Accueil OpinionInterview Cameroun > Memoria-Yaoundé: Enjeux et défis de l’exposition avec la commissaire Nadine Hounkpatin

Cameroun > Memoria-Yaoundé: Enjeux et défis de l’exposition avec la commissaire Nadine Hounkpatin

L’ouverture de ce vernissage s’est tenue le 9 février dernier, présidée conjointement par Pierre Ismaël Bidoung Mkpatt, le ministre camerounais des Arts et de la culture, et l’ambassadeur de France au Cameroun, Thierry Marchand, représenté.

Par panorama papers
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Par Léopold DASSI NDJIDJOU

A pied d’œuvre, les directeurs du Musée national du Cameroun et de l’Institut Cameroun, tiennent la dragée haute en multipliant des initiatives pour un heureux déroulement de l’évènement qui se tient sur une période de 5 mois avec 17 artistes venues des pays africains et de la diaspora. Au bas mot, 13000 visiteurs sont attendus comme ce fut le cas à Memoria Abidjan en 2022. Alors que le bal des visites bat son plein, Panoramapapers s’est rapproché de Nadine Hounkpatin, la commissaire de l’exposition pour savoir davantage de quoi il en retourne. De la sémantique « Memoria », à la question de l’exposition exclusive des œuvres d’artistes femmes, ou bien des légitimes attentes à la sortie de cette exposition et bien d’autres questions , la native du territoire d’Abomey au Bénin va droit au but et n’élude aucune interrogation. Tant mieux pour les lecteurs.

Vous êtes une des deux Commissaires d’une exposition d’art contemporain présentant les œuvres d’artistes femmes du continent et des diasporas, à Yaoundé. Vous avez baptisé cette exposition internationale Memoria : récits d’une autre Histoire. Que signifie Memoria ?

Memoria : récits d’une autre Histoire, c’est l’idée d’une mémoire collective constituée d’une infinité de récits souvent tus, falsifiés, effacés, mis en périphérie… Qu’ils soient intimes, familiaux, ou politiques, ces récits importants nourrissent nos imaginaires et nous permettent de penser nos futurs, d’écrire une ‘autre Histoire’, celle de l’Humanité d’une part et d’autre part celle de l’Histoire de l’art, dont elles écrivent aussi les pages.

Pourquoi exposer uniquement les œuvres des femmes ?

À la base il s’agit d’une volonté de la commissaire générale de la Saison Africa2020, N’Goné Fall, qui souhaitait, à travers une série de projets spécifiques allant des arts, aux sciences et à l’entrepreneuriat, donner la parole aux femmes africaines du continent et de ses diasporas. En tant que curatrices sensibles aux questions d’égalité de genre et de visibilité des artistes en général et des femmes en particulier, concevoir cette exposition nous a semblé être un bon moyen de mettre en avant des artistes et leurs récits. Proposer des versions du monde d’un point de vue féminin et africain !

Après Bordeaux en 2021, Abidjan en 2022 et Yaoundé en 2023, vers quelle destination l’année prochaine ?

Memoria : récits d’une autre Histoire est une exposition panafricaine qui réunit les œuvres d’artistes du Zimbabwe, de Namibie, de RDC, du Cameroun, du Ghana, de la Côte d’Ivoire etc. Elle a vocation à voyager d’abord sur le continent, et pourquoi pas ensuite dans le reste du monde. Une belle surprise est en préparation pour 2024. Mais avant de communiquer sur la prochaine étape africaine, nous souhaitons partager le plus que possible les contenus proposés autour de l’exposition à Yaoundé : la mallette pédagogique, le livret visiteur, bien sûr le catalogue qui sera disponible au printemps 2023, les rencontres etc.

Une brève idée sur les œuvres présentées à Yaoundé : peinture, photographie, textile, sculpture, vidéo et autres ?

Nous avons souhaité montrer la diversité des médiums dont se saisissent les artistes pour déployer leurs récits : photographie (Gosette Lubondo, Charlotte Yonga), peinture (Aurelie Djiena), textile (Georgina Maxim, Enam Gbewonyo), sculpture (Carine Mansan, Grâce Dorothée Tong), installation multimédia (Justine Gaga, Charlotte Yonga), dessins (Kristine Tsala), vidéo performative (Tuli Mekondjo), installation sonore (Elsa M’Bala)… Certaines mêlent les pratiques comme Beya Gille Gacha qui utilise la sculpture et le perlage, textile et littérature chez Ruth Belinga ou encore Roxane Mbanga qui navigue entre la performance et la vidéo pour créer de véritables installations immersives.

Vous avez affirmé que dans le cadre de Memoria les œuvres d’artistes renvoient à « la (re)construction d’un tout commun, d’un tout universel, qui renouvelle notre regard sur la création contemporaine issue d’Afrique et de ses diasporas ». Des explications ?

Oui encore une fois il était important pour nous de montrer non seulement un échantillon de la diversité des pratiques mais également la puissance de narration de ces artistes, l’originalité de leurs œuvres ainsi que la force de leurs propos. Renouveler notre regard sur la création artistique contemporaine, c’est s’affranchir des stéréotypes et des idées préconçues qui ont encore cours lorsqu’il s’agit de création artistique en provenance d’Afrique, et parfois même d’une forme de condescendance. Dès lors que notre regard est débarrassé de tous ces oripeaux, l’œuvre prend alors toute sa dimension universelle et non plus seulement ‘africaine’.

Quel casting pour inviter les artistes à votre exposition ?

Les artistes qui intègrent le parcours Memoria proviennent de la sélection initialement présentée à Bordeaux comme Georgina Maxim, Tuli Mekondjo ou encore Na Chainkua Reindorf, enrichie d’une partie de la sélection Abidjanaise, Carine Mansan par exemple et enfin les récits d’artistes de culture camerounaise ont été ajoutés, je pense en l’occurrence à Aurélie Djiena, Ruth Belinga, Kristine Tsala, Grâce Dorothée Tong, Justine Gaga, ainsi que les ‘diasporiques’ Barbara Asei Dantoni, Beya Gille Gacha, Josèfa Ntjam ou bien Charlotte Yonga. En plus d’être fortes de leur pouvoir de narration, toutes ont en commun une pratique artistique engagée, et naviguent dans des géographies toujours un peu plus fluctuantes, pour nous délivrer de nouvelles grammaires qui façonnent nos imaginaires.

On a appris qu’à Abidjan, vous avez eu près de 13000 visiteurs. Combien espérez-vous à Yaoundé ?

Oui en effet il y a eu près de 13.500 visiteurs au musée des Cultures Contemporaines d’Abidjan (MuCAT) pour l’exposition Memoria : récits d’une autre Histoire d’avril à août 2022, un véritable succès. Grâce aux artistes et à leurs œuvres, à l’équipe engagée du MuCAT et au soutien de nos partenaires (Société Générale Côte d’Ivoire, TV5 Monde…), l’exposition a su rencontrer très vite son public. Sans compter les plus de 10.000 téléchargements en ligne de la publication qui accompagnait l’exposition. Souhaitons le même succès sinon plus pour Memoria à Yaoundé !

Quelles initiatives prenez-vous dans le concept Memoria en vue d’inciter plus de jeunes filles aux arts ou à la Culture ?

Si l’exposition peut susciter des vocations auprès des différents publics, ce serait, bien sûr, une très bonne chose. Je pense notamment au jeune public, filles et garçons, qui découvriront les travaux de ces 17 artistes. Je crois d’une part aux effets bénéfiques d’une éducation culturelle dès le plus jeune âge, et je crois par ailleurs à l’éducation par l’exemple, au pouvoir du ‘role model’ : devenir artiste, exposer dans un grand musée, faire partie d’une exposition internationale, concevoir une exposition… Si certains l’ont fait alors d’autres le peuvent également. Au sein du musée, les meilleurs passeurs sont les personnes en charge de la médiation culturelle, ils sont en contact direct avec les publics et grâce aux échanges qu’ils initient, ils fournissent aux publics des clés pour décrypter les œuvres, découvrir les artistes, appréhender l’exposition dans sa globalité. Leur rôle est essentiel, ils transmettent la curiosité et la passion de l’art. Le musée devrait toujours être le lieu de tous les communs et de tous les partages, un lieu d’expression certes artistique mais aussi critique. Un lieu de savoir, de connaissances et de mémoires partagées, accessible à toutes les communautés. Un lieu où les vocations se font.

Comment est née chez vous la passion pour l’art ?

J’ai eu la chance de grandir dans un environnement familial où les arts et la culture ont toujours été très présents : sculpture, peinture, littérature, musique, art textile… Le respect et l’admiration pour le travail de l’artisan et de l’artiste m’ont été inculqués très tôt. En effet, dans mon histoire familiale, certains aïeux étaient artisans forgerons à la cour des rois d’Abomey. Ce sont eux qui fabriquaient non seulement les armes de guerre mais également les objets de cour en bronze, en cuivre et les parures en argent. On m’a transmis ces récits-là, à l’origine d’ailleurs de mon nom de famille. Lire, visiter un musée, un centre artisanal ou une foire ont toujours été d’excellents moyens pour s’enrichir, se cultiver, mieux appréhender l’autre et sa singularité. J’ai gardé ces bonnes habitudes et développé un sens particulier pour l’image, l’esthétique, l’artistique. Avec l’art contemporain, j’ai appris la puissance du geste artistique, miroir de l’existence et du monde dans lequel nous vivons.

Pouvez-vous rappeler la période de l’exposition et les différents moyens d’accéder au Musée national, site de l’exposition ?

L’exposition d’art contemporain Memoria : récits d’une autre Histoire est actuellement visible au musée national de Yaoundé et jusqu’au 31 juillet 2023. Pour connaître les modalités d’accès à l’exposition, il faut se rendre sur la page Facebook du musée !
L’Institut Français du Cameroun organise également et ce régulièrement des visites guidées.

Un mot de la fin ?

Memoria : récits d’une autre Histoire est un projet qui inclut plus qu’une exposition d’art. Chaque étape, ancrée dans un territoire particulier, s’enrichit des voix des artistes en local et se distingue ainsi des autres étapes. La particularité du projet Memoria à Yaoundé réside dans la possibilité qui a été offerte par l’Institut Français du Cameroun à 3 artistes : Roxane Mbanga, Elsa M’bala et Beya Gille Gacha, de créer chacune une œuvre in situ, en faisant appel à des savoir-faire et compétences en local. Beya Gille Gacha a pu par exemple faire réaliser un magnifique puits de terre rouge et Roxane Mbanga a recréé une vibrante scène de marché typique de l’Afrique de l’Ouest. Quant à Elsa M’bala, elle a enrichi son dispositif sonore d’émouvants chants rituels provenant des archives sonores du Cameroun. Chaque artiste, chaque œuvre de Memoria : récits d’une autre Histoire a la capacité à enrichir nos imaginaires, à nous montrer le monde depuis d’autres points de vue. Comme me le faisait remarquer le professeur Francis Eustache, neuropsychologue et spécialiste de la mémoire, voir une exposition rend plus fort.

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