Avec Jeune Afrique
En 2019, il avait participé en tant que sélectionneur de l’Ouganda à sa première phase finale de Coupe d’Afrique des nations (Can) – la compétition avait à l’époque eu lieu en Égypte. Cinq ans plus tard, Sébastien Desabre va retrouver cette compétition avec la Rdc, et la pression sera beaucoup plus forte. Mais le Français, qui a entrainé des clubs comme l’Espérance Tunis ou le Wydad Casablanca, a l’habitude des exigences du haut niveau. Interview.
Quand avez quitté Niort, un modeste club de Ligue 2 en France, pour signer en Rdc en août 2022, la situation des Léopards était très compliquée…
Oui, car la Rdc avait perdu ses deux premiers matches de qualifications pour la Can 2023 au Soudan (1-2) et surtout au stade des Martyrs à Kinshasa (0-1) face au Gabon. Elle était dernière de son groupe. Les joueurs étaient marqués par ces défaites, mais aussi par les échecs précédents puisqu’ils n’avaient pas réussi à se qualifier ni pour la Can au Cameroun, ni pour la Coupe du monde au Qatar.
Est-ce donc un exploit que le RDC se soit qualifiée, en terminant première de son groupe ?
D’une certaine façon, oui. En prenant mes fonctions, j’avais précisé que l’objectif, c’était de se qualifier pour la Can 2025. Mais on a réussi à se qualifier pour celle qui aura lieu en Côte d’Ivoire [et qui commence le 13 janvier] et c’est très bien. À mon arrivée, j’avais parlé à des joueurs qui souhaitaient souffler un peu et se mettre en retrait de la sélection, au moins temporairement. J’ai pu en convaincre certains de revenir sur leur décision. Mais il fallait redonner un élan.
C’est pour cela que vous avez négocié directement avec Serge Konde, alors ministre des Sports ?
Je n’avais jamais entraîné en Rdc, mais je savais déjà pas mal de choses grâce à mes relations. La Rdc, c’est un immense pays, une terre de football, mais on m’avait dit, en résumé, que cette organisation n’était pas à la hauteur de l’investissement des joueurs. Or, si on veut qu’une sélection progresse, il faut la mettre dans les meilleures conditions possibles, que les joueurs voyagent dans de bonnes conditions, qu’ils soient logés dans de bons hôtels, que les équipements soient de qualité et qu’ils sachent à l’avance leur programme quand il s’agit d’organiser des stages à l’étranger, comme nous l’avons fait au Maroc et en Espagne par exemple.
J’ai défini un cadre, une politique de communication interne et externe et, dans le domaine sportif, c’est moi qui décide de la politique à mener pour la sélection A, d’où ma fonction de sélectionneur-manager. Ces conditions ont été validées par Serge Konde, puis par son successeur, François Kabulo Mwana Kabulo.
Les joueurs sont-ils satisfaits de cette nouvelle organisation ?
Pour eux, le maillot congolais signifie beaucoup. Qu’ils soient nés en Rdc ou en Europe. Quand je contacte un joueur pouvant potentiellement jouer pour les Léopards, il sait très bien dans quel cadre évolue la sélection. Parce qu’entre eux, ils communiquent. J’ai dans mon équipe des cadres, comme Chancel Mbemba (Marseille), Cédric Bakambu (Galatasaray Istanbul) qui sont là, très investis, pour qui venir en sélection est un privilège. Je pouvais comprendre d’éventuelles réticences à rejoindre les Léopards il y a quelques mois, mais plus maintenant. D’ailleurs, il y a des joueurs qui étaient hésitants il y a un an et qui nous contactent pour venir en sélection.
La fédération est placée sous la direction d’un Comité de normalisation. Cela entrave-t-il votre travail ?
Disons qu’un Comité de normalisation n’est là que pour une période transitoire, afin de préparer l’élection du futur Comité exécutif. Je travaille avec ce Comité de normalisation, mais il est évidemment préférable que le football d’un pays soit géré par une fédération élue et autonome, afin de mettre en place une politique sportive. J’attends donc que soit fixée la date de cette élection. Mais nous arrivons tout de même à bien travailler, car il y a un soutien important du gouvernement. Le chef de l’État, Félix Tshisekedi, adore d’ailleurs le football.
Le football congolais a également été confronté à l’arrêt de ses compétitions pendant plusieurs mois, entre décembre 2022 et août dernier. Comment avez-vous vécu cette situation ?
L’arrêt des compétitions a provoqué un exil important de joueurs congolais à l’étranger. Comme ils ne jouaient pas chez eux, il fallait bien qu’ils aillent ailleurs, et cela a porté préjudice à la qualité et au niveau du championnat national. J’assiste à des matches, mais il est évident que je n’ai guère d’autre choix que de sélectionner des joueurs évoluant à l’étranger, notamment en Europe.
Il faut que la Rdc dispose d’un bon championnat, bien organisé et qui se déroule de manière régulière. On connaît les difficultés pour un pays de cette taille en termes de déplacements, par exemple. Le football d’un pays, ce n’est pas que sa sélection A : ce sont aussi les championnats nationaux et les compétitions de jeunes.
Être le sélectionneur d’une équipe nationale où le football est une affaire d’État, dans un pays de près de 100 millions d’habitants, cela doit changer de Niort…
J’ai entraîné des clubs comme l’Espérance Tunis, le Wydad Casablanca où la pression est très forte. Mais il est exact que la Rdc, c’est quelque chose. Nous sommes qualifiés pour la Can, et des supporters rêvent du titre. Si on atteint les quarts de finale, on aura réussi notre tournoi. Et une fois en quart, tout peut arriver !
Les Congolais sont passionnés par le foot, et que ce soit les joueurs ou le staff, on ressent cet amour des Congolais pour leur Léopards. Quand je suis à Kinshasa, depuis la qualification, je reçois beaucoup de marques de sympathie. Je savais en venant en RDC que j’allais vivre une expérience particulière, très forte. Et elle l’est déjà !