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Cameroun > Projet hôtelier «Marriot» de Douala : le rôle trouble du gouvernement et des autorités traditionnelles

Plombé par une grogne qui s’intensifie avec les silences de certains de ses acteurs, le projet de construction du complexe hôtelier «Marriot-Douala» stagne. Dans le même temps, plus de 14 hectares déjà déclarés d’utilité publique pour un projet qui sollicite seulement deux hectares. Quels sont les rôles de l’administration, de la société Immigration business Canada, des autorités traditionnelles  et des personnes expropriées dans cette affaire qui fait des émules?

Par panorama papers
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Enquête de Joseph OLINGA N.

C’est désormais clair comme de l’eau de roche. Le gouvernement camerounais et les autorités traditionnelles jouent un rôle majeur dans la crise qui s’enracine, au sujet des déguerpissements à polémique de Douala-Dikolo. Tout commence le 6 août 2020 lorsque la présidence de la République appose son visa pour la signature d’un contrat entre l’Etat du Cameroun et la société Immigration business Canada Sarl (Ibc). Le contrat est paraphé le 10 août 2020 par le ministre des domaines, du cadastre et des affaires foncières (Mindcaf), Henri Eyebe Ayissi pour l’Etat du Cameroun, et la société Immigration business Canada (Ibc), représentée par son président directeur général, Olivier Chi Nouako. Le contrat emphytéotique prévoit que l’Etat du Cameroun (bailleur) cède à Immigration business Canada Sarl un espace foncier de deux hectares 63 ares. Espace foncier couvert par les titres fonciers N° 924, 925 et 926 Wouri A dans la localité de Besseke. Le terrain cédé à la société Ibc doit servir à la construction et l’exploitation d’un complexe hôtelier 5 étoiles. Infrastructure que l’acquéreur doit gérer pour une période de cinquante ans contre versement de la somme de 131,5 millions de Francs Cfa par an. Soit six milliards 500 millions de Francs Cfa à verser à l’Etat du Cameroun au terme des cinquante années que dure le contrat. En même temps, le coût total de l’infrastructure à construire est évalué à 100 millions de Dollars, soit 60 milliards de Francs Cfa.

Les clauses contractuelles entre l’Etat du Cameroun et Immigration busines Canada Sarl prévoient que le complexe hôtelier Marriot-Douala est un immeuble haut standing  de 15 niveaux. Il comprend 280 chambres y compris des suites présidentielles. Des salles de conférence d’une capacité de mille (1000) places chacune. Des appartements, un business center, un centre commercial, des infrastructures de divertissement et des restaurants. En cas de non réalisation du contrat dans le délai de trois ans, l’assiette foncière mise à la disposition du projet est reprise par l’Etat

Propriété de l’Etat

Le contrat de bail entre l’Etat du Cameroun et Ibc souligne que les terrains sur lesquelles est bâtis le complexe hôtelier «Marriot-Douala» restent la propriété de l’Etat du Cameroun. De ce fait, l’autorité de tutelle est le ministre des domaines et des affaires foncières. De ce fait, le preneur s’engage à construire un hôtel dénommé Marriot-Douala, de niveau R+15. Le projet doit débuter au plus tard 36 mois après la signature du contrat, sous peine de résiliation du contrat par l’Etat du Cameroun. Le même contrat précise que le preneur supporte toutes les charges relatives à l’immeuble et notamment le paiement de la taxe foncière et les contributions foncières accessoires. Les articles 11 et 12 du document précisent que l’Etat demeure propriétaire du terrain loué à Ibc, et il est interdit au preneur de procéder à l’aliénation dudit terrain, dont les modalités de gestion relèvent exclusivement du ministère des domaines et des affaires foncières.

Multiples déclarations d’utilité publique

Le contrat signé entre l’Etat du Cameroun et la société Immigration business ne tarde pas à suscité quelques questions. Calculette en main, le projet de construction du complexe hôtelier nécessitant une superficie de deux hectares est passé à 14 hectares en une dizaine d’années. La première déclaration d’utilité publique sur le site de Besseke date de l’année 2015. L’arrêté pris le 17 avril 2015 concerne une superficie de 4,5 hectares. Des expropriations justifiées par la construction d’un complexe hôtelier. Projet portée par la société Immigration business Canada. Le 14 août 2018, une seconde déclaration d’utilité publique concernant une superficie de 2,3 hectares est prononcée sur un espace adjacent. La mesure est justifiée par le souci de «réaliser des travaux structurant dans la zone de Besseke». Le 14 mars 2019 un autre arrêté d’utilité publique est prononcé sur un espace estimé à 4,5 hectares. Puis, le 9 janvier 2020 un dernier arrêté déclare d’utilité publique une autre superficie de 2,63 hectares. Les deux dernières expropriations étant justifiées par la construction d’un complexe hôtelier sous la bannière Marriott Bonvoy International. Un autre projet porté par la société Immigration business Canada.

Le promoteur du projet de construction d’un complexe hôtelier portant bannière Hilton hôtel, en 2014, ainsi que celui du complexe hôtelier portant enseigne Marriott n’a pas voulu s’exprimer sur les raisons du changement d’enseigne ainsi que les multiples déclaration d’utilité publique justifiées par l’implantation de son projet. Olivier Chi Nouako réserve des explications à la suite de celles du ministre des domaines, du cadastre et des affaires foncières. «Le promoteur du projet répondra ultérieurement à vos questions» comme l’indique un échange électronique que Panorama Papers a eu avec le président directeur général de Immigration business Canada, le 28 mai dernier. Depuis lors, Olivier Chi Nouako n’a donné aucune suite à nos sollicitations.

Dans le même temps, tensions et rumeurs s’intensifient. L’affaire qui a mobilisé la communauté riveraine est désormais d’ampleur nationale. C’est que les expropriations effectuées le 14 mai dernier concernent les habitants du site de Douala-Dikolo dont le titre foncier porte l’immatriculation 750/W.  Des déguerpissements conséquents d’un décret du Premier ministre sur l’espace correspondant au titre foncier 750/W. Expropriations dont l’objectif est de céder l’espace à la société Immigration business Canada pour la construction de l’hôtel Marriott-Douala. De fait, l’acte administratif posé au bénéfice de la multinationale canadienne suscite de nombreuses questions. Des questions dont nombreuses trouvent des réponses dans le temps. De même que le temps permet désormais d’identifier le rôle des acteurs de ce qui apparait un scandale foncier au sein de l’opinion.

Ministère des domaines du cadastre et des affaires foncières

Le contrat signé le 10 août 2020, entre l’Etat du Cameroun et la société Immigration business Canada indique que le ministre des domaines, du cadastre et des affaires foncières est le représentant «exclusif» de l’Etat du Cameroun dans la gestion et la résolution des crises et autres incompréhensions liées à ce contrat. De même que le Mindcaf assure la présidence du comité de gestion de ce projet. Comité qui compte en son sein les représentants des ministères de l’urbanisme, du commerce, de la  commune de la ville de Douala ainsi qu’un représentant de la société Ibc. Plusieurs semaines après l’émergence des tensions, difficile d’avoir la version du ministre des domaines, du cadastre et des affaires foncières, bailleur et représentant exclusif du gouvernement dans cette affaire.

Immigration business Canada

La deuxième curiosité dans cette affaire réside dans la capacité réelle de la société Immigration business Canada à construire un complexe hôtelier de classe internationale dans la capitale économique du Cameroun, Douala. Le président directeur général de Ibc, Olivier Chi Nouako que Panorama Papers a abordé à plusieurs reprises n’a pas donné une suite aux préoccupations qui s’imposent. Il s’agit notamment de comprendre le processus ayant conduis au délaissement du projet de construction d’un complexe hôtelier Hilton (filiale de la multinationale américaine Hilton hotels and resorts) en 2014, pour aboutir à la signature en 2020 d’un complexe hôtelier portant l’enseigne Marriott(filiale de la multinationale hôtelière canadienne Marriott International) ?

Autorités traditionnelles

Dans un communiqué «d’indignation» non daté, le chef supérieur du canton Bell, Sa Majesté Eboumbou Douala Manga Bell décline sa responsabilité au sujet de «ces décisions prises au-delà de moi». L’autorité traditionnelle, dans la même correspondance souligne qu’il s’agit pour lui «de dire à l’administration le désarroi du peuple Douala (Sawa) qui est fatigué de tout perdre, avec violence, sans respect, sans respect, sans considération, malgré les contreparties qui ont été négociées pour lui. Ce peuple n’acceptera plus les déportations.» La même communication précise que «Nous allons nous structurer pour faire face à toute prédation de nos terres.»

La posture du chef supérieur du canton Bell, Sa Majesté Eboumbou Douala Manga Bell apparait en contradiction avec la convention qu’il a signé le 24 avril 2022 avec la société Immigration business Canada Sarl.  Convention signée «au nom des riverains», dans laquelle il engage les populations concernées par l’expropriation à percevoir «un accompagnement financier représentant l’équivalent de douze mois de loyers fixés forfaitairement.» Dans la même veine, le chef supérieur du Canton Bell et le Pdg de la société Ibc conviennent que «A cette indemnité, il sera attribué à toute personne concernée les frais de déménagement et de démobilisation dont le montant sera déterminé forfaitairement.» Des paiements effectués quelques jours après sous la supervision du chef supérieur du canton Bell.

La convention qui est frappée du sceau de la confidentialité souligne aussi que «En marge du versement des droits financiers, le promoteur s’engage sans réserve à accompagner la chefferie et les populations dans la recherche et l’attribution de terres compensatrices sur le domaine privé de l’Etat ou sur le domaine national aux alentours géographiques proches de la langue Douala pour éviter de déculturer les populations et de les éloigner de leurs terroirs naturels.» Compensation foncière estimée à une superficie de cinq hectares par le chef supérieur du canton Bell, Sa Majesté Eboumbou Douala Manga Bell et le président directeur général de la société Immigration business Canada Sarl, Olivier Nouako.

Populations expropriées

De sources concordantes, une quarantaine de personnes, sur les 63 concernées par le recensement mené par la préfecture du Wouri et la chefferie du canton Bell ont reçu des paiements relatifs aux frais de loyers, de démobilisation et de déménagement versés par la société Immigration business Canada. Les contrats individuels signés par les récipiendaires les engagent à libérer les espaces sous quinzaine. Les contrats dont Panorama Papers à obtenu copie indiquent que «En cas de retard ou de refus de libérer dans le délai convenu, ces derniers reconnaissent qu’ils s’exposent à leur déguerpissement à tout moment et à leur frais sans préjudice de poursuites.»

Les décharges pécuniaires de la «Convention portant aménagement et accompagnement social à Dikolo par Besseke», signées entre la quarantaine de personnes bénéficiaires et la société Immigration business Canada, le 29 avril 2022, souligne que les personnes concernées par les déguerpissements doivent avoir quitté le site «au plus tard le 10 mai 2022». De même que le chef supérieur du canton Bell et les déguerpis de Douala-Dikolo s’engagent «à prendre attache avec le délégué départemental du Ministère de l’économie, de la planification et de l’aménagement du territoire, le cas échéant, afin de récupérer également les fonds d’indemnisation qui sont prévues au décret d’expropriation.»

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Revue de presses du 22 09 2023

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