venu faire sur la « fosse commune » de la falaise de Dschang, « où l’incompétence de leur régime a conduit à l’ensevelissement des dizaines de nos compatriotes, qui espéraient sans doute un sauvetage ».
Par ailleurs, il annonce que si le gouvernement s’estimait dans l’incapacité de faire face tout seul au drame,
« il aurait pu appeler à l’aide internationale dès la survenance du deuxième éboulement. Mais, on est obligé de constater avec tristesse qu’il n’y a pas de commandant à bord du navire Cameroun. Le peuple est abandonné à lui-même. Les fameuses hautes instructions du Président de la République, dont des membres de son propre gouvernement contestent publiquement l’authenticité, ne suffisent plus à masquer la situation ».
Le leader du Mrc est convaincu qu’on aurait pu sauver les vies humaines si l’orthodoxie en matière de la gestion des catastrophes était respectée.
« On aurait pu épargner les vies humaines perdues. En effet, comme je l’ai déjà dit dans ma première déclaration du 6 novembre sur cette catastrophe, dès la survenance des premiers éboulements à 11 heures, l’urgence était de fermer l’accès à la falaise en trois points : au niveau de Melong pour les véhicules arrivant de Douala ou de Bafang, à Santchou pour les véhicules de cette ville allant vers Dschang ou vers Melong, à l’entrée de la falaise, en sortant de la ville de Dschang. Mais dans leur incompétence et leur légèreté chroniques, les différents responsables ont fait le contraire de ce qu’il y avait à faire pour sauver les vies humaines »,
frappe sentencieusement Maurice Kamto. Aux dernières nouvelles, ajoute-t-il, il y a encore des véhicules et des personnes au niveau de la falaise où peuvent survenir de nouveaux éboulements au moment où je vous parle. Le gouvernement doit toutes affaires cessantes faire évacuer toute la zone concernée de la falaise. Ne doivent s’y trouver que les professionnels équipés de matériels d’intervention adéquats qui protègent leurs propres vies et celle des personnes encore ensevelies. Pour terminer, Maurice Kamto est convaincu que
« le président de la République a failli et cela depuis longtemps déjà, accompagné dans sa dérive par des flagorneurs sans foi ni loi, qui ont préféré abandonner ces compatriotes ensevelis pour aller fêter le 42ème anniversaire de son avènement. Notre pays est au bout du rouleau, où le changement n’est plus simplement une nécessité démocratique, mais une exigence existentielle. Que Dieu protège le Cameroun »,
soupire-t-il. Il y a lieu d’indiquer qu’à ce jour, 11 morts sont extirpés des décombres et par ailleurs il faut rappeler que le gouverneur de la région de l’Ouest avait juste après les deux éboulements précisé que 3 engins lourds, 3 véhicules de type Coaster, 5 véhicules de type Picnic, plusieurs motocyclettes, des passants et riverains identifiés avaient été ensevelis. Tout ceci pour ouvrir une vanne sur le nombre de personnes englouties par les éboulements.
