Par Joël Onana
Ça y est, le chahut du mardi 5 juillet à l’hémicycle s’est tassé comme par enchantement à la plénière de clôture. Beaucoup de députés ont refusé de revenir devant la presse sur le Débat d’orientation budgétaire (Dob) qui a tourné au fiasco. Le Rdpc confortablement majoritaire à l’hémicycle, le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, y était en terrain conquis car assuré que le texte sera adopté par les députés de sa famille politique sans aucune peine.
Le hiatus est venu des rangs de l’opposition, qui pour l’essentiel ont demandé à tous les élus du peuple de ne pas donner suite au vote. Ils demandaient par exemple au gouvernement d’ajourner le Débat, pour donner du temps aux députés de prendre connaissance des 168 pages des trois documents qui leur avaient été remis à 10 h30 alors que les discussions devraient s’ouvrir dans une heure. Les prescriptions légales veulent que le gouvernement dépose ces documents sur la table des députés avant le 1er Juillet de la session. Bien plus encore, ce Document de cadrage budgétaire s’étend sur une période de trois ans, de 2023 à 2025. Tout ceci a laissé Cavaye et les siens de marbre, et ils sont passés au vote sans débat tel que souhaité. C’est suite à ce passage en force, et un peu comme pour apaiser le courroux des députés, et surtout de l’opposition, que tout le monde serait passé à la caisse. Une source bien introduite confie qu’ils ont reçu en plus, la moitié des indemnités de la session. Il faut réitérer qu’il s’agit en réalité d’une prescription des textes Cemac, ce qui signifie un regard attentif des bailleurs de fonds.
C’est vraisemblablement pour cette raison que la clôture de la session s’est faite en toute tranquillité, sans heurts ni cris, les sommes sonnantes et trébuchantes ayant pris le dessus sur le vœu de défendre les intérêts du peuple face au gouvernement, vaille que vaille. Ce qui est heurtant, est que non seulement les élus du peuple ont contesté cette violation flagrante de la loi et donc des intérêts du peuple, mais aussi et surtout, s’il est avéré qu’ils ont touché de l’argent pour se taire, il s’agirait alors d’une trahison sans fin. Ils se constitueraient de la sorte contre les intérêts du peuple qui leur a donné mandat de les défendre à l’Assemblée nationale. Que diront-ils quand viendra le moment de voter le budget en novembre ? La question est d’autant plus d’actualité car sans recommandations adressées au gouvernement à la suite du Dob, ne seront-ils pas des figurants dans la salle au moment du vote ?
Appelé à donner leurs impressions à la fin de la session, tous les députés sollicités ont botté en touche, épaississant un peu plus la véracité d’une telle allégation. Au moment où les élus du peuple rentrent à la base, ils rendront compte certainement à demi-mot, évitant soigneusement d’évoquer le Dob et ses péripéties marchandes. Ce qui se passe actuellement au sein du parlement britannique devrait nous servir d’exemple et nous appeler à plus de transparence en ces temps particulièrement difficiles.
Réactions de trois leaders de l’opposition à la séance plénière du 5 juillet 2022
Pierre Kwemo député Ums du Haut Nkam

« Ne pas céder à la tentation »
« Je voudrais inviter mes collègues députés à être fermes, parce que nous savons que le ministre des Finances le fait sciemment, parce qu’il compte sur les négociations, et s’il y a vote, il faut être ferme. Il s’agit d’une constitution financière qui est violée dans tous les sens. Nous vous invitons à être très fermes, ne pas céder à la tentation. Je le dis en connaissance de cause. »
Cabral liBii, député Pcrn du Nyong et Kellé
« Monsieur le président, ne laissons pas faire cela »

« Les études scientifiques le disent que cette Chambre n’est qu’une chambre d’enregistrement. Les textes qui viennent du gouvernement passent toujours comme une lettre à la poste. Faisons le quand même dans la légalité. ..Monsieur le président, c’est trois documents. Un document de cadrage à moyen terme, un rapport sur la situation macroéconomique du pays, un rapport sur l’exécution du budget de l’exercice en cours, nous les avons comptés, c’est 168 pages. Nous les recevons à 10 heures 30 pour que le débat qui commence à 11heures 30… j’ai la modestie de vous avouer qu’avec mon petit quotient intellectuel et je crains qu’il y a beaucoup comme moi, ne nous permet pas de lire 168 pages en une heure. Même eux là-bas au gouvernement, je crois qu’ils ont pris des mois pour l’élaborer… Mais M le président, s’il vous plaît, je vous le demande à genoux, parce que si on franchit cette barre, je crois que ce serait irrémédiable. On s’est tous félicités de ce que l’année dernière, de bonnes habitudes s’installaient. Le débat nous permettait de comprendre ce qui devait être fait en septembre. Mais à peine on a commencé que ça se délite, ça se détruit, on rétropédale. Surtout que là-dedans nous avons un document de cadrage de trois ans. L’article 11 dit que les budgets que nous devons adopter devront être conformes à ce qu’on aura décidé aujourd’hui. On ne pourra plus rien changer. Monsieur le président, ne laissons pas faire cela ».
Joshua Osih, 1er vice-président du Sdf du Wouri
« Nous devons prendre nos responsabilités aujourd’hui »

« La souveraineté est gravement menacée quand les lois sont violées et qu’on fasse venir 180 députés pour donner un chèque en blanc à ce gouvernement. Très honorable président, cette chambre ne doit pas accepter ce coup d’Etat, car s’en est un. Demain quand on va augmenter le prix du carburant, quand on balaiera les filets sociaux qui sont déjà très fragiles, c’est nous qui seront au premier plan, c’est nous qui seront devant les populations. Et nous devons prendre nos responsabilités aujourd’hui, telle est ma question préalable et ma motion préjudicielle. »