Par Pierre Laverdure Ombang, Avec Jeune Afrique
Dans un texte diffusé mercredi 14 mars 2018 on se souvient que l’ancien secrétaire général de la présidence, lui-même condamné dans le cadre d’Épervier pour détournement de fonds publics, offrait ses conseils
« à vous qui avez quelque raison de penser que vous êtes dans le viseur, ou simplement que vous pourrez un jour être dans le viseur de l’opération « Épervier ».
Des extraits que nous avons retrouvés dans les pages de jeune Afrique nous permet de revenir sur une des sorties épistolaires de cet homme d’État du fond de sa cellule à la prison de kondengui à Yaoundé. Alors que des informations annonçaient l’arrivée à de nouveaux pensionnaires captés par la fameuse opération Epervier.
« S’entraîner à utiliser les toilettes à la turque »
« Voici quelques infos, quelques trucs qu’il est bon de connaître (…). Il s’agit de choses sans importance, lorsque vous êtes en liberté », écrit Atangana Mebara. « Dès les premières rumeurs sur l’envoi des services du contrôle supérieur de l’État (…), renseignez-vous auprès de cadres de ces services (…). Ne sollicitez pas les ministres. Comme chacun a peur de perdre son maroquin, aucun ne vous donnera la bonne information. Les courageux et honnêtes vous diront qu’ils sont tenus par une obligation de réserve, les falots vous diront qu’ils ne sont pas au courant »,
poursuit-il.
Et le prisonnier de Kondegui d’égrener ses conseils :
« vous faire quelques amis (…) parmi les conseillers (…) de la présidence », « mettre en ordre vos dossiers [et] mettre en sécurité (…) tout document dont vous pourriez avoir besoin un jour », faire « un bilan de santé », « recevoir ou actualiser les vaccins essentiels », « mettre en ordre votre situation financière », « vous exercer à dormir dans des lits pour enfant », apprendre « à dormir dans une pièce, avec six ou sept personnes », « s’entraîner à utiliser les toilettes à la turque », « pratiquer l’abstinence », faire « un tour dans une morgue, pour voir emporter des corps »…
Un « labyrinthe des humiliations et du déshonneur »
« Préparez-vous à franchir la porte d’entrée du labyrinthe des humiliations et du déshonneur »,
prévient Jean-Marie Atangana Mebara, qui raconte sa propre histoire, sous forme de mise en garde.
Insalubrité, bruit, suspicion, haine, absence de sommeil et d’hygiène, maladies contagieuses,
« odeurs nauséabondes de toilettes sales » ou « d’individus qui ont pris leur dernière douche quelques semaines auparavant »…
L’ancien collaborateur de Paul Biya tombé en disgrâce dresse un portrait qui dérange. Celui d’une prison insalubre, pour les anciens puissants comme pour tous les autres, et d’une opération « mains propres » dont beaucoup doutent de l’équité. Il prévient enfin :
« À vous qui pensez avoir essayé, toute votre carrière durant, d’être un serviteur de l’État, (…) vous qui pensez bénéficier d’une immunité à vie, ceci pourrait vous être utile un jour ».
Atangana Mebara , c’est déjà depuis quelques heures 15 ans passés derrière les barreaux. Détenu à la prison centrale de Yaoundé depuis le 6 août 2008, a été accusé d’avoir orienté les fonds destinés à l’achat d’un avion Boeing neuf vers la location d’un appareil d’occasion (L’Albatros). Jean Marie Atangana Mebara a en outre été condamné à payer à l’État du Cameroun la somme de 2 927 500 000 francs Cfa au titre de dommages et intérêts.
Cette peine de prison qui s’ajouter à deux autres, de 20 ans et 15 ans pour malversations financières, la première dans l’affaire « Cameroon Airlines » et la seconde dans le même dossier de l’avion présidentiel. Celui-ci a d’ailleurs également atteint le prédécesseur de Jean Marie Atangana Mebara au secrétariat général de la présidence, Marafa Hamidou Yaya. Ce dernier a été condamné à 25 ans de prison, également pour avoir détourné les fonds destinés à l’achat de l’appareil, cette fois en 2001.
Jean-Marie Atangana Mebara, écroué depuis 2008, va être acquitté des trois chefs d’inculpation qui pesaient contre lui, notamment la tentative de détournement de 29 millions de dollars, alors que, secrétaire général à la Présidence camerounaise, il était chargé de recouvrer cette somme initialement destinée à l’achat d’un nouvel avion présidentiel. Somme qui n’a jamais été versée à la compagnie Boeing.Pour ce chef comme pour les deux autres, également relatifs à la même affaire dite « Albatros », les faits reprochés ont été jugés « non établis » par le tribunal présidé par le juge Gilbert Schlick.
Mis en cause le 6 août 2008 dans le cadre de la lutte contre la corruption au Cameroun et de l’«opération Épervier», puis condamné à 15 ans de prison en octobre 2012.Il sera ensuite acquitté des trois chefs d’inculpation qui pesaient contre lui. Malheureusement, en 2016, l’homme politique a à nouveau été condamné à 25 années de prison pour détournement de fonds de 4,4 millions d’euros (2 905 500 000 Fcfa) destinés à l’achat d’un avion présidentiel. Il a été jugé par le Tcs (Tribunal criminel spécial).
Jean-Marie Atangana Mebara est un homme politique,homme d’État camerounais né le 27 mars 1954 à Yaoundé. Il fut plusieurs fois ministre, puis condamné pour malversations financières. Il est ressortissant du Mefou-et-Akono, un département situé dans la région du Centre au Cameroun.