Par Léopold DASSI NDJIJDOU
Adamou Ndam Njoya, trois ans jour pour jour après son départ de ce monde, fascine encore et toujours les siens et les sympathisants en commençant par son Noun natal, ailleurs dans le pays, au sein de la diaspora et à l’international. De son vivant, les Camerounais avaient-ils vraiment compris le sens de son combat politique ?
Dans son engagement, la classe politique et surtout l’opposition a-t-elle jamais saisi le sens de la stratégie qu’il leur proposait pour détricoter les dérives de toutes sortes et de bâtir une Nation plus saine, plus solide, fondée sur des valeurs d’intégrité, de justice, de solidarité et de dialogue ? Le chantre d’un appel au retour à des valeurs républicaines en face d’un pays qui se vautrait et se vautre encore complaisamment chaque jour un peu plus dans la déliquescence des mœurs d’humanité, a tiré sa révérence le 7 mars 2020, un peu comme sur la pointe des pieds au sein de l’opinion nationale.
A son départ, combien sont-ils encore qui avaient parié pour la fin, la fin de tout, en commençant par l’Union démocratique du Cameroun et toutes ses autres initiatives ? Ils étaient nombreux, à coup sûr, ceux qui ce 7 mars 2020 prophétisaient sans retenue pour une dislocation, par perte et profit d’un appareillage politique dont on pensait qu’il était le moteur et le carburant en même temps, comme on le voit un peu partout au Cameroun et sur le continent africain francophone. Le temps, le terrible temps, a mis chacun à sa place, au gré des secondes, des heures, des jours, des semaines, des mois et des années ! Trois ans ! Pas le moindre tâtonnement, pas la moindre fausse note, pas le moindre cri. Ils ont souffert, les militants de l’Udc, ils souffrent encore par-dessus tout, mais restent et demeurent soudés derrière une dame au leadership avéré, un concentré de ce qu’est la famille udéciste.
En l’écoutant ce 7 mars dans la cour intérieure de la maison où furent signés les Accords de 1961 entre les parties anglophone et francophone du pays, on comprend l’immense investissement du fondateur de l’Udc. « Un temps, je voulais parler comme lui mais je n’arrivais », confesse-t-elle avant de clamer que les grands hommes ne sont ni dans la qualité de leur voix, ni la taille ou la grosseur de leur être visible, mais plutôt dans ce qu’ils posent comme actes au quotidien.
Et ce, le Dr Adamou Ndam Njoya l’a fait, il l’a tant et si bien fait, qu’il a construit une idéologie de son action politique, assimilée par ses militants aux quatre coins du Noun qui est son fief incontesté. Que c’est émouvant lorsqu’on est à Malantouen, à Njimon, à Massangam, à Foumbot, à Foumban et j’en oublie certainement, d’écouter des femmes de nos villages chanter l’hymne nationale d’un trait, en anglais et en Français ! La conscience politique, l’engagement politique, le devoir politique, la veille politique sont ici entre autre des maîtres mots qui laissent très peu de place à l’hésitation et à l’incertitude.
On y va à fond, on tient à ses engagements, on fait son devoir, on prie comme on vote, avec une certitude indéboulonnable de renverser toutes les forteresses au passage. Adamou Ndam Njoya n’est pas mort, il vit dans le cœur de ses compatriotes, bien au chaud, et les galvanise au quotidien d’aller de l’avant, de ne pas abandonner devant les écueils, de ne pas reculer, de continuer encore et encore.
Adamou Ndam Njoya n’est pas mort
Ce 7 mars 2023, une foule spontanée de militants et sympathisants s’est massée à Njinka pour célébrer la vie de l’homme. Après les prières, un extrait d’une exhortation de la communauté nationale au dialogue, un appel à la recherche inlassable des voies de concertation face aux difficultés auxquelles font face le pays, a été écouté par l’assistance toute émue. En français et en Bamoun, d’une voix fluette et poignante, il a plongé plusieurs dans le désarroi le plus complet, au souvenir de l’homme multidimensionnel que fut l’illustre disparu. Son discours est encore cinglant quand il rappelle que les Camerounais ont toujours su à travers l’histoire, trouver le consensus pour faire la paix.
Comme il ce fut le cas à Foumban en 1961, il rappelle qu’il en était de même en 1991 à la Tripartite où les acteurs politiques de tous bords ont fait montre de compréhension mutuelle pour venir à bout du chao qui se préparait. « Nous avons planté l’arbre de la paix pour un Cameroun multiculturel et multilingue », soupire la voix de cet homme dont l’originalité et la pertinence de son œuvre colossale sont encore à découvrir. Les hommes politiques devraient s’en inspirer pour cultiver leur vivier politique non pas avec un ferment de haine et de division, mais sur la base d’une éducation citoyenne, républicaine.
Ce Ndam Njoya-là, n’est pas mort. L’aristocrate qui s’est dépouillé lui-même de ses attributs pour descendre vers les opprimés, leur montrant le chemin de l’égalité, de la fraternité des peuples, en brisant un joug de discriminations qui pesait depuis des centenaires sur les épaules d’une masse laborieuse. Ce Ndam Njoya-là, est vivant ! C’est tout naturellement qu’à l’anniversaire de son départ, les hommes et les femmes, des plus jeunes aux plus âgés, s’unissent, se recueillent, et prennent à la fin un repas, un repas venu des maisons différentes, des cœurs différents et unis autour d’un seul et même idéal qui s’incarne dans l’Union démocratique du Cameroun. Ndam Njoya n’est pas mort et ne mourra pas tant que les hommes se batailleront pour la survie, pour le bien-être sous le soleil ! Ndam Njoya-là n’est pas mort tant que des hommes voudront garder leurs genoux sur le cou de leurs semblables pour les empêcher de respirer. Le Dr Adamou Ndam Njoya n’est pas mort, assurément !