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Conjoncture > Cameroun: A quoi servent les 46 milliards décaissés par le Fmi

Quelle est la situation d’ensemble de l’économie camerounaise ainsi que les perspectives des institutions financières internationales sur l’économie globale?

Par panorama papers
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Par Joseph OLINGA N. et Cristal consulting

Le réapprovisionnement du marché intérieur en produits pétroliers a été immédiatement suivi par la publication, à travers son communiqué n°22/273 du 25 juillet 2022, du dernier « bulletin de santé » de l’économie camerounaise par le Conseil d’Administration du Fmi, réuni aux fins de sanctionner les

« deuxièmes revues des accords triennaux au titre de la FEC et du MEDC approuvés le 29 juillet 2021 ».

Ce bulletin se résume en ces termes :

« En tant qu’exportateur de pétrole brut, le Cameroun a enregistré certains effets positifs au niveau de ses finances publiques et de sa situation extérieure. Toutefois, l’intensification de la hausse des prix mondiaux et des perturbations de l’approvisionnement a alourdi considérablement le coût des subventions aux carburants et fait peser une pression supplémentaire sur les prix intérieurs, en particulier pour ce qui est des produits alimentaires et des engrais. Les résultats globaux du programme sont mitigés, avec des retards dans les réformes structurelles dans certains domaines clés. Les perspectives économiques 2022 demeurent positives mais elles sont entourées de grandes incertitudes. En 2022, la croissance du Pib réel devrait s’élever à 3,8%, contre 4,5% escompté au moment des premières revues du programme. L’inflation devrait augmenter à 4,6% en 2022 mais devrait rester inférieure à 3% à moyen terme ».

D’où l’accord du Conseil d’Administration pour le décaissement des 46 milliards Fcfa en soutien à la balance des paiements.

En les liant à cette vue d’ensemble du Conseil d’Administration du Fmi, revisitons les principales thèses de « rareté ou absence de devises », de « dévaluation du Fcfa» de l’Afrique centrale et de « longue crise économique » annoncée comme inéluctable par certains analystes notamment, Dr Dieudonné Essomba, thèses développées au cours des trois dernières semaines. La boussole utilisée ici aura trois cadrans : la balance commerciale qu’induit notre commerce extérieur, la balance des paiements à travers ses principales composantes, et les éléments des statistiques monétaires de la Cemac et du Cameroun tenues par la Beac.

Du Rapport Sur la Situation et les Perspectives Economiques, Sociales et Financières de la Nation (Rasipefin) de l’exercice 2021, document attaché au projet de loi des finances 2022 par le Gouvernement, il a été relevé le graphique ci-dessous, retraçant l’évolution de la balance commerciale du Cameroun sur la période 2010-2020

Graphique 11 : Balance commerciale sur la période 2010-2020 (en milliards)

Ce graphique nous indique que, hors pétrole brut, le commerce extérieur du Cameroun est chroniquement déficitaire du fait de notre dépendance aux importations des produits alimentaires, biens d’équipements et manufacturés, des médicaments d’une part, et de l’absence d’un nationalisme économique qui conduit aux importations de toutes sortes, faisant de notre économie, un comptoir colonial, voire un véritable dépotoir d’autre part. Et de l’exploitation des dernières éditions du RASIPEFIN élaboré par le MINFI, il s’est dégagé le tableau n°1 ci-dessous de la balance commerciale

Tableau n°1 : Balance commerciale 2015-2020 en milliards Fcfa

Source : Minfi, nos calculs

L’analyse des données contenues dans le tableau n°1 nous affiche la réalité structurelle de notre économie, laquelle justifie par ailleurs l’option et l’orientation de la SND30 ; en même temps qu’elle nous révèle quelques paradoxes. Le premier est que le Cameroun, producteur de pétrole, était aussi, jusqu’en 2019, importateur de pétrole brut, situation découlant de l’impossibilité pour la Sonara de raffiner le pétrole brut revenant à la Snh après extraction. Ce que le Dr Richard Makon a qualifié de « défaillances stratégiques et managériales », lesquelles remontent à la fin des années 70 et le début des années 80.

Le second paradoxe est que notre pays est tout aussi exportateur qu’importateur des « carburants et lubrifiants ». Et il convient de nous rappeler qu’au départ de Charles Metouck de la direction générale de la Sonara, le chiffre d’affaires annuel de cette entreprise culminait déjà à plus de 1.000 milliards Fcfa dont un tiers à l’exportation des carburants et lubrifiants. Ces exportations de carburants et lubrifiants sont en déclin depuis lors, et l’incendie de l’outil de production a sonné leur glas en 2019. D’où des exportations en valeur de seulement 1,1 milliards en 2020, contre 30,5 milliards en 2019. Si la « balance commerciale des hydrocarbures » intégrant désormais, et depuis 2018, outre le pétrole brut, les carburants et lubrifiants, les exportations de gaz naturel liquéfié, est encore excédentaire, il convient de signaler la baisse continue de son solde depuis l’incendie de la Sonara. Ainsi, nos importations en « carburants et lubrifiants » sont-elles passées de 473,4 milliards en 2018, à 724,6 milliards en 2019.

Elles ont été de 612 milliards en 2020. L’environnement international sur le prix du baril de pétrole brut et ses répercussions sur les prix des produits raffinés, vont indubitablement impacter leur en 2022, et par conséquent, détériorer davantage la balance commerciale globale. Sur la période 2015-2020, la balance commerciale hors hydrocarbures (pétrole brut, carburants, lubrifiants et gaz naturel) a affiché un solde déficitaire annuel moyen de 1 611 milliards Fcfa. Ce solde déficitaire moyen a été de 1 260 milliards par an pour l’ensemble de la balance commerciale au cours de la même période sous revue. C’est ce déficit quasi chronique qui alimente la « dette fonctionnelle » du Dr Dieudonné Essomba, elle-même, résultante du solde déficitaire du compte courant de la « Balance des Paiements », objet du tableau n°2 ci-dessous ; et constituant le second cadran de notre boussole d’analyse de la situation actuelle de l’économie camerounaise.

Tableau n°2 : Balance des Paiements (2015-2021) en Milliards Fcfa

Source : MINFI 2021* projections

Le caractère déficitaire ci-dessus mentionné de la structure du compte courant (« dette fonctionnelle ») de la «Balance des Paiements » indique que notre pays est importateur net des biens, services et capitaux. Ainsi, les balances des biens, des services et des revenus (paiement des intérêts de la dette, transferts des revenus salariaux, revenus de la propriété, etc.) sont-elles chroniquement déficitaires. Seuls les transferts (dons publics et transferts de la diaspora), objets de la « balance des revenus secondaires » dans le tableau, procurent substantiellement des rentrées excédentaires de devises, atténuant ainsi l’épaisseur de la « dette fonctionnelle ».

Ce déficit du compte courant, couplé au solde budgétaire négatif de l’Etat affecte nos équilibres intérieur (viabilité des finances publiques) et extérieur (niveau des avoirs extérieurs et stabilité du Fcfa). Au plan global, en 2016, la Balance des Paiements a enregistré un solde global déficitaire de 824,5 milliards Fcfa consécutivement à une baisse drastiques des « avoirs en devises » du compte d’opérations de 743,4 milliards. En 2020, ce déficit a été de 432,6 milliards, contre un excédent de 155,7 milliards en 2019. D’où la nécessité des deux accords triennaux successifs conclus avec le Fmi en 2017 et 2021 en vue du soutien à la balance des paiements d’une part, et de la mobilisation des aides budgétaires d’autre part.

Le troisième et dernier cadran de notre tableau d’analyse est constitué des «Avoirs extérieurs» ou «Avoirs en devises» dont la situation ressort des données comptables tirées des statistiques monétaires de la Beac. Relativement à la thèse annonçant une « dévaluation » inéluctable du Fcfa de la zone Beac, les statistiques monétaires de la Banque Centrale commune aux Etats membres de la Cemac ont permis d’élaborer le tableau n°3 ci-dessous, résumant la situation (en stock à la fin de période) de ces « avoirs en devises » tant de l’ensemble de la zone que du Cameroun.

Tableau n°3 : Evolution des Avoirs Extérieurs Bruts de 2013 à 2022
En milliards Fcfa

Source : Beac, nos calculs *Situation au 30 avril 2022

Du tableau n°3 ci-contre, il peut être constaté que, relativement à leur niveau de 2013, soit 8 777,5 milliards, la Beac avait enregistré en 2016 une chute de 65% des avoirs extérieurs en devises de la zone ; leur stock s’établissant à 3 093,3 milliards au 31 décembre 2016. Ce choc avait provoqué un sommet extraordinaire des Chefs d’états à Yaoundé en décembre, l’entrée en négociations avec le Fmi de la quasi-totalité des Etats, voire de la Commission Cemac, en programme tout aussi avec le Fmi, de même que la refonte de la règlementation des changes de la zone.

Sur la période 2016-2018, les avoirs extérieurs de la zone ont été en moyenne de 3 362,1 milliards, niveau suscitant certes des inquiétudes et attestant de la crise structurelle des économies des pays de la zone, ainsi que de la fragilité de leurs finances publiques. Leur reconstitution fragile est en nette progression, enregistrant un stock de 5 164,7 milliards à fin avril 2022, contre un niveau de 3 216,1 milliards à fin 2017.
Toutefois, cette situation de 2016, ainsi que son évolution jusqu’à date, sont loin de celles des années 88-93 ayant conduit à la dévaluation du Fcfa en janvier 1994.

Le compte d’opérations du Cameroun n’est pas débiteur comme en décembre 1987, l’étant resté d’ailleurs jusqu’en 1996. La garantie de la convertibilité illimitée du Fcfa qu’assure la France est loin d’être mise à mal au point de convoquer en ce moment une dévaluation.
Relativement au cas singulier du Cameroun, sur la période 2015-2022, ses « Avoirs Extérieurs » ou « Avoirs en devises » représentent en moyenne près de 50% de ceux de la zone Beac. La locomotive ne tangue donc pas.

Cependant, ses bases sont fragiles et appellent de véritables réformes structurelles à même de transformer durablement son économie. Dans l’immédiat, l’urgence convoque la révision du train de vie de l’Etat. En effet, nonobstant le budget programme, les inscriptions budgétaires et la consommation des crédits continuent, dans leur réalité, à mener le train des moyens.

Ainsi, il est vérifiable dans le chapitre 8 réservé à la Cour Suprême, qu’au niveau de l’action 02, Coordination Administrative et Suivi des Activités des Services, le paragraphe « 6121, carburants et lubrifiants des véhicules automobiles » dans les articles 21 00 81 et 21 00 82 attribués aux deux « têtes » de cette institution de souveraineté, est crédité d’une dotation de 15 millions de Fcfa pour le carburant, soit une consommation d’environ 45 000 Fcfa par jour. Il en va ainsi des dotations budgétaires allouées à toutes les « administrations de souveraineté », lesquelles absorbent annuellement près de 60% du budget de l’Etat, mais qui, curieusement, demeurent « exonérées » de tout contrôle budgétaire.

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Revue de presses du 07 06 2023

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