Par Mon’Esse
Au moins quatre hommes, dont un en treillis militaire le maltraite. Ils écrasent ses jambes avec leurs chaussures, et un autre lui fouette la plante des pieds à l’aide d’une machette.
Longuè Longuè en pleurs s’adresse de temps en temps à un individu qui n’apparaît pas dans la vidéo mais qu’il supplie et qu’il appelle « mon commandant. »
L’artiste explique que la scène s’est déroulée en mai 2019 dans les locaux de la Sécurité Militaire ((Sémil) à Douala. La diffusion de cette vidéo suscite depuis une vague d’indignation et une avalanche de condamnations. Des artistes, journalistes, leaders d’opinions acteurs de la société civile, et des politiques dénoncent ce traitement humiliant et dégradant subi par Longuè Longuè, qui avait avant son interpellation et sa torture apporté son soutien à Maurice Kamto, arrivé officiellement deuxième, mais qui continuait à contester les résultats de l’élection présidentielle du 07 octobre 2018, remportée par Paul Biya.
Le leader du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) qualifie les actes de torture sur Longuè Longuè de « barbarie d’Etat » et réclame qu’une enquête soit diligentée pour traduire en justice les auteurs de ces atrocités. Le député Cabral Libii, Président du Parti Camerounais pour la Réconciliation Nationale (PCRN), a dénoncé pour sa part « la cruauté de certains commandants de la République si forts face aux plus faibles »
Le 23 octobre 2024, le Ministre Délégué à la Présidence, chargé de la Défense, Joseph Beti Assomo, a annoncé à travers un communiqué l’ouverture d’une enquête pour faire toute la lumière sur cette affaire.
Mais au-delà de Longuè Longuè, certains au sein de l’opinion affirment que la pratique de la torture est un problème systémique dans les services de sécurité au Cameroun. Avant Longuè Longuè, de nombreux autres citoyens célèbres ou pas, interpellées ces dernières années, ont souvent affirmé avoir subi des maltraitances, une fois entre les mains des services de sécurité, ou de détention.
La sanction de la loi
Le Cameroun, après avoir ratifié la convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants entrée en vigueur le 26 juin 1987, a ensuite adopté une loi le 10 janvier 1997 modifiant et complétant certaines dispositions du code pénal.
L’article 132 bis de ce code dispose en substance depuis lors, qu’ : « est puni de l’emprisonnement à vie, celui qui, par la torture, cause involontairement la mort d’autrui. La peine est un emprisonnement de dix (10) à vingt (20) ans lorsque la torture cause à la victime la privation permanente de l’usage de tout ou partie d’un membre, d’un organe ou d’un sens. La peine est un emprisonnement de cinq(05) à dix(10) ans et une amende de 100 mille à un million de francs lorsque la torture cause à la victime une maladie ou une incapacité de travail supérieure à trente (30) jours.
La peine est un emprisonnement de deux (02)à cinq (05) et une amende de 50 à 200 mille francs, lorsque la torture cause à la victime soit une maladie ou une incapacité de travail égale ou inférieure à trente (30) jours ,soit des douleurs ou des souffrances mentales ou morales. »
Selon toujours cet article, le terme « torture » « désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ,mentales ou morales, sont intentionnellement infligées à une personne, par un fonctionnaire ou tout autre personne, agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite, aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis, ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination, quelle qu’elle soit. »
Le terme « torture » ainsi défini « ne s’applique pas à une douleur ou aux souffrances résultant de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles. Aucune circonstance exceptionnelle quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception ne peut être invoquée pour justifier la torture.
L’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture », précise encore l’article 132 bis du code pénal. Ce texte et d’autres instruments internationaux ratifiés par le Cameroun relatifs à la prévention de la torture, doivent en permanence être vulgarisés principalement au sein du personnel des services de sécurité, et dans tous les lieux de détention pour davantage dissuader les éventuels tortionnaires.
Les victimes de la torture qui est considérée comme un crime tant au plan national qu’international, doivent également s’approprier ces textes et dénoncer tout acte de torture dont ils ont fait l’objet en saisissant systématiquement la justice. Les voies de recours existent en effet au niveau interne et à l’international dans ce domaine. Une abondante jurisprudence démontre que de nombreux auteurs des actes de torture au Cameroun, ont été sanctionnés aussi bien par la justice camerounaise, que par d’autres instances internationales équivalentes.
La jurisprudence du journaliste et écrivain Albert Mukong de regretté mémoire, en est une parfaite illustration, notamment pour ceux qui sont torturés du fait de leurs opinions politiques. Le viol et plusieurs formes de violence visant les femmes peuvent selon la jurisprudence internationale être assimilés à la torture. Il n’ y a en revanche quasiment aucun doute concernant la constitution de l’infraction de la torture s’agissant par exemple des cas de détention au secret, des châtiments corporels, des menaces et intimidations, des conditions de détention sévères, ou encore du déni de traitement médical aux personnes se trouvant dans des lieux de détention entre autres.
Parce que la torture vise généralement à briser la personnalité de la victime et constitue une négation de la dignité inhérence à la personne humaine en tant qu’entité, leurs auteurs doivent être dénoncés et sanctionnés sans faiblesse en tout temps.