Par Éric Boniface Tchouakeu
Ce jour-là en effet, l’organe délibérant de cette municipalité a voté un texte qui autorise le Maire à donner à la nouvelle place des fêtes le nom de : « Place des fêtes Ruben Um Nyobe. »
Pour le Préfet Valeri Norbert Kuela, même si l’article 2(1) du décret N° 2020/4603/PM du 21 novembre 2020 dispose que : « l’initiative de la commémoration des personnages historiques ou emblématiques décédés ,relève de la compétence de l’Etat, des collectivités territoriales décentralisées ou des communautés concernées conformément aux lois et règlements en vigueur », l’article 4 de ce texte indique que : « des textes particuliers sont pris, en tant que de besoin pour l’application de ce décret. »
Et c’est du fait de l’absence des textes d’application de ce décret,qu’il est dans l’impossibilité d’approuver la délibération des conseillers municipaux de la commune d’Eseka, contrôlée à 100% par le Parti Camerounais pour le réconciliation Nationale (PCRN), une formation politique de l’opposition, qui ont voté pour baptiser la nouvelle place des fêtes de la ville : « Place Ruben Um Nyobe .»
Cette décision du Préfet suscite au moins deux observations .D’abord s’agissant des pouvoirs confiés aux communes, il convient de relever que même si les textes, en l’occurrence le code général des collectivités territoriales décentralisées de 2019, leur accordent de nombreuses compétences, la quasi-totalité des décisions de leurs organes délibérants doivent pour être appliquées, être préalablement approuvées par l’autorité de tutelle qu’est le Préfet, par ailleurs représentant de l’Etat central.
En cas de refus de ce dernier, un contentieux peut éventuellement être porté devant les juridictions administratives pour arbitrage.
D’un point de vue politique et du fonctionnement de la démocratie, on peut questionner la légitimité de la décision de refus d’une personne nommée de surcroît, qui va l’encontre de la majorité d’autres, qui sont des élus et par conséquent des représentants directs des populations.
Ensuite, on constate qu’en dépit de l’adoption de la loi du 16 décembre 1991 qui réhabilite des héros nationaux ,des personnes nommément citées dans cette loi et qui sont des anciennes figures ayant combattu pour l’indépendance du pays sous les couleurs de l’Union des Populations du Cameroun (UPC), à l’instar de Ruben Um Nyobe et bien d’autres, autrefois considérés comme des « maquisards », c’est-à-dire des « terroristes »,
ont du mal à être reconnues comme des héros de façon concrètes et à être célébrées par les autorités.
Et pourtant, l’article 2 de la loi citée mentionne notamment que : « la réhabilitation a pour effet de dissiper tout préjugé négatif qui entourait toute référence à la personne réhabilitée. »