Par Serge Aimé Bikoi
Créé en 1991 avec pour missions de réfléchir, entre autres, sur la vie professionnelle de l’enseignant du supérieur, sur la qualité de la formation, le Synes est, trois décennies après, à la croisée des chemins.
Après deux crises structurelle et organisationnelle ayant affecté le Syndicat national des enseignants du supérieur (Synes), après six ans d’atermoiements à la tête de cette corporation syndicale, l’on a assisté à la dégradation des conditions générales de travail dans les universités d’État, ainsi qu’à des crises multiformes ayant ébranlé le Cameroun. De manière conséquente, la vie professionnelle des enseignants du supérieur s’est détériorée au fil des années et la qualité de la formation académique en a fait les frais. Du coup, l’avenir de la progéniture universitaire est problématique ou, du moins, hypothétique. Lorsque l’on subordonne à ce consortium de difficultés conjoncturelles le déficit criard des moyens pécuniaires dans le financement de la recherche au Cameroun, il y a matière à réflexion dans la problématisation du sujet lié à “Un enseignant serein pour une émergence rapide du Cameroun”. A ce propos, une question centrale se pose avec acuité dans le giron de l’enseignement supérieur : “Les conditions actuelles de travail dans les universités camerounaises peuvent-elles permettre de remplir les missions statutaires d’enseignement, de recherche et d’appui au développement en vue d’accompagner le pays dans sa quête de l’émergence ?
C’est, en réalité, à cette question régulatrice que vont s’atteler à répondre universitaires et intellectuels affiliés ou non au Synes dès ce jeudi, 23 mars jusqu’au vendredi, 24 mars 2023 dans l’enceinte de l’amphithéâtre 300 de l’Université de Yaoundé 1. Entre autres objectifs fixés par ce 8ème congrès ordinaire, examiner l’environnement de travail dans les institutions universitaires, évaluer la participation des universités d’État à l’émergence du Cameroun, élaborer des recommandations destinées aux autorités académiques et aux pouvoirs publics à la fin des travaux.
Cette mise en forme des objectifs de cette assise ne devrait pas mettre sous le boisseau le questionnement épistémologique autour de l’ossature et de la structuration du Synes, dont certains patrons administratifs avaient basculé, par le passé, dans un certain collaborationnisme avec leur département ministériel de tutelle. Au départ appréhendés comme des syndicalistes frondeurs avérés et patentés dans le champ académique, surtout dans le registre du soulèvement des problématiques ainguillonnant l’environnement académique, certains secrétaires généraux du Synes avaient, quelques années plus tard, fléchi et avaient succombé face à la monture des privilèges, avantages et intérêts qui leur avaient été présentés. En contrepartie, ils avaient, ipso facto, lâché du lest et avaient bénéficié, par la suite, d’une cooptation dans la technostructure des hauts cadres du ministère de l’Enseignement supérieur (Minesup).
Ainsi avaient-ils été promus qui Inspecteur général no1, qui Conseiller technique no1, qui Directeur de l’enseignement privé, qui Chef de division de l’orientation académique au ministère de l’Enseignement supérieur. Lorsque des syndicalistes, a priori, censés défendre, bec et ongles, leurs pairs deviennent, a posteriori, des quêteurs de postes de responsabilité et des positions de pouvoir, d’autorité et d’influence dans la bureaucratie administrative, l’on se questionne sur la survie du mouvement syndical dans un avenir lointain ou proche, sur l’efficacité et l’efficience de ses revendications, autant que sur la portée de ses actions futures. Si les premières figures de proue du Synes telles que Djongwane Dipocko et Issisor Noumba avaient marqué d’une empreinte singulière l’action syndicale en matière de défense des droits des enseignants du supérieur, en matière de contestation contre l’ordre régnant au ministère de l’Enseignement supérieur, leurs successeurs, pour la plupart aujourd’hui, ont fait piètre figure et font évoluer le Synes en dents de scie parce que visant, au finish, à parvenir aux hautes fonctions décisionnelles soit dans des universités, soit dans le département ministériel de tutelle. Vivement que Paul Désiré Dzeufiet, actuel Secrétaire général du Synes, Jeannette Wogaing Fotso, responsable de la communication dudit syndicat, et bien d’autres membres fassent résolument leur introspection au cours de ce 8ème congrès ordinaire, dont les assises font tomber leurs rideaux ce vendredi, 24 mars 2023 dans la mère des universités d’État du Cameroun.