Entretien par Joseph OLINGA N.
Vous êtes président du Conseil d’administration de la Société civile de droit d’auteur des arts plastiques et graphiques (Socadap) depuis 2017. Depuis lors, c’est le silence radio. Est-ce à dire que tout va bien ?
Le silence que vous évoquez à la Société civile de droit d’auteur des arts plastiques et graphiques n’est pas synonyme d’inactivité. Nous bougeons comme toutes les autres sociétés de droit d’auteur. C’est un silence inhérent à la nature même des artistes plasticiens et graphistes. Nous avons besoin de silence pour travailler. Lors de notre accession à la tête de la Socadap, en 2017, nous n’avons pas trouvé une société structurée dans le sens réel du terme. Nous avons trouvé une société scellée du faut du non paiement d’une facture de 18 millions à la fiscalité. Nous avions aussi 73 millions d’arriérés de loyer non payés. Tous ces ordres de paiements m’ont été servis dans mon atelier. C’est un espace que j’occupe depuis 40 ans. J’y ai réalisé toutes mes œuvres. Y compris celles qui étaient destinées à la présidence de la République, à la Beac et autres structures qui me font confiance. Ceci pour vous dire que la Socadap a séjourné dans mes ateliers pendant un an et demi. C’est la commission de contrôle qui gère les droits d’auteur qui nous a prêté 20 millions, par le biais de l’art musical, pour qu’on puisse s’installer.
Cinq ans après, quel est l’état de la trésorerie de la Socadap ?
La Socadap va relativement mieux. Nous n’avons rien trouvé dans les caisses de la Socadap mais nous avons tenu le cap jusqu’à ce jour. Nous avons gardé l’ancien directeur général que nous avons trouvé. Les résultats obtenus avec lui n’ont pas été probant et, nous avons rompu le contrat sept mois plus tard. Un appel à candidature a été lancé pour trouver un nouveau directeur. Nous avons eu un second directeur général qui ne maîtrisait pas la gestion des sociétés des droits d’auteur. Nous nous sommes séparés six mois après. C’est après que nous avons rencontré quelqu’un qui connait le fonctionnement des droits d’auteurs, pour y avoir été pendant longtemps. Avec le concours du nouveau directeur, la Socadap se met dans les rails comme toutes les autres sociétés de droits d’auteur.
La Socadap n’avait pas de fichier d’artiste, il y a quelques années. Combien d’artistes comptez-vous à ce jour ?
Nous sommes entrain de constituer un fichier d’artistes plasticiens et graphistes. Comme je vous l’ai dit, nous avons trouvé une société inexistante. C’est sur la contrainte de la commission que mon prédécesseur nous a ramené quelques documents malheureusement endommagés et inutilisables. Nous sommes entrain de reconstituer un nouveau fichier qui nécessite des améliorations.
La Socadap fonctionnait exclusivement avec des ressources octroyées par le Ministère des arts et de la culture (Minac). La société de droit d’auteur que vous coordonnez a-t-elle atteint son autonomie ?
Il n y avait rien dans les caisses de la Socadap à notre arrivée. Le personnel était exclusivement constitué des membres de la famille de mon prédécesseur. Nous ne pouvons pas vous dire comment ça fonctionnait. Nous fonctionnons en ce moment grâce au fonds collectés sur le terrain et qui sont versés dans le compte de dépôt spécial de toutes les sociétés de droit d’auteur. C’est à partir de ce compte que la commission de contrôle organise le partage et attribue la part de chaque société.
Le sixième conseil d’administration de la Socadap est annoncé. Cette session intervient dans un contexte de dégraissage (vous êtes parti de 20à 15 administrateurs) au sein du conseil d’administration. Est-ce que cela ne pose pas problème ?
On ne peut pas m’attribuer ce fait. Le ministre a estimé que ce conseil d’administration était pléthorique. Ce conseil découlait des plateformes organisées par le ministre de la culture en 2017. Il s’agissait pour le ministre d’instaurer un climat de paix au sein de la Socadap. C’est ainsi que ceux qui ont perdu les élections ont été intégrés dans le conseil. Il était indiqué en ce moment que la société devait revenir aux normes au terme d’une période de trois ans. C’est en 2021 que le ministre de la culture a prescrit le retour à la norme, conformément aux normes Ohada. Il est probable que ce conseil d’administration soit réduit à 11 personnes. Cela pose effectivement le problème de la représentativité de tous les secteurs de métier de notre société de droit d’auteur. Cette composition dénature le collégiat au sein de la Socadap. Nous avons des architectes, des dessinateurs, des illustrateurs, des graphistes… Tous doivent être représentés au sein du conseil. Nous craignons que certains corps de métier se sentent lésés. Cette mesure pose aussi le problème de la représentation des régions au sein du conseil d’administration de la Socadap. Les grands foyers des arts plastiques c’est le grand Ouest, le pays Bamoun et le Nord-Ouest. Toutes ces régions doivent être représentées au sein du conseil. Seulement, nous sommes confrontés aux exigences de la tutelle.
L’on observe que les arts plastiques et graphiques se retrouvent dans tous les secteurs artistiques. Comment la Socadap se meut dans cet environnement ?
C’est effectivement une question qui échappe à beaucoup de personnes. Lorsqu’on parle des arts plastiques, les gens voient seulement la peinture et la sculpture. Les arts plastiques sont présents dans tous les secteurs de la vie. Selon l’Unesco, c’est le premier des arts. C’est le dessin, c’est l’architecture. Le dessin est présent en toutes choses. Tout est dessiné avant d’être produit. Les voitures, les trains, les produits manufacturiers… sont dessinés par les designers. Les maisons, les monuments et l’urbanisation en général sont dessinées par les architectes. Tous les instruments de l’art musical sont dessinés et produits par les artistes plasticiens et graphistes. Même les notes musicales sont du registre du graphisme. Les livres, la calligraphie et tous les types d’écritures qui existent sont du domaine du graphisme. Dans le cinéma, les décors et les costumes sont du domaine des arts plastiques. La création même des tissus en fait partie. C’est fastidieux d’évoquer le rayon des arts plastiques et graphiques.
Si l’on s’en tient au rayon d’action des arts plastiques et graphiques, comment vous procédez aux recouvrements ?
Nous avons trouvé des répartitions très dérisoires qui étaient octroyées à la Socadap. Mon prédécesseur s’était limité aux tableaux de peinture et aux statuettes. Nous menons un plaidoyer auprès de la commission afin qu’ils reconsidèrent leur vision des arts plastiques et graphiques. Je pense qu’ils comprennent progressivement. Nous n’avions que 5% à la Crtv. Nous avons échangé avec le directeur général de la Crtv qui a compris. Nous sommes aujourd’hui à 22%. Nous revendiquons une part considérable dans l’assiette de répartition des droits d’auteur. C’est pour cela que nous menons le même plaidoyer auprès du premier ministre et du gouvernement. Nous avons bon espoir que des mesures seront prises et que le tort qui est causé depuis très longtemps aux artistes plasticiens et graphiques sera réparé. Néanmoins, chaque organisme a son couloir à travers une décision bien définie à travers du Minac, octroyant un portefeuille usager à chacune des sociétés de droit d’auteur.
Vous procédez aux répartitions à la veille de la rentrée scolaire. Il se dit que c’est pour rechercher l’accalmie au sein de la Socadap…
Il y a un groupuscule de personnes qui veulent créer des dissonances au sein de la Socadap. Ces personnes n’ont même pas d’œuvres publiques, au sens vrai du terme. Il faut savoir que le droit d’auteur, selon les règles, s’applique aux œuvres qui sont exploitées publiquement. Le comble est que ces personnes y intègrent des germes de tribalisme dans cet activisme. La Socadap n’a pas besoin de cela. Il faut d’ailleurs préciser que les fonds en répartition ne sont pas issus des encours. Ces fonds proviennent des collectes faites par le président Sam Mbemde qui a signé des accords avec la Socadap, la Sociladra et la Scaap. Les recouvrements se poursuivent à cet effet sous la férule de l’ex-Cmc. Nous n’avons même pas réglé le passif que des gens veulent installer le désordre. Il y a des gens qui n’avaient rien mais que nous avons mis en répartition. Nous nous efforçons à appliquer beaucoup de sociabilité mais certains esprits sont essentiellement négatifs. L’Assemblée que nous organisons le 17 août 2022 n’est pas une assemblée élective. C’est à la demande du ministre des arts et de la culture que cette assemblée se tient. Nous avons eu une pré-assemblée, il y a un mois. Des audits ont été faits et le bilan sera présenté lors de l’Assemblée générale. Il n’y a pas de détournement des répartitions à la Socadap. Contrairement au passé où mon prédécesseur engloutissait des répartitions entières.
Vous avez évoquez le champ d’action des arts plastiques et graphiques. Quel est le profil pour être membre de la Socadap ?
Etre membre de la Socadap est tout simple. Il faut déclarer ses œuvres. Il y a néanmoins une confusion que nous sommes entrain de réparer. Beaucoup de personnes pensent que le fait de déposer une œuvre à la Socadap leur donne immédiatement droit aux répartitions. Les artistes qui bénéficient des répartitions sont ceux dont les œuvres sont exploitées publiquement. Nous avons mis trop de sensibilité et cela commence à poser problème. Chaque artiste aspirant aux répartitions doit présenter au moins cinq œuvres.
Revenons un peu à votre management. Quelle est la feuille de route que vous avez confiée à votre directeur général ?
La priorité est de remettre le fichier des artistes à jour. Il faut doter la Socadap des personnels. Cela nous pose encore des problèmes. Certains personnels ont été recyclés mais ça n’est pas le cas dans toutes les agences. Pour l’essentiel, les sociétés de droit d’auteur ne produisent rien. Elles collectent et redistribuent. Le principe est que nous redistribuons 80% aux artistes et 20% sont consacrés au fonctionnement. C’est difficile pour toutes les sociétés de droit d’auteur. Nous avons tous des arriérés de salaires parce que nous n’avons pas assez de ressources. Notre souhait est que la Socadap devienne mieux structuré et bien organisé.
On observe que les artistes plasticiens et graphistes de certains pays africains sont très présents sur les scènes à travers le monde. Avez-vous une politique permettant aux artistes membres de la Socadap d’être autant présents et visibles ?
Les textes qui nous régissent ne permettent pas aux sociétés de droits d’auteur d’organiser des expositions artistiques, pour le cas de la Socadap. Le rôle qui nous est assigné est de collecter le droit d’auteur et le redistribuer. Il y a effectivement cette confusion qui règne chez les artistes. Vous ne verrez pas la Socam organiser des concerts parce que les textes ne le permettent pas.
Quelles sont les priorités du conseil d’administration que vous organisez le 17 août 2022 ?
Nous étions réunis autour du ministre des arts et de la culture, il y a quelques mois. Il nous a prescris de tenir une assemblée générale. Nous avons trouvé bon de faire un bilan. Nous avons commandé des audits et nous allons présenter les résultats de ces audits lors de cette assemblée générale. Nous allons aussi présenter l’organigramme de la Socadap parce qu’il n’en existait pas.