Par Serge Aimé Bikoi
Depuis le début de cette semaine, bien de cadres du Social democratic front (Sdf), mobilisés pour accompagner le chairman Ni John Fru Ndi à sa dernière demeure, s’attendaient à la publication d’un décret présidentiel d’une telle envergure. Le ton a été, d’ailleurs, donné, le 24 juillet, au cours de la conférence de presse donné par le premier vice-président national du parti de la balance, Joshua Osih. Ce jour-là, un de nos confrères, journalistes au quotidien “Cameroon tribune”, Saint Clair Mezing, lui a posé la question de savoir si le Sdf a, dûment, reçu un appui financier du chef de l’État pour l’organisation de ces obsèques. Et le numéro 2 du Sdf de répondre :
“Pour l’instant, je ne suis pas au courant d’un quelconque appui du chef de l’État pour l’organisation des obsèques du chairman Ni John Fru Ndi”.
Le député Sdf du Wouri-Centre s’est montré très réservé relativement à cette question et a fait savoir à plus de quatre-vingt journalistes massés au siège du parti à Olezoa que s’il y a un appui déterminé dans ce sens, le président de la république s’adressera, d’emblée, à la famille biologique puisque Fru Ndi, avant d’être leader politique, appartient à une famille. En observant le déploiement de la technostructure politique du Sdf ces derniers jours, chacun attendait que Paul Biya sonne le déclic, en signant pareil décret. Et c’est le jour de veille de l’entame des rituels mortuaires de cet opposant historique qu’il le fait en vertu du décret no76/424 du 16 septembre 1976 fixant les règles de protocole à observer en matière de cérémonies publiques, préséances, honneurs civil et militaire. Suivant ce décret, trois catégories de personnalités publiques méritent les obsèques officielles, en l’occurrence les membres du gouvernement, les hautes personnalités publiques et les chefs de missions diplomatiques et consulaires. Le chairman Ni John Fru, leader national du Front social démocrate (Sdf), opposant historique à Paul Biya, combattant des libertés publiques, fervent défenseur de la démocratie, résistant au pouvoir de Yaoundé durant des décennies, rentre dans la catégorie des hautes personnalités publiques à qui le président de la république a accordé l’opportunité de bénéficier des obsèques officielles. Le président national du parti de la balance rentre dans l’histoire politique du Cameroun de par sa personnalité charismatique au sens weberien du terme. Fru Ndi est l’homme politique grâce à qui le Cameroun passe de l’étape du monolithisme politique au pluralisme politique à la faveur de la démocratisation et de la libéralisation de la vie politique en 1990.
Ni John Fru Ndi entame son dernier voyage funéraire ce jeudi, 27 juillet. Il est prévu une mise en bière assortie d’une levée de corps à l’hôpital général de Yaoundé dans l’après-midi. Puis, la dépouille mortuaire va être conduite au palais polyvalent des sports de Yaoundé, où va se passer la grande veillée. Dès 4h du matin, le cortège funèbre va prendre la route pour Bamenda, capitale régionale du Nord-Ouest, puis à Baba 2, village natal situé dans le département de la Mezam. Mais avant, il y a deux escale dans deux villes de la région de l’Ouest: Bafoussam et Mbouda, fiefs politiques de cette formation politique de l’opposition camerounaise.
Trajectoire politique de l’opposant historique à Paul Biya
Ce baobab de l’échiquier politique camerounais a tiré sa révérence le lundi, 12 juin 2023 à Yaoundé des suites d’une longue maladie. Trois fois(1992, 2004 et 2011) candidat à l’élection présidentielle présidentielle, Ni John Fru Ndi a dirigé le Social democratic front (Sdf) depuis sa création le 26 mai 1990. Après avoir renoncé à une candidature à l’élection présidentielle en 2018, il avait annoncé, le 10 février 2021 en sa résidence à Nkolmfoulou dans l’arrondissement de Soa, qu’il quitte la direction du parti au prochain congrès. Deux étapes marquent la vie politique de cet opposant. Fru Ndi, le résistant de 1990 à 2010. Durant 20 ans, il a opposé une résistance farouche au régime de Yaoundé de par sa dissidence à l’endroit du système gouvernant en place, l’opposition aux méthodes de gouvernance, le refus d’entrer au gouvernement, le rejet de toutes formes de propositions. Mais le 10 décembre 2010, il y a eu l’amorce d’un dégel politique. Il s’agit d’une décrispation de l’atmosphère politique. Le résistant, le réactant ou le dissident devient l’apaisant. Il décide de rencontrer Paul Biya lors du cinquantenaire de l’armée camerounaise à Bamenda. La rencontre Fru Ndi – Paul Biya définit, au cours de cette période de l’histoire politique du pays, une nouvelle phase d’un temps politique. C’est depuis lors que il règne, désormais, une détente politique jusqu’à ce que le parti soit, aujourd’hui en 2023, accusé de collaborer avec le pouvoir de Yaoundé. Ce leader politique laisse un parti politique écartelé par les divisions internes entre le G27+ constitué de 34 contestataires auto-exclus du parti le 25 février 2023 et le staff dirigeant géré par le premier vice-président national, Osih. Le contentieux judiciaire reste, d’ailleurs, pendant au Tribunal de grande instance (Tgi) du Mfoundi et au Tribunal de grande instance de Mfou. Le G27+, qui a tendu la main au camp adverse pour l’organisation de ces rituels funéraires, attend de savoir quelle est est la sentence qui sera réservée à ce contentieux. C’est après les obsèques du chairman Ni John Fru Ndi que l’avenir et le devenir du parti seront déterminés.