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Cameroun > Hôpitaux publics: Impasse entre le gouvernement et les syndicats [Enquête panorama papers]

Pour le personnel traitant des formations sanitaires publiques du Cameroun, les jours se suivent et se ressemblent. Après l’échec des échanges avec le ministère de la Santé publique et les services du Premier ministre, mission a été confiée au ministre du Travail et de la Sécurité sociale (Mintss), Grégoire Owona par le Premier ministre, Joseph Dion Ngute de conduire les négociations avec les responsables des Syndicats des personnels de santé impliqués dans les actions de débrayage en cours.

Par panorama papers
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Par Léger Ntiga

Dès le lundi 05 juin 2023, les organisations syndicales devront «se rendre disponibles pour des concertations constructives en vue d’apporter progressivement et de manière exhaustive des réponses appropriées aux personnels concernés». Cependant que les concertations seront intergouvernementales autour de trois composantes dont : Le Mintss, le ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative (Minfopra) ; le ministère des Finances (Minfi) et les Syndicats des personnels de santé. Le gouvernement se donne un délai de trois mois pour trouver des solutions aux questions salariales et d’intégration des 27 000 personnels qui attendent leur contrat depuis 11 ans.

Dans ce dispositif, le Minfopra devra concrètement indiquer de quelles possibilités il dispose pour absorber dans les effectifs de la fonction publique les 27 000 soignants en exercice sant contrat dans les formations sanitaires depuis 11 ans. Dans le même ordre d’idées, il est attendu du Minfi qu’il apprête les ressources financières nécessaires au règlement des arriérés dus à ces équipes en grève depuis le lundi 22 mai 2023.

Au ministère du Travail et de la Sécurité sociale, difficile de dire avec précision jusqu’où le gouvernement peut aller dans ce dossier manifestement un caillou dans sa chaussure. «Nous ne pouvons pas apporter les réponses à toutes les revendications. (…) Nous allons procéder de manière progressive avec d’abord la concertation, le chronogramme et les actions prioritaires», indique-t-on dans l’entourage du ministre Grégoire Owona.

La préoccupation des syndicats étant de savoir si les mesures envisagées par le gouvernement vont s’appliquer à la totalité des 27 000 personnels soignants temporaires et occasionnels des hôpitaux publics, au ministère du Travail et de la Sécurité sociale, on se montre prudent. «C’est ce qui doit faire l’objet d’un examen. Il faut savoir qui est concerné par cette procédure et le statut qui est donné à ces personnels. Ça se fera de manière concertée pour convenir de ce qui est mieux». Pour le chef du gouvernement, la situation des 27 000 personnels temporaires et occasionnels doit faire l’objet d’un examen minutieux. Un peigne fin devant déterminer le statut donné à chacun des prétendants. Il pour cela attendu des hôpitaux publics la mise à disposition de la liste des personnels temporaires et occasionnels.

Il est surtout question aussi d’indiquer le responsable ayant signé le contrat de travail de chacun des 27000 et sur quelle base? Mais déjà, il plane sur ces équipes, une épée de Damoclès. Tant les formations sanitaires ont reçu la charge de décider quels sont les personnels qu’ils veulent conserver dans les effectifs et ceux avec lesquels ils veulent se séparer. Les concertations pour cette dernière catégorie permettront d’évaluer comment ils seront dédommagés et les montants qui leur seront versés. Pour les syndicalistes donc, ceci est une esquisse de solution à leurs doléances. «Le plus important c’est que les lignes commencent à bouger. Si la base est d’accord et que le gouvernement joue franc jeu, pourquoi ne pas y croire», fait savoir le président de Cap/Santé, Sylvain Nga Onana.

En attendant le début effectif de cette phase de concertation, Grégoire Owona demande au personnel en grève «de reprendre normalement leurs activités dans l’attente de l’aboutissement des diligences déjà engagées». Une initiative que ne comprennent pas les grévistes pas du tout disposés à s’exécuter.

«Nous avons rencontré la base hier après l’audience qu’à bien voulu nous accorder le ministre du travail et de la sécurité sociale. Nous avons rendu compte à la base qui est campée sur ses positions. Sur le premier point de la revendication, si on dit à la base qu’à partir du 1er septembre, date butoir de trois mois, ils seront contractualisés, alors, ils rentreront travailler».

indique Sylvain Nga Onana.

Qui précise que:

«notre soucis c’est que le gouvernement prenne ses responsabilités en disant ‘‘je résous le premier point tel jour et voici comment cela va se passer. Sur le 2e et 3e problème je le recous de telle manière’’, ainsi de suite. Il faut que tout ceci soit bien précis, détaillé, avec un chronogramme et le deadline».

Le mouvement de grève actuel est en cours depuis le 22 mai 2023. Les négociations avec le ministère de la Santé publique (Minsanté) et le ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative (Minfopra) d’une part, et le secrétaire général adjoint des services du Premier ministre d’autre part ont été infructueuses.

Profession infirmier

Tranches de vie d’un personnel dévoué mais méprisé
Ils sont les plus présents aux côtés des malades. Ils en ont fait une un sacerdoce au péril de leur vie. Mais ils sont mal et sous-payés.

Au plus fort de la crise sanitaire du Coronavirus en 2020, les infirmiers étaient célébrés et acclamés en Europe. En France notamment où tous les soirs, les populations confinées à leur domicile, leur manifestaient leur reconnaissance en tapant dans les mains aux fenêtres tous les soirs à 20h. Passée cette période, ces professionnels de la santé comme d’ailleurs les médecins ont espéré une graduelle amélioration des soins de santé. Que non! Raison pour laquelle ils ont fait monter leurs récriminations. Au Cameroun, la situation aura été encore plus difficile tant aux premières heures du Coronavirus, le personnel soignant voguait dans l’inconnu. C‘est ainsi que bien qu’ayant peur d’être infectée par le Coronavirus, ils sont restés en poste.
A l’Hôpital central de Yaoundé, l’un des centres de prise en charge des malades du Covid-19, en service dans l’unité d’isolement où sont confinés les patients de cette formation hospitalière ou non, ils étaient mobilisés.

D’autant plus qu’à la même période, ils devaient comme les autres services, recevoir de nombreux malades venus en consultation pour une fièvre, des diarrhées, une toux, etc. Des signes tous liés alors aux manifestations du Coronavirus. Et la situation de l’époque suggérait des interrogations. D’autant plus qu’en pleine épidémie, par moment, l’Hôpital central faisait face à des coupures d’eau. «Pour y faire face, chacun se munissait de sa bouteille d’eau et de son savon. D’autant plus que le mot d’ordre du «lavez-vous les mains» était de rigueur.

Mesures alternatives

«Des années plus tard, je me demande souvent comment on pu vaincre et traverser ce saut vers l’inconnu. On découvrait la réalité de la maladie au jour le jour. Je dois ici, saluer le tact de certains de nos chefs qui malgré qu’ils ne savaient pas eux-mêmes aussi grand-chose sur ce virus, partageaient sans complexe, avec nous ce qu’ils savaient. Ils nous rassuraient, nous donnaient des conseils et nous appelaient sans cesse au bon sens face à différents cas de figure. Je me souviens qu’un week-end, nous n’avions pas eu d’eau à l’Hôpital central. En sortant comme depuis le début de la pandémie, je avais pris ma bouteille et du savon pour me laver les mains. Mes collègues avaient chacun, fait autant. Mais une fois au service le chef a suscité des mesures alternatives d’approvisionnement en eau. Et il était le premier à se munir de l’ustensile. Cela nous a beaucoup marqué. Et encouragé à dépasser cet écueil. Nous avons aussitôt oublié que nous étions vraiment exposés».

relate Ernestine Banga, infirmière à l’Hôpital central de Yaoundé.

Pour elle comme pour Mireille, sa collègue, le Pr Eugène Sobngwi alors conseiller médical à l’Hôpital central de Yaoundé et vice-président du conseil scientifique des urgences de santé publique au Cameroun, est «la preuve du vrai leadership.» Au cours de cette période, nombre de personnels soignants, en première ligne dans la lutte contre le Coronavirus, vivant dans l’angoisse alors que le nombre de cas confirmés de Covid-19 augmentaient au Cameroun, avaient pu tenir grâce à ses conseils avisés et à son expérience de gestion des crises.

«Un jour, alors que nous parlions des conditions de travail et des risque d’infection, il nous a avoués qu’il craignait lui aussi d’être infecté. Mais que la meilleur manière d’aborder la question était de prendre des précautions et d’observer strictement les protocoles».

se rappelle Ernestine.

Les angoisses de l’infirmier vont donc de ces périodes de crise à celles jugées normales où il vit les tourments de son ménage. Le conjoint ne comprenant pas ce travail si prenant et par rapport auquel, il ne voit aucun fruit dans la vie du couple. C’est aussi la situation du bailleur qui attend vainement d’être payé à la fin du mois. Et surtout les enfants dont les besoins élémentaires sont inassouvis. «Mes enfants me demandent de ne plus aller à l’hôpital. Ils se lassent de m’entendre dire que nous ne sommes pas payés. Et c’est pour dire le moins. Je ne leur dis pas toute la vérité pour ne pas davantage vivre mon désespoir. Le plus difficile c’est lorsque votre âme-sœur ne vous suit plus. Il se lâche. Vous chiffonne et vous rabaisse comme si vous étiez responsable de la situation», développe Mirelle au bord des larmes.

Un déchet

Sur le niveau des salaires, elle explose:

«Depuis neuf ans, je travaille pour moins de 60 000Fcfa. Mais je me suis résigné à l’idée que les choses pourraient s’améliorer. D’ailleurs, mon conjoint m’a beaucoup soutenu dans ce sens. Professeur des lycées d’enseignement général, il n’a eu de cesse de me rappeler que cette période où il faisait vivre seul notre ménage de ses vacations issues des cours dispensés dans les collèges d’enseignement privé. Seulement, notre pitance a accouché des retenues. Puis elle est devenue rare. Au point d’accumuler des mois et des mois d’arriérés. Bien que chef d’établissement aujourd’hui, mon compagnon a perdu patience. Je suis devenue inutile à ses yeux. Et mon ménage est devenu un enfer».

larmoie Mireille se mordant les lèvres.

Balançant la pancarte qu’elle tient dans les mains au sol Pauline en service au Centre des urgences de Yaoundé (Cury) depuis neuf ans, est furieuse:

«Nous sommes chiffonnés aussi bien à la maison qu’au travail. Personne n’a de considération pour les infirmiers! Nous essuyons des quolibets autant de nos chefs tant administratifs que techniques. Bien des fois, ils ne nous couvrent pas. Il est possible de commettre des fautes. De se laisser aller aux sautes d’humeur face à la pression du travail. Nos équipes sont insuffisamment constituées. Et parfois le corps ne suit pas. Mais personne ne nous comprend. Nous sommes des déchets! Or, on est plein d’amour pour nos patients. Mais on ne peut pas avoir cet amour du travail pour aller vers la mort et abandonner ses enfants».

Au bout du compte, l’infirmier vit dans l’angoisse permanente. Mais à chasque fois ses mots résonnent dans ma tête: «Nous ne devons pas, au début d’une bataille comme celle-ci, nous payer le luxe de perdre des soldats. Nous devons protéger les soignants», nous clamait chaque jour le Pr Eugène Sobngwi, précisant que deux soignants de cette formation hospitalière ont été mis à la porte de leur maison par leur conjoint, par peur de la contamination et sont aujourd’hui hébergés dans les chambres d’hospitalisation de l’hôpital. «Et grâce à lui, j’ai trouvé un motif d’aller de l’avant», chuchote le poing fermé, Aline Ntang.

Conférence médicale : Une occasion manquée

Le ministère de la Santé a organisé une conférence médicale nationale, une sorte d’états généraux qui a réuni, pendant quatre jours au mois de décembre 2022 à Yaoundé, 1500 participants. L’objectif était d’évaluer la qualité et les avancées du système de santé publique camerounais.

«Nous voulons bâtir un système avec la participation de tout le monde, un dispositif sanitaire qui soit robuste, résilient». C’est la profession de foi du ministre camerounais de la Santé publique (Minsanté), Malachie Manaouda au terme des travaux du Palais des Congrès de Yaoundé. Mais pour tenir l’objectif, il fallait prendre en compte les conditions de travail et de vie des soignants. Mais aussi réduire les coûts de soins de santé, comme l’a estimé à l’époque, le directeur de l’organisation des soins et de la technologie sanitaire au ministère de la Santé, Pr Eugène Sobngwi.

«Il y a la question de l’accessibilité financière où la question des paiements directs reste encore un obstacle. Il y a des problèmes d’accessibilité géographique avec l’objectif pour chaque citoyen qu’il soit à un maximum de 5 km de sa formation sanitaire de premier recours», croyait-il savoir. Une solution pour faciliter l’accès aux soins peut être numérique. Un groupe de médecins, présents à la conférence, avait proposé une application de télémédecine pour rapprocher les patients des soignants. «Nous sommes une plateforme qui donne l’opportunité de chercher son médecin très facilement.»

400 000 utilisateurs

Aujourd’hui, «nous sommes près de 400 000 utilisateurs, au Cameroun et en Côte d’Ivoire. On a presque 750 médecins sur la plateforme, spécialistes et généralistes», indiquait le responsable santé de la plateforme. Dr Alexis Tazinya. Au cours des travaux, on était également revenu sur la qualité des soins souvent très critiquée dans les hôpitaux publics camerounais. À l’issue de la conférence médicale nationale, les experts avaient préconisé notamment l’amélioration des plateaux techniques, l’autonomisation des hôpitaux de district et la formation en continu des personnels de santé.

Des résolutions pour le moment sans lendemain. Le ministre de la Santé avait fait savoir que cette conférence médicale nationale «offre un espace d’écoute, de réflexion et d’échange en vue d’optimiser notre système de santé. (…) Ce sera l’occasion pour mon département ministériel, de présenter au public ce qui est fait ou qui a déjà été fait pour la transformation de notre système de santé». Des objectifs impossibles à atteindre sans la résolution des préoccupations des 27 000 soignants actuellement en grève.

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