Par Léopold Dassi Ndjidjou
« Il n’y aurait pas eu de victoire alliée sans l’alliance sacrée des volontés, sans la contribution des autres peuples, sans les étrangers, sans les noirs et autres tirailleurs. Cette lutte a été menée ensemble pour défendre les valeurs et les idéaux universels de paix et de justice. Elle exprimait une vision de l’homme et du monde qui nous est commune. Au nom de celle-ci nous avons combattu ensemble côte à côte. Cette vision était respectueuse de nos différences, respectueuses de l’infinie diversité des hommes, des cultures, des religions, des civilisations.
Cette vision-là, reconnaît à chacun de nous un droit égal à la dignité. La solidarité exemplaire qui a ainsi prévalu, reste et demeure une leçon précieuse que nous devons perpétuer et transmettre aux générations futures, afin d’éviter les erreurs commises par le passé ». Ces propos d’une haute facture morale sont ceux d’un homme d’Etat de grande stature, pétri d’une indéniable expérience auquel nul ne saurait imputer ni un militarisme outrancier, ni un pacifisme irréaliste, ni même une neutralité béate, encore moins un anti-occidentalisme forcené.
En présentant la paix et la justice comme étant deux valeurs et idéaux universels, valeurs et idéaux qui, faut-il le préciser, sont bien souvent mis en péril à partir de l’occident; le Président de la République du Cameroun, Son Excellence Paul Biya a voulu rappeler aux ambitions hégémoniques nostalgiques des temps désormais révolus de la domination coloniale, rappeler aux mémoires frappées d’une amnésie volontairement sélective, rappeler enfin aux idéologies du monopole et de la discrimination, quelles auront été les causes, et quelles sont les conséquences des tragédies humaines d’un passé dont certains voudraient œuvrer à la résurgence. La lutte acharnée des puissances pour l’accaparement des territoires et des ressources appartenant à d’autres peuplades, le désir des unes et des autres d’imposer leur primauté sur l’ensemble de la planète, sont en effet quelques-unes des causes ayant conduit aux confrontations armées d’envergure mondiale dont des péripéties donnent lieu à de solennelles commémorations.
Des occasions à mettre à profit non pas pour de quelconques glorifications empreintes de mesquinerie, mais des instants de profonde humilité et d’intense réflexion devant les déluges de fer et de feu déversés sur l’humanité par la volonté d’une poignée d’hommes. Et cette autre catastrophe au moment de reconnaître le mérite, comme si les frayeurs communément ressenties face au danger, les gelures dans le froid et la neige des tranchées, et la mort frappant indistinctement n’appelaient pas à plus de solidarité, plus de fraternité et plus d’égalité, après tant de souffrances et de sacrifices.
Toujours est-il que passé le danger, le complexe de la suprématie raciale reprenait le dessus, ravalant au rang de sous-hommes, ces étrangers de toutes les origines, de toutes les couleurs de peau, accourus par centaines de milliers au secours de lointaines patries qu’ils ne connaissaient que de nom, des patries adoptées subitement oublieuses jusqu’à l’ingratitude de l’amour de leurs enfants adoptifs, lorsqu’il aura fallu récompenser les plus ardents de leurs défenseurs. Or, l’histoire semble une fois de plus se répéter, et comme par le passé, l’on se rapproche à grandes enjambées du seuil de la conflagration intentionnellement en voie de mondialisation, les injonctions comminatoires, les étiquettes diffamatoires, les anathèmes et autres imprécations lancés à la ronde étant les précurseurs infaillibles d’un prochain engagement des troupes. Sauf que ce serait la fois de trop.
De manière préventive donc, de nombreux acteurs de la scène internationale font savoir aux indécrottables de la bombe et du canon, qu’ils n’entendent plus se saigner à blanc pour ce qui ne leur rapporte rien, si ce n’est la misère et la dépendance. Inattendu et inacceptable pour les partisans du retour à la mission civilisatrice d’antan, responsable et salutaire pour les artisans d’un nouvel ordre mondial égalitaire et solidaire, ce positionnement géopolitique et géostratégique du Sud global apparaît comme la plus plausible des médications susceptibles de prémunir le monde de ses fréquents et violents accès convulsifs engendrés par l’orgueil, l’intempérance et l’insatiété, trois caractéristiques du culte de l’égocentrisme et de l’immédiateté. En se dissociant ainsi de ceux qui préfèrent la paix des cimetières à la paix des vivants, le présent du monde, le présent de notre monde à tous, seulement inspiré par le rythme apaisé de la fraternité et la douce clarté de l’intemporalité, sera en capacité de jeter l’ébauche d’un horizon plus radieux pour le futur de l’humanité, parce que celle-ci aura enfin tiré leçon des tragiques erreurs du passé.