Par Léger Ntiga
Avec dérision, humour et endurance, de sa voix rocailleuse, Jean Pascal Eyebe Mpesse a tutoyé le mal qui l’a emporté. Lundi, 11 juillet alors qu’il est à l’hôpital du district d’Olembe où son oncle maternel et complice de tous les instants, Christophe Nguissimbi l’a conduit aux premières heures, «Grand consultant», est hilare: «je tiendrai ce lit quelques jours. Si cela peut me donner du repos». Bien qu’épuisé tant son taux de glycémie est brusquement monté à cinq, l’homme tient à sa mise vestimentaire. L’une de ses marques de fabrique! Au cours de la journée, le malade semble remonté par les produits que le corps médical lui administre. En tout cas, la nuit est moins pénible.
Le lendemain mardi 12, le jour s’est levé sans grand souci. Du moins jusque vers midi. Pour autant, vers 13h tout bascule. Jean Pascal Eyebe Mpesse fait à nouveau une poussée de glycémie. Cette fois, il perd connaissance. Bibiane, son épouse appelle: «Nous allons d’urgence à l’Hôpital général. Ton frère va mal. Viens vite». Jean Pascal est pris en charge en urgence. Son état est préoccupant. Le corps médical à son chevet ne le cache pas. D’autant plus qu’il respire avec beaucoup de peine. Une assistance respiratoire est mise en place. La situation ne s’améliore pas. Le malade est au plus mal. Il est profondément inconscient. Vers 19h30, il expire.
Joie de vivre contagieuse
Ainsi s’achève une joie de vivre contagieuse. Ainsi s’arrête un art de vie dans une fierté qui reléguait à tout jamais la perspective d’une mort. Jean Pascal Eyebe Mpesse. On comprend ensuite ce cri rageur de Romuald Ndzomo:
«On ne s’imagine pas que des personnes comme toi peuvent mourir un beau matin. Jean Pascal Eyebe Mpesse, ancien président de l’Assesaa, Betsheba de Mbassila, neveu Benyuktu, invité régulier de Serge Mbida à l’émission «Cross Fire» à la Crtv après le journal de 17-18h tous les mardis, a rendu l’âme à l’Hôpital général de Yaoundé des suites de diabète. C’est à ton tour des Rip Frangin, cette vilaine expression sans âme. Ça fait mal.»
Ou encore,
«j’apprends avec amertume le décès des suites d’un diabète fulgurant de quelqu’un avec lequel j’échangeais régulièrement sur la destinée de notre pays et de notre département. Jean Pascal Eyebe Mpesse était un communicateur avisé et grand amoureux de la Lekie»,
a écrit Jean Aimé Mballa sur sa page Facebook.
Jean Pascal Eyebe Mpesse est né le 09 octobre 1964 à Polo par Sa’a. Parmi les petits noms qui lui collent à la peau, l’on a Eyebson, Grand consultant, Bonarcchi, etc. C’est au lycée d’Obala alors l’annexe du lycée Leclerc de Yaoundé que nos destins se croisent. Il est en terminale A4 quand j’accède en troisième. Grand frère très aimant et attentionné, il partage la classe d’alors avec Raymond Gaspard Lendongo Ntiga, Liboire Molo, Louis Marie Nga, Elobo Mimfoumou, Balthazar Mintanga, Simon Pïerre Ediba, Laurent Angoni, entre autres.
Un produit du marché
Une fois le baccalauréat en poche, tout ce petit beau monde se retrouve à l’université de Yaoundé. En faculté de droit et sciences économiques plus précisément. Ici, il obtient une licence en droit privé francophone. Pour n’avoir pas pu passer différents concours d’entrée dans les grandes écoles d’alors, il se lance dans la vente à la sauvette. «Je suis un produit du marché», avait-il coutume de dire, rappelant qu’il a pu faire l’école grâce au fruit du commerce de sa maman, Mpesse dont il portait fièrement le second segment du patronyme. Professionnel aguerri, il aura exercé comme expert en communication et consultant pour le développement, expert en élaboration des stratégies de pérennisation des acquis. Mais aussi comme conseiller juridique et fiscal. C’est que, assoiffé de savoir et profondément épris des métiers de la communication, Jean Pascal Eyebe Mpesse décide courant 2008, de se frotter à nouveau à une formation.
Il s’inscrit alors en master de communication des entreprises et marketing à l’Ecole supérieure des sciences et techniques de l’information et de la communication (Esstic). Il est de la première promotion. Il en sort nanti d’une maîtrise en communication sur la santé et environnement. Une année plus tôt, il avait achevé de se former par le cabinet d’expertise comptable Ggm avec le concours du Fonds national de l’emploi (Fne). L’étudiant frais émoulu envisageait alors, son avenir professionnel avec beaucoup d’assurance. Son futur job: conseiller juridique et fiscal. Mais lui préfèrait se présenter comme un cadre d’entreprise. De la surenchère pour valoriser un emploi ordinaire? Non. «Le conseiller juridique et fiscal est le parechoc des procès en entreprise», expliquait-il fièrement.
Pour Jean Pascal Eyebe Mpesse, tout a une explication dans la vie. Raison pour laquelle il disait du professionnel du droit et de la fiscalité en entreprise qu’il «doit connaître, prévenir et gérer les risques contentieux en entreprise sur les plans juridique et fiscal». Un parcours qui lui a donné de partager son savoir et savoir-faire dans différents cadres. Dont l’université de Ngaoundéré où il dispensait des cours en sciences de l’information et de la communication. Sur le chemin, amoureux du journalisme, il revendique sa proximité avec Mutations dont il devient le président du Club des lecteurs. Et depuis le’ début de l’année, rédacteur dans des colonnes. Dans tout ce cheminement, Eyebe Mpesse a été soutenu par Bibiane sa douce moitié qui lui a fait des enfants dont il était fier: William, Stéphane «Dipoko» et Yan.
Le promoteur du cabaret Eyebson au quartier Emana, laisse aussi son voisinage, ses amis et connaissances sans voix. Tant il était connu pour être affable, gentil et toujours fourmillant d’idées.