Par Serge Aimé Bikoi et Jean Charles Biyo’o Ella
“Quand on constate qu’à mon âge à 9ans, j’ai la méningite, j’ai la tuberculose en même temps et le médecin de la famille, travaillant dans le domaine, demande qu’on me fasse le test, on a fait le test pour la première fois négatif ; 2ème fois négatif ; 3ème fois positif. Puisque à chaque fois, il demandait qu’on refasse. Il suspectait le Vih. C’est la 3ème fois que ça sort positif. Vous savez, au cours de ces années-là, le test n’était pas encore comme aujourd’hui “.
Neuf ans, un âge bouleversant dans la vie de Bruno. C’est à cette période exactement que ses parents découvrent, à la suite d’une série d’examens, que ce jeune
enfant, maladif depuis la naissance, est porteur d’un virus, le Vih. Un coup dur pour la famille, raconte-t-il:
” Quand je passe quelque part où l’on parle mal des séropositifs, je prends la peine de leur faire comprendre que je suis séropositif et que, lorsqu’ils n’ont pas la bonne information, qu’ils se rapprochent de ceux-là au lieu de lancer des paroles qui blessent. C’est pour ça que beaucoup de nos frères se cachent encore, s’auto-discriminent à cause de ces informations-là parce que au quartier, on sait que le Vih, c’est le Sida. Donc, un séropositif, c’est un sidéen. Ce qui est vraiment aberrant, ce qui est vraiment insultant pour nous”.
Bruno est né d’une mère séropositive. Une mère aux côtés de son fils durant toutes les dures épreuves de la
maladie jusqu’à sa disparition en 2012. Aujourd’hui, avec une charge virale négative, Bruno ne fait plus la
maladie et ne peut non plus transmettre le virus, sauf par voie sanguine. Toujours sous traitements
antirétroviraux, ce jeune garçon dit s’être remis du
traumatisme psychologique. Titulaire d’un Master en Droit
public, il multiplie des actions de sensibilisation auprès des jeunes.
“Donc, c’est depuis 2016 que j’ai découvert que j’étais porteur du virus et c’est vrai que ça m’a beaucoup affecté parce que j’ai contracté le virus dans un pays dont je vais taire le nom. Je sais que je menais une vie de débauche. J’ai fait là-bas cinq ans. Après la 2ème, 3ème année, ma santé n’était plus normale. C’est quand je suis donc venu au Cameroun passer les vacances que j’ai constaté que j’étais porteur de virus. Mais dans le coup, je n’ai pas accepté ça. Il fallait que je rentre. Je suis rentré encore dans ce pays-là. Là-bas, la maladie s’est aggravée. Quand je reviens, il fallait vraiment que je me remette sur traitement”.
A l’inverse de Bruno, Baudelaire, quant à lui, a contracté le
virus par voie sexuelle. Une fois sous traitement, Baudelaire a cessé de faire la maladie. Mais entre-temps, il aura eu une vie familiale
brisée. Rejeté par les siens et stigmatisé par la société, il s’est lancé dans la pair-éducation au sein d’une association de personnes vivant avec le Vih encadrée par le Recap+. Narcisse Deli est le coordonnateur du Réseau des associations des personnes vivant avec le Vih.
“Nous sommes, souvent, butés par l’indisponibilité de ces instants, tests de dépistage Vih et, de plus en plus, même si on ne doit pas cracher sur ce que le gouvernement camerounais et les partenaires font déjà pour la disponibilité des antirétroviraux. Ça se fait quand-même ressentir à certains endroits. Dans certains sites, c’est indisponible surtout en direction des adolescents et des jeunes où parfois, l’on se retrouve en train de compter les comprimés pour pouvoir les leur donner. Donc, les difficultés majeures tournent autour de l’arrêt des financements et de l’indisponibilité des intrants pour pouvoir mener nos activités quotidiennes”.
Selon le ministère camerounais de la Santé publique(Minsanté),
près de 500 mille personnes vivant avec le Vih ont été, c’est un rappel, identifiées en 2021. Si N. Deli regrette le décès de plus 12 mille patients, il note, en outre, une prévalence non-négligeable chez la femme enceinte et les nourrissons.