Par Mon’Esse
Le gouvernement camerounais a décidé de la levée, en faveur des industriels, de la mesure d’interdiction de l’huile de cuisine raffinée dite «en vrac», a-t-on appris lundi auprès des services du Premier ministre.
Particulièrement consommée dans le pays en raison de son bas prix, cette matière, circulant dans le pays depuis une décennie, a le 19 septembre dernier fait l’objet d’une mise en garde du ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, aux acteurs de la filière.
La filière, soulignait-il alors,
«se trouve particulièrement visée la question des huiles en vrac, dont la commercialisation, parce que porteuse de risques graves pour la santé des consommateurs, est interdite».
Des instructions fermes, mentionnait M. Mbarga Atangana, avaient été données par la haute hiérarchie en vue du strict respect, par tous les acteurs, des règles en matière de sécurité sanitaire des aliments dans
«le contexte actuel de manipulation des aliments, synonyme de la mise en danger de la vie des consommateurs».
A sa suite le directeur général de l’Agence des normes et de la qualité (Anor), Charles Booto à Ngon, avait souligné que la prolifération sur le marché des huiles en vrac, le non-respect des normes en vigueur dans ledit secteur ainsi que la difficile traçabilité des productions écoulées sur le marché local, «exposent les consommateurs à des risques sanitaires graves».
Aujourd’hui, des sources proches du dossier et qui évoquent la «tolérance administrative», parlent d’une mesure à la fois partielle et exceptionnelle, visant uniquement à fournir ce vrac à des boulangers, chocolatiers et savonniers, frappés par des pénuries récurrentes et non dépendantes du Cameroun.
Mais rien n’exclut que ces produits se retrouvent ensuite sur le marché du détail. Tout comme on se demande comment les pouvoirs publics réussissent à autoriser l’usage, par des industries alimentaires, d’une huile exposant les consommateurs à des risques sanitaires graves.
De manière régulière en effet, l’Association des raffineurs des oléagineux du Cameroun (Asroc) a régulièrement eu à dénoncer la circulation clandestine du vrac, nocive à la fois pour la santé humaine, mais également le fisc.
Entrant dans le pays à travers des soutes de bateaux, plusieurs sources indiquent que ledit produit a déjà eu, ailleurs, à servir dans l’industrie de la friture. Il est par la suite transféré dans des camions-citernes, des futs puis de gros bidons avant d’être conditionné dans des bouteilles de récupération, de préférence celles ayant contenu de l’eau minérale et mis sur le marché, où il coûte nettement moins cher que l’huile de cuisine raffinée.
En juillet 2016, un responsable de l’Ascroc, sous le titre «Des huiles dangereuses circulent au Cameroun», tirait ainsi la sonnette d’alarme :
«Lorsqu’on voit des huiles importées circuler dans les marchés à 1000 Fcfa, il y a matière à réflexion et cela pose un problème au niveau de la concurrence. Les importateurs qui ont réussi à ne pas payer les droits de douane dus, les importateurs qui n’ont respecté les normes en vigueur notamment la norme NC77 qui prescrit l’enrichissement et la norme NC04 qui a trait l’étiquetage des denrées alimentaires pré-emballées, ont l’avantage de pouvoir vendre les huiles à des prix qui défient toute concurrence. Lorsque vous avez des huiles périmées, qui ne sont pas enrichies, vous convenez avec moi qu’il y a problème.»
A l’Anor, des responsables interrogés évoquent le sujet sur un air de dédain, rappelant que, en 2017, leur hiérarchie avait initié une enquête sur ce produit, demandant dans un délai d’un mois aux opérateurs du secteur de se rapprocher de ses services, et que seuls six importateurs d’huiles raffinées s’étaient présentés et fait certifier leurs produits à la norme NC77, celle requise pour le secteur des huiles comestibles.
Selon les normes internationales, l’huile comestible de palme raffinée, enrichie en vitamine A, encore appelée oléine de palme, doit à son importation être conditionnée dans un emballage approprié, être munie d’un étiquetage portant la mention obligatoire «fortifiée» ou «enrichie» à la vitamine A, la même étiquette indiquant par ailleurs le nom ou la raison sociale, l’adresse complète du fabricant, de l’emballeur ou de l’importateur, la précision quant à l’origine, à la méthode de production, de manière à renseigner suffisamment l’acheteur ou le consommateur.
Les mêmes obligations portent sur l’indication, sur l’emballage, du contenu net exprimé en termes d’unités (poids et volume), le numéro de lot de fabrication mentionnant l’année de production et la date de péremption, la liste éventuelle des ingrédients avec proportion, ces denrées devant par ailleurs subir, impérativement, des analyses de conformité effectuées par des organismes agrées, sanctionnés par une attestation.