Par Arlette Akoumou Nga
Après la suspension du financement par Société Générale France en juin 2019 puis, l’arrêt des travaux deux mois plus tard, le gouvernement camerounais a relancé en novembre 2023 pour un coût prévisionnel de 8,5 milliards de Fcfa, la construction de 09 ponts à structure métallique via le Budget d’investissement public (BIP) du ministère des Travaux publics (Mintp). D’après la fiche technique, les premiers ponts notamment celui de Mama dans la région de l’Est et Ngoum à Kekem, devraient être livrés à la première huitaine de juillet 2024. Très optimiste, le Mintp Emmanuel Nganou Djoumessi a plutôt anticipé ses prévisions pour le premier semestre.
Le délai consommé, les premières infrastructures exécutées par les entreprises camerounaises ne sont pas encore prêtes à sortir de terre. Interrogé à l’Assemblée nationale lors de la 2ème session ordinaire, le membre du gouvernement s’est réservé cette fois-ci de projeter une nouvelle échéance. Il n’a pas donné de détails sur leur état d’avancement actuel. On se souvient tout de même qu’en avril dernier, six des ponts censés être livrés entre août et novembre 2024, affichaient un taux d’exécution de moins de 5%. « Le rythme des travaux est lent, du fait du paiement fort laborieux des avances de démarrage et des décomptes des prestations », a-t-il confirmé au député Engelbert Essomba Bengono le 5 juillet dernier.
Près de 3 milliards de Fcfa débloqués
Cette situation complique la suite du projet Acrow dans la mesure où, excepté l’unique pont monté, seul le tablier sur le fleuve Ngoum à Kekem a été acheminé sur le site. D’après le ministre, 839,3 millions de Fcfa ont été débloqués en 2023 et de 2 milliards de Fcfa en 2024 soit au total 2,8 milliards de Fcfa pour un déficit de plus de 5 milliards de Fcfa à régler. Pourtant, la réalisation de ces infrastructures permettrait de fluidifier le trafic des biens et personnes dans les localités concernées.
Le projet des ponts métalliques résulte de la signature en janvier 2015 de deux contrats commerciaux avec deux sociétés étrangères. Le premier a été paraphé avec Acrow Corporation basée aux Etats-Unis à hauteur de 37,2 millions de dollars (20,4 milliards de Fcfa) était destiné à la conception, la fabrication et la fourniture des sections préfabriquées de 55 ouvrages. Le second a lié l’Etat du Cameroun avec l’entreprise Ellipse SAS basée en France pour 34,3 millions d’euros (22,5 milliards de Fcfa). Cette dernière devait s’occuper de l’installation des ponts, préfabriqués et accompagner l’Etat du Cameroun dans les opérations de dédouanement des éléments métalliques, le tri et le transport sur le site des travaux.
Les études suspendues pour 05 ponts
Cependant, le projet a été jusqu’ici jonché de nombreuses péripéties. En effet, les premiers couacs sont survenus lors de la phase d’études démarrée en mars 2016. D’après Emmanuel Nganou Djoumessi, elles ont été suspendues pour 05 ouvrages dont la construction était prévue dans les régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest à cause de la crise sécuritaire. Ensuite, les études de faisabilité ont révélé que le financement disponible ne permettait de fabriquer et fournir que des sections modulaires métalliques pour 44 tabliers d’où une diminution de 11 ouvrages.
En juin 2019, le financement auprès de Société Générale France arrive à expiration en raison de « l’incapacité » d’Ellipse à se mobiliser « efficacement » pour la construction des ponts. Deux mois plus tard, les travaux sont mis à l’arrêt avec, au compteur, un 01 seul pont achevé notamment celui sur la rivière Bella sur l’itinéraire Elogbatindi-Memel 2 dans la région du Sud. Au moment de la résiliation de son contrat en mai 2022, l’on apprend que l’entreprise française avait entièrement perçu 8,4 milliards de Fcfa au titre de 17 décomptes émis et une avance de démarrage de 4,5 milliards de Fcfa (20%) auprès de Chanas Assurance SA pour laquelle le gouvernement a entamé les démarches pour recouvrement. De l’autre côté, les négociations se poursuivent tant avec Société Générale France pour entrer en possession des 16,8 milliards de Fcfa non décaissés et finaliser le projet, qu’avec le français Razel retenu comme nouvelle entreprise « exportatrice ».