Par Sandra Embollo
C’est dit !
Je suis là aujourd’hui pour vous dire que le Brésil est de retour !,
a lancé à plusieurs reprises le futur président Lula da Silva, accueilli par une foule compacte surexcitée qui scandait son nom.
À la Cop ce mercredi
♦ L’homme du jour, c’est le président brésilien Lula da Silva, élu le 30 octobre dernier et attendu comme le messie à cette Cop. Il suscite beaucoup d’espoirs sur la scène climatique, après l’ère du climato-sceptique Jair Bolsonaro. La majeure partie de la forêt amazonienne, l’un des grands puits de carbone de la planète, se situe au Brésil. Dans son discours, pas d’annonces majeures, mais la volonté réaffirmée de faire de la protection du climat et de l’environnement une priorité. « Je suis là aujourd’hui pour vous dire que le Brésil est de retour ! Il n’y a pas de sécurité climatique pour le monde sans une Amazonie protégée. Nous ferons tout ce qu’il faudra pour avoir zéro déforestation et dégradation de nos écosystèmes d’ici 2030. Le combat contre le changement climatique se reflètera dans la composition de mon gouvernement. »
Il explique vouloir développer l’agro-écologie, valoriser les savoirs des peuples indigènes, plaider pour renforcer l’aide financière aux pays vulnérables au changement climatique et défendre la création d’une Onu climat. « Nous sommes de retour pour proposer une nouvelle gouvernance mondiale. Le monde d’aujourd’hui n’est plus celui de 1945. Il est nécessaire d’inclure plus de pays au Conseil de sécurité de l’Onu et en finir avec le droit de veto. » Lula assure vouloir en faire encore plus pour l’environnement que lors de ses précédents mandats et souhaite que la Cop30 en 2025 soit accueillie en Amazonie. Il s’est également prononcé sur la thématique brûlante des pertes et dommages tant attendue par les pays les plus affectés par les effets du climat (lire ci-dessous) : « Nous avons un besoin urgent de mécanismes financiers pour remédier aux pertes et dommages causés par le changement climatique, nous ne pouvons plus reporter ce débat. »
♦ La conclusion du G20 en Indonésie était très attendue à Charm el-Cheikh. Les engagements environnementaux de certains des plus grands États pollueurs étant devenus incertains : tensions sino-américaines sur Taïwan, crise de l’énergie à cause de la guerre en Ukraine… Depuis quelques jours, le bruit courrait dans les couloirs de la Cop… Certains pays récalcitrants souhaitent remettre en cause l’engagement des 1,5°.
Dans le communiqué final publié ce mercredi, les pays aux économies les plus développées ont notamment déclarer vouloir tenir leur engagement des 1,5°C. Un soulagement pour beaucoup à Charm El-Cheikh : « C’est un signal politique fort de continuer sur ce même niveau d’ambition », réagit Aurore Mathieu du Réseau action climat. Cependant, poursuit-elle, « on aimerait bien que ça se traduise concrètement ici par une date de sortie des énergies fossiles notamment puisqu’on sait que pour réduire ses émissions il faut sortir des énergies fossiles notamment. »
Toujours à Bali, Emmanuel Macron a annoncé pour juin un futur sommet sur les financements, notamment climat, qui traitera aussi de la question des pertes et dommages.
♦ Les petites îles craignent que les pertes et dommages passent à l’as. L’Aosis, la coalition qui regroupe ces États extrêmement vulnérables à la montée de l’eau, a « travaillé sans relâche cette année pour construire un consensus, concevoir une réponse claire et s’assurer de l’engagement de la communauté internationale de venir à cette Cop27 et négocier en confiance sur ce problème. Maintenant, nous sommes là et quelques pays développés essaient furieusement de bloquer les avancées, et pire, tentent de saper les petits États insulaires en voie de développement. Il n’y a eu jusque-là que des consultations informelles sur ce point clé et aucun lancement officiel des négociations », a-t-elle réagi dans un communiqué. « Pourquoi continuez-vous à faire la sourde oreille aux cris de notre peuple ? », a-t-elle encore demandé, affirmant que les petites îles « n’accepteront plus de délai sur le financement des pertes et dommages ».
♦ Même inquiétude du côté des pays africains : ils n’ont toujours pas d’avancée notable sur les points qui leur tiennent à cœur, à savoir les financements pour s’adapter au changement climatique et réparer les dégâts qu’ils subissent déjà. Le problème, explique Mamadou Honadia, conseiller sur les négociations climat au sein de la Cédéao, c’est que les pays développés misent avant tout sur l’atténuation du changement climatique, à savoir la baisse mondiale des émissions de gaz à effet de serre.
♦ Un milliard d’euros pour l’adaptation en Afrique. Comme en écho à ces inquiétudes, au même moment, l’Union européenne, quatre de ses pays membres et l’Union africaine annonçaient une nouvelle initiative sur l’adaptation au changement climatique en Afrique. Dotée d’un milliard d’euros, elle en consacrera 60 millions aux pertes et dommages, sans créer de fonds dédié. Une partie de cet argent devrait être versé au Bouclier global contre les risques climatiques, un système assurantiel pour aider à la réparation qui ne suscite pas l’enthousiasme.
♦ Le rôle de la nature est souvent sous-estimé lorsqu’on parle de changement climatique. Pourtant, selon les scientifiques, les solutions que peuvent apporter la nature sont essentielles, rappelle Brian O’Donnell, directeur de l’Ong Campain for Nature : « Jusqu’à un tiers de la solution à la crise climatique peut être apportée par la protection et la conservation de la nature. Les océans ont un rôle énorme à jouer en absorbant le CO2 et en régulant le cycle naturel du carbone. Aujourd’hui, sans les océans, l’impact de la crise climatique serait bien pire. Les forêts, les mangroves, et les autres zones riches en biodiversité absorbent des quantités gigantesques de CO2 atmosphérique. Trop souvent on court après des technologies qui n’ont pas encore été inventées ou qui sont incroyablement chères et on ignore des solutions prouvées qu’on a sous les yeux : forêts, mangroves, herbiers marins. Selon les experts du Giec, il faut qu’on protège entre 30 et 50 % des terres et océans pour atteindre nos objectifs climatiques. »