Une Enquête de Joseph OLINGA N.
Quelle est la place de l’Afrique dans les bouleversements que connaît le monde depuis trois ans ? Est-il possible pour le continent de tenir un rôle majeur dans les mutations qui s’y opèrent ? Les grandes puissances en activité sur le continent peuvent-elles s’investir sans l’apport consentant de l’Afrique ? A ces questions, le politologue Toussaint Kounouho indique que L’Afrique est la dernière frontière pour la survie et la préservation de la stabilité mondiale. Le coordinateur du programme Sipodi (Dialogue de politiques sécuritaires en Afrique subsaharienne, soutient que «C’est sur le sol africain que se concentrent et se concentreront les batailles planétaires majeures, que l’on aime à nommer batailles ou guerres géostratégiques.»
Pour le Professeur Jean-François Akandji-Kombé, tout n’est pas de le dire. Pour l’enseignant de l’Ecole de droit de la Sorbonne, à l’Université de Paris I, l’Afrique est peut-être bien «l’avenir du monde et du progrès humain» mais ces affirmations demeurent dans le registre du souhait. «On ne doit pas pour autant perdre de vue que là où il y a frontière, il y a front(s).
Autrement dit, toute frontière est, à la fois, terrain et enjeu de batailles.» La même source soutient que cette perspective appelle à soutenir «qu’on a affaire, là, à une loi du genre ; une loi des frontières en quelque sorte, à la fois intemporelle et universelle. De la sorte, dire de l’Afrique qu’elle est la dernière frontière, c’est forcément prendre acte de ce que c’est sur le sol africain que se concentrent et se concentreront les batailles planétaires majeures, que l’on aime à nommer batailles ou guerres géostratégiques.»
La discussion fait l’objet d’une revue dont le thème est : «Reconfiguration géopolitique et coopération sécuritaire des grandes puissances en Afrique : les approches comparées de l’Union européenne (Ue), de la Chine et de la Russie.» Le débat connaît une excroissance au Cameroun, sous la coordination White Dove Company, promoteur du Centre de l’excellence pour la production, l’innovation et le développement (Cepid) et Konrad Adenauer Stiftung.
Sahel et Union européenne
«Au regard des contraintes accablantes auxquelles les Etats du Sahel font face, à l’instar de la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, leur intérêt est focalisé sur leur existence.»
Spécialiste en sociologie de relations internationales et des études stratégiques, Docteur Fabrice Bella Messina souligne qu’en plus du développement «croissant» d’une culture stratégique populaire africaine, les Etats du continent démultiplient des partenariat stratégiques de sécurité et brisent les alliances stratégiques de sécurité collective qui menacent leur existence propre en tant qu’Etat. «Malgré cette culture stratégique africaine évolutive, il reste difficile de situer la place de l’Afrique dans la dynamique géopolitique d’un monde multipolaire.»
Chine et Russie
C’est que, soutient Docteur André Désiré Foumane, «Plus que par le passé, l’Afrique post-guerre froide est traversée par des spasmes conflictuels dus à de multiples vulnérabilités structurelles et à une offre d’Etat déficitaire.» Conséquences, souligne cet expert en relations internationales et en études stratégiques, les insuffisances sécuritaires qui en découlent favorisent l’engagement coopératif non seulement des nouveaux acteurs, à l’instar de l’Union européenne, mais aussi d’anciens partenaires tels que la Chine et la Russie.
Jeu des concurrents en Afrique centrale
Les experts africains, réunis dans le cadre de la Revue «Paix et sécurité en Afrique», semblent converger sur le fait que les hégémons observés et présents sur le continent africain s’activent dans le cadre de la rivalité entre les grandes puissances internationales. Chercheur en stratégies internationales, Thomas Yves Ayissi résume que «La compétition géostratégique en Afrique centrale ne se réduit pas au clivage entre anciennes et nouvelles puissances. De fait, grâce à leurs livraisons d’armes, leurs offres de formation et d’exercices conjoints à des à des conditions particulièrement avantageuses, les puissances émergentes ont rejoint les grandes puissances dans leur jeu d’influence en Afrique et sont devenus des concurrents.»
«Piège de Thucydide»
Expert en relations internationales et diplomatie, le Docteur Fankem invite le continent à plus de recul dans l’appréciation des multiples partenaires qui se présentent. Le spécialiste d’histoire et d’anthropologie explique que la coopération sécuritaire variée qu’offrent l’Union européenne, la Chine et la Russie à l’Afrique s’apparente au «piège de thucydide».
Selon le Docteur en relation internationale «les spécificités de la coopération de chaque hégémon semblent tributaires des calculs qu’il mène pour son (re) positionnement dans les Etats africains.» L’actualité dans le Sahel et dans une grande partie de l’Afrique subsaharienne donne à voir de ces guerres auxquelles se livrent les puissances dominantes contre les puissances émergentes.
