Par Serge Aimé Bikoi et Jean Charles Biyo’o Ella
Lorsque Paul Biya accédait à la magistrature suprême le 6 novembre 1982, il avait promis la prospérité, la paix et la démocratie. Mais trois ans après avoir pris le pouvoir, le Cameroun a commencé à vivre les affres d’un nouveau contexte chancelant marqué par trois déterminants majeurs ayant influencé le cours de la vie de nombreux pays en Afrique subsaharienne : la détérioration des termes de l’échange; la baisse du Produit intérieur brut (Pib) et l’augmentation de la dette extérieure. Quarante ans après, la situation économique n’est guère reluisante.
D’entrée de jeu, il faut déjà préciser que dès le milieu des années 1980, quasiment deux ans avant l’arrivée au pouvoir de Paul Biya, le Cameroun, comme la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, fait face à la plus importante crise économique de son histoire en tant que pays indépendant. Et c’est dans ce contexte que Paul Biya accède à la magistrature suprême le 6 novembre 1982. Le Cameroun ne se porte pas bien. Pour juguler cette crise, l’homme du 6 novembre 1982 va s’engager dans une politique d’ajustement structurel(Pas) à compter des années 1988/1989, avec l’aide des institutions de Breton Woods. L’une des mesures les plus spectaculaires de cette politique sera, sans doute, la dévaluation du Franc Cfa en janvier 1994.
Au Cameroun, comme dans d’autres pays, le Fmi et la Banque mondiale conditionnent l’ajustement structurel par trois grands facteurs.
Le premier, c’est le maintien d’un déficit budgétaire bas et un taux de change correct. Ce qui devait être obtenu par une grande discipline budgétaire, une privatisation et une dévaluation du Fcfa chaque fois que cela était nécessaire.
Puis, deuxièmement, il fallait encourager la compétitivité à l’intérieur comme à l’extérieur du pays par des stratégies orientées vers l’exportation, la dé-régulation à l’intérieur, les réformes du commerce et le dés-investissement dans les entreprises publiques.
Enfin, il fallait utiliser, de manière prudente, les ressources gouvernementales en évitant d’intervenir là où les lois du marché fonctionnaient relativement bien.
Sur la base de ces principes, Paul Biya, le jeune président n’a pas beaucoup de choix. Il faut s’aligner pour sauver l’économie du pays qui se porte mal. Les revenus pétroliers ont chuté de plus de 27%. C’est la galère dans le pays. Sur la base de ces recommandations du Fmi et de la Banque mondiale, le Cameroun enclenche des privatisations en cascades. La Sotuc, l’Oncpb, la Mideviv, le Fodic, la Regifercam, la Cameroon airlines, la Camship, la Bio entre autres sont privatisés. Une privatisation qui conduira à leur mort.
A la fonction publique, les temps sont aussi durs. Deux baisses salariales successives vont s’enchainer entre janvier et novembre 1993. La première coupe est de l’ordre de 30% et la seconde d’environ 50%.
Dans son discours de fin d’année 1993, Paul Biya va tenter une explication pour apaiser les cœurs. Entre la baisse des salaires et la compression drastique des effectifs disait-il, nous avons choisi la première option pour ne pas avoir « à jeter dans la rue, des dizaines de milliers de Camerounais, pères et mères, de dizaines d’enfants et de famille, jeunes en début de carrière, anciens fonctionnaires, dont la reconversion aurait été difficile”. Aujourd’hui, si la situation s’est relativement stabilisée, les Camerounais attendent encore, certainement, mieux 40 ans plus tard.