Par Léopold DASSI NDJIDJOU
Quel mauvais vent accompagne la politique du président Emmanuel Macron en Afrique ? Ses hommes de confiance sur le continent sont chassés les uns après les autres des palais présidentiels, remplacés par des hommes amis avec le redoutable ennemi russe. Si cela relevait encore de la suspicion il y a quelques temps, l’homme fort à Ouagadougou, le capitaine Ibrahim Traoré, a levé toute ambiguïté dans son discours de ce 28 juillet au 2ème sommet Russie-Afrique à St-Pétersbourg.
C’est acté, le Burkina Faso se tourne à son tour vers la Russie, sans équivoque après la Mali. La sémantique de son propos en dit long sur ses aspirations de construire l’avenir avec la Russie.
« Nous sommes ensemble parce qu’actuellement nous sommes là pour parler de l’avenir de nos peuples, de ce qui va advenir demain, de ce monde libre auquel nous aspirons, de ce monde sans ingérence dans nos affaires internes ».
a-t-il martelé sans avoir oublié d’égratigner au passage l’Europe, comprenez la France, qui n’a jamais reconnu ou à tout au moins, considéré l’effort de guerre de l’Afrique dans la dénazification de l’Europe.
A Paris, on comprend sans conteste que celui qui appelle Vladimir Poutine « Camarade président », a choisi son camp et on attend certainement toutes les conséquences diplomatiques et stratégiques qui en découlent. Cette situation était moins préoccupante pour la France avec Mohammed Bazoum au pouvoir à Niamey. N’est-ce pas lui qui a accueilli la logistique française sur son sol après que le Mali ait invité la France en février dernier à retirer sans délai les forces Barkhane et Takuba de son territoire ? Des cinq pays qui forment le G5 Sahel, trois sont tombés entre les mains des militaires, s’éloignant de ce fait un peu plus de Paris. Il s’agit du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Les deux autres pays, à savoir le Tchad et la Mauritanie, aux extrêmes de l’espace G5 Sahel sont là comme des bouées de sauvetage auxquelles s’accroche Paris au risque de sombrer du Sahel une fois pour toute. Cette situation est d’autant préoccupante qu’au nord de cet espace qui pilule de terroristes de tous poils, l’Algérie d’Abdelmadjid Tebboune, frontalière avec le Niger, le Mali et la Mauritanie, est désormais une alliée stratégique de la Russie suite aux accords avec Poutine au Kremlin en juin dernier. Ce n’est pas à l’avantage de Paris. En Afrique centrale, la Russie pose durablement ses valises en Rca. Le groupe Wagner et un contingent de l’armée rwandaise assurent la sécurité du Palais présidentiel et en partant du régime de Faustin Archange Touadera.
La préoccupation de Paris dans cette sous-région est désormais de contenir cette influence russe très volatile qui peut facilement se répandre au Tchad, au Congo, au Cameroun ou en Rdc. Comme on le voit, depuis l’arrivée d’Emmanuel au pouvoir et surtout avec sa volonté d’ouverture et de rupture, son discours à l’amphithéâtre de l’université de Ouagadougou fait foi, ça trépigne de toutes parts pour la soif de la liberté. Jusqu’où va aller la saignée ? On se souviendra qu’au dernier sommet France-Afrique à Montpelier, ce n’est pas avec les chefs d’Etat africains que Macron s’était réuni, mais avec les organisations de la société civile et autres intellectuels. Une grande porte ouverte pour des idées novatrices. Décidément, le vent d’Est africain est en train de souffler et se renforce avec la guerre en Ukraine. Combien de régimes vont encore tomber, dans ce bras de fer entre Macron et Poutine, entre l’Elysée et le Kremlin ? C’est assurément du wait and see.