Par Léopold DASSI NDJIDJOU
Ils sont 5 au cabinet de l’homme de droit, émus et tiennent de toute évidence à signifier leur reconnaissance d’une part à l’homme qui est à la manette de leur libération et aussi à la justice militaire qui a dit le droit. Ils avaient été arrêtés le 2 mars 2021 à Mora, Kolfata et conduits à Yaoundé pour être jugés pour financement de terrorisme. Eux qui autrefois faisaient partie du Comité de vigilance de Kolfata dans la lutte contre Boko Haram, étaient accusés de retournement de veste et de collusion avec la secte islamiste.
Gardés à vue au Secrétariat d’Etat à la Défense (Sed), ils feront la connaissance de Me Amunghwa Tany Nicodemus, accusé d’être sécessionniste ou avocat des sécessionnistes, selon ses propres termes. « En cellule, il ne nous avait pas dit qu’il était avocat. Il nous disait tout simplement que s’il sortait avant nous, il nous aiderait dans notre situation », confie le porte-parole des cinq acquittés que nous taisons le nom ici, par ailleurs être le président du comité de vigilance de Kolfata et conseiller municipal de la commune de cette cité.
Ils avouent être des ennemis de Boko Haram, et ont toujours œuvré contre ces terroristes depuis 2014 et n’arrivent pas toujours à comprendre comment ils se sont retrouvés pris dans cette tourmente. Ils avouent aussi être au début du Comité de vigilance de Kolfata avec une équipe de 11 personnes, et avoir mené la sensibilisation pour porter l’effectif aujourd’hui estimé à près d’un millier de personnes, organisées en 21 sous-comités. Ils confient désabusés qu’ils ne gagnaient rien dans ce travail bénévole et volontaire. Ils partaient du village à 6h du matin et revenaient à 18 h, planqués pour surveiller les mouvements des terroristes. Ils n’avaient pas de salaire, et recevaient des récompenses en nature à l’exemple du sucre, du mil et autres biens.
« On me dit maintenant que je suis en train de financer le terrorisme, on me prend et on m’amène ici. Moi je ne connais rien dans cette affaire. Je ne connais rien. Quand on les voyait, on les prenait et on les remettait au Bir »,
confie le porte-parole des cinq acquittés.
En dehors de sa mission de vigilance, il avoue avoir rempli les missions de traducteur, de guide, avec l’Armée. En retour, il a suivi des séminaires à l’Ecole internationale des forces de sécurité (Eiforces) à Awae, et est retourné dans son village, dans sa zone d’action.
« J’ai rassemblé les présidents des sous-commissions que j’ai mises partout. Je leur ai enseigné ce que j’avais appris à Eiforces. Dans ma zone, j’étais le seul qui avait accès au camp du Bir permanemment. Car ils savaient que je ne les mens pas »,
indique-t-il.
En ce qui concerne les circonstances de son arrestation, il livre qu’il avait été appelé à Mora. Là au camp, on lui a demandé s’il connaissait un certain Salley Abaï. Il avoue le connaître car il est de son village et il le voyait tout le temps à la mosquée mais ne traitait nullement avec lui. Le lieutenant qui l’interrogeait lui demande alors de rentrer. Alors qu’il est en chemin, il est rappelé et gardé à vue.
On lui demande ce qui se passe entre Salley Abaï, le Commandant de brigade, le Commissaire et le chef du village. Il n’en sait rien car dit-il, il ne travaille pas avec eux. Il est par contre certain d’avoir été accusé faussement par jalousie auprès des autorités car beaucoup ne devraient pas apprécier son travail auprès des autorités. Il avoue par exemple que c’est le comité de vigilance placé sous sa présidence qui construit les écoles détruites par Boko Haram dans les villages. A l’heure où il rentre dans son village, il dit être prêt de poursuivre sa mission si l’autorité administrative lui fait confiance.
Réaction :
Me Amunghwa Tany Nicodemus avocat pro bono des acquittés
« Je crois que c’est Dieu qui m’a envoyé vers eux »
Je les ai rencontrés quand on m’avait

arrêté le 31 mai 2021. Aladji Dala, je l’ai trouvé très brillant. Il m’a dit des choses qui m’ont touché. Dans ma vie, j’ai constaté que ceux qui sont brillants sont combattus, ont des difficultés. A chaque fois qu’on nous sortait pour prendre des bains de soleil, il me parlait de sa situation. Je leur ai promis que si je sortais, je ferai tout ce que je pourrais pour les aider. Par la suite, on m’a libéré parce qu’on m’accusait d’être sécessionniste ou l’avocat des sécessionnistes. Après, on s’est retrouvé au tribunal militaire. Je me suis constitué leur avocat le même jour. Je ne comprenais pas comment on peut être en intelligence avec l’Armée et la trahir du jour au lendemain. Je crois que c’est Dieu qui m’a envoyé vers eux. Aujourd’hui, moi qui étais accusé de sécessionnisme, je me sens libéré avec eux, ces Camerounais de Kolofata. J’ai été particulièrement touché quand leur maman est arrivée ici avec 70000 Fcfa, en disant que ce sont les éléments du Bir qui ont cotisé pour qu’elle leur remette. Le tribunal militaire a tranché cette affaire et ils sont dehors.