Par Sandra Embollo
La figure de l’opposition égyptienne Ahmed Douma a été libérée samedi 19 août après avoir bénéficié d’une grâce du président, Abdel Fattah Al-Sissi. C’est un nouveau signe d’ouverture à moins d’un an de l’élection présidentielle, scrutin crucial. M. Douma est l’un des fondateurs du Mouvement du 6 avril, qui a joué un rôle-clé dans la « révolution » ayant renversé l’autocrate Hosni Moubarak.
Il purgeait depuis 2013 une peine de quinze ans d’emprisonnement pour des violences lors de manifestations. Il a obtenu « une grâce présidentielle », a déclaré Tarek El-Awady, avocat membre du comité des grâces présidentielles. Khaled Ali, un avocat des droits humains, a annoncé pour sa part « attendre la sortie [d’Ahmed] Douma » en se filmant devant la prison où il purgeait sa peine. Plusieurs avocats et militants des droits humains ont ensuite posté des photos de M. Douma, entouré de camarades, à sa sortie de la prison de Badr, à l’est du Caire.
Ahmed Douma, 37 ans, avait publié depuis la prison où il était en isolement un recueil de poèmes, Curly (« frisé » en anglais). Publié par une maison d’édition égyptienne à partir de morceaux de papiers transmis discrètement à des avocats, son livre a été exposé à la Foire internationale du livre du Caire en 2021, puis rapidement retiré pour « raison de sécurité ».
Reprise des grâces présidentielles
Cette nouvelle grâce est accordée alors que Le Caire mène tambour battant un « dialogue national » censé permettre à tous de discuter des sujets qui fâchent dans le pays de 105 millions d’habitants, en pleine crise économique et où l’opposition a été muselée depuis une décennie. M. Al-Sissi a annoncé mercredi avoir reçu les premières recommandations de ce « dialogue », ajoutant les avoir « transmises aux autorités compétentes pour qu’elles soient appliquées » selon les « dispositions légales et constitutionnelles ».
S’il n’a jusqu’ici pas évoqué le scrutin présidentiel censé se tenir au printemps 2024, le chef de l’Etat pourrait se présenter pour un nouveau mandat, estiment unanimement les observateurs. Dans ce contexte social et politique, les grâces présidentielles – en sommeil depuis des années mais relancées en 2022 – se sont multipliées. En juillet, le chercheur Patrick Zaki – condamné à trois ans de prison ferme pour fausses informations après avoir dénoncé la discrimination à l’encontre des chrétiens en Egypte – et l’avocat Mohamed Al-Baqer – condamné pour le même chef d’accusation après avoir été arrêté en plein tribunal alors qu’il assistait son client Alaa Abdel Fattah, le détenu politique le plus célèbre d’Egypte – en avaient bénéficié. Plusieurs autres opposants ont également été relâchés ces derniers mois.