Avec Maurice Kamto
J’ai appris avec une grande émotion le décès du Pr Joseph Owona, survenu dans la soirée du 6 janvier 2024.
Avant toute chose j’adresse à sa famille éprouvée mes condoléances attristées et l’expression de ma profonde compassion. Le Pr Joseph Owona était un juriste brillant, constitutionnaliste talentueux.
En cette matière il fut pour moi un enseignant fascinant : c’est à cause de – ou grâce à- lui que la trajectoire de mes études juridiques à la Faculté de droit et des sciences économiques de l’Université de Yaoundé fut détournée vers le droit public qui m’ouvrit les portes de l’enseignement, alors que mon projet initial était d’étudier le droit privé pour devenir Avocat. Combien de compatriotes savent-ils que nous sommes plusieurs parmi les licenciés de 1979 à avoir pu présenter le concours d’entrée à l’Iric, sans parrainage d’un Ministre, d’un Député ou d’un haut responsable du parti unique de l’époque, comme c’était une exigence en ce temps là, grâce à la seule décision personnelle du Pr Owona qui était alors le Directeur de cette prestigieuse académie diplomatique ? Le Pr Joseph Owona eut pour moi une réelle affection intellectuelle qui a sans doute souffert dans l’environnement politique camerounais, mais dont j’ai la faiblesse de croire qu’elle était restée au fond de lui-même, d’autant plus que j’eus pour lui un respect quasi filial.
Théoricien du droit constitutionnel, il connaissait fort bien l’histoire des institutions et des idées politiques et savait que l’édification des nations passe souvent par des soubresauts, voire des fureurs, avant d’atteindre les plaines de la concorde; que la survie de la démocratie passe par un système de gouvernement où des agencements juridiques et institutionnels intelligents permettent de limiter le pouvoir pour contenir l’inclinaison naturelle vers ses excès. C’est ce qu’il essaya de traduire dans sa mouture de l’avant-projet de Constitution des années 1990 qui, si elle avait été suivie, nous aurait épargné peut-être bien des dérives; car il proposait entre autres un mandat présidentiel renouvelable une seule fois, la possibilité de la candidature indépendante, une élection présidentielle à deux tours.
On peut regretter que notre environnement politique ne permette pas souvent à nos esprits les plus talentueux de mettre toute l’étendue de leurs connaissances au service de la patrie. Sur la scène publique, derrière les postures et les désaccords même tapageurs, il y a des êtres humains qui s’estiment, se respectent pour ce qu’ils sont, capables de faire ou de refaire les ponts que certains voudraient irrémédiablement rompus, afin de construire ensemble quelque chose de beau, de fort, de plus grand que nous: le Cameroun, notre maison commune.
Que l’âme du Professeur Joseph OWANA repose en paix !