Par Jean Charles Biyo’o Ella
Sali Adama, 57 ans, et sa fille Roukayatou pourraient bientôt retourner à Garoua poursuivre les soins sur place, avant de regagner leur Extrême-Nord natal. Le vent de la mort souffle derrière eux. Les jours de la jeune élève en classe de CE1 à l’école publique d’Adai dans la commune de Moulvoudaï située à 75 km de Kaele, ne sont plus comptés. Elle se porte quasiment bien. Le morceau de flèche de 15 cm qui a perforé son cœur a été retiré grâce à la dextérité des cardiologues, des anesthésistes et tous les autres médecins et infirmiers de l’hôpital général de Yaoundé, mobilisés pour cette opération.
Une opération extrêmement délicate.
Dans l’un des bâtiments annexes de l’hôpital général, le plus grand et le mieux équipé de la capitale camerounaise, le Dr Zephanie Kobe inspecte la patiente. Les yeux ouverts, le chirurgien lui pose quelques questions en fulfulde, une langue locale parlée dans la partie septentrionale du Cameroun. « Elle dit qu’elle se sent bien »murmure le chirurgien thoracique et cardio vasculaire. Dans son récit, le médecin relate le film de l’opération. « La patiente arrive ici avec la flèche encore introduite dans le cœur. Cette flèche ne pouvait être enlevée avant l’intervention chirurgicale, sinon la petite serait certainement décédée », soupire la cardiologue. Selon le docteur Kobe, Roukayatou arrive à Yaoundé après avoir été stabilisée à Garoua. Elle a reçu une transfusion sanguine et toutes les autres mesures nécessaires pour l’amélioration de son état clinique avant qu’elle ne soit transférée pour Yaoundé.
Question de procéder à l’opération chirurgicale. « C’était une opération lourde qui a nécessité un équipement particulier et l’arrêt du fonctionnement du cœur, avant d’engager l’extraction du corps étranger en toute sécurité ». D’après l’expert, la partie en métal de la flèche enfouie dans le cœur, avait autour d’elle des éperons latéraux qui auraient pu déchirer davantage des cavités cardiaques si elle avait été retirée par des mains inexpertes. « Il a donc fallu démarrer une circulation extracorporelle, arrêter les battements du cœur, ouvrir les cavités cardiaques et retirer cette flèche de 15 cm et dont presque le tiers était dans le cœur », relate-t-il.
De Garoua à Yaoundé, la chaine de solidarité,
Il n’aurait pas été possible d’évacuer Roukayatou de Garoua à Yaoundé par route, murmure une source au sein de l’hôpital général de Yaoundé. Non seulement la distance qui sépare la capitale régionale du Nord à la capitale politique, siège des institutions, est longue, soit 1108 km, mais aussi, la route est en piteuse état. En deux jours de voyage, la jeune fille ne serait peut-être arrivée à Yaoundé étant encore en vie. Dès lors, s’est mise en branle une longue chaine de solidarité. Celle-ci va toucher aussi bien les autorités politiques que médicales. « Nous avons été saisi autour de 22h dans la nuit du 29 au 30 octobre. Et à 23h, nous avions déjà contacté grâce à la Cameroon health fundation, une autre association pour lui présenter ce cas. Cette association a donné son accord de principe pour financer le voyage de cette enfant et de son médecin accompagnateur.

D’autres âmes de bonne volonté ont payé le billet d’avion du père de l’enfant. Entre-temps, nous avons aussi saisi la direction de l’hôpital qui, elle aussi, manœuvrait de son côté pour que des solutions urgentes soient trouvées pour l’évacuation de la fillette. Il faut aussi dire que sur place à Garoua, des médecins avaient déjà pris des dispositions en contactant des autorités de la ville, notamment le conseil régional de Garoua. C’est donc grâce à toute cette chaine de solidarité que dans la matinée de lundi 30 octobre, la patiente a pu embarquer de Garoua pour Yaoundé à bord de la compagnie aérienne camerounaise », confie le docteur Kobe. Toujours selon lui, d’autres dispositions prises par le gouvernement étaient en train d’être mises en œuvre pour une évacuation par hélicoptère.
L’option de l’hôpital général de Yaoundé
D’après Sali Adama, le père de Roukayatou, sa fille, n’avait pas été ciblée. « Ses frères ainés jouaient avec des flèches dans la cour et moi je m’apprêtais à aller au champ. Sans le savoir, Rakayatou, sortant de la maison en courant, a croisé la flèche lancée par son frère. C’est elle malheureusement qui l’a prise en plein cœur ». Une version difficile à recouper auprès d’une source indépendante. Mais une fois l’enfant blessée, « j’ai, dans un premier temps, voulu retirer moi-même cette flèche. Mais j’ai paniqué. Et c’est en ce temps, que j’ai résolu de l’amener à l’hôpital régional à Garoua ».

Pourquoi l’option finale de l’hôpital général de Yaoundé et non l’hôpital régional de Garoua pourtant, inauguré en octobre 2022 par le premier ministre Joseph Dion Ngute ? Malgré des équipements de plus en plus acquis pour doper les plateaux techniques des différents hôpitaux camerounais et la construction de plusieurs hôpitaux de référence dans le pays, le système sanitaire camerounais connaît encore des défaillances. Seuls deux hôpitaux publics et un hôpital privé confessionnel pratiquent la chirurgie cardiaque. Dans la capitale économique du Cameroun, c’est l’hôpital général de douala et dans la capitale politique, c’est l’hôpital général de Yaoundé. « Ce dernier a démarré ses premières opérations de chirurgie cardiaque en septembre 2022 », confie le Dr Kobe. Un programme soutenu par le ministère de la Santé publique et mis en œuvre par l’administration de cet hôpital de première catégorie. L’objectif, affirme-t-il, est de réduire au maximum des évacuations sanitaires vers l’étranger et être également un pôle de référence nationale vers lequel convergent des malades ne pouvant pas être pris en charge par d’autres hôpitaux. D’après le ministère de la Santé publique, en février 2022, environ 1168 dossiers d’évacuation sanitaire avaient été déposés, mais seul 10 ont reçu un avis favorable pour des choses pointues.
étéetdéposés, mais seuls 10 ont reçu un avis favorable pour des choses pointues.

Sur son compte X(anciennement twitter), le ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie, a félicité la «jeune équipe de chirurgie cardiaque de l’hôpital général de Yaoundé, qui vient de sauver la vie à une fillette de 9 ans ». D’après des confidences d’un médecin cardiologue, une opération chirurgicale cardiaque non soutenue foncièrement peut s’élever à plusieurs millions de fcfa.