Par Sandra Embollo
En moins de deux semaines, les républicains ont imprimé leur marque à la Chambre des représentants des Etats-Unis, et elle n’est pas à leur honneur. Tout a commencé par ce qui relève ordinairement de la routine : l’élection au poste de speaker (qui préside l’assemblée) du chef du groupe conservateur, Kevin McCarthy. Elle a nécessité quinze tours de scrutin au cours de quatre jours de désordre, un record depuis plus d’un siècle.
Les tensions ont été telles que des élus conservateurs ont même failli en venir aux mains en plein hémicycle. Qu’ils comptent dans leurs rangs, sans s’en émouvoir, un représentant de l’Etat de New York élu après avoir menti sur ses diplômes, sa carrière et même sa religion a ajouté à l’impression d’abaissement.
Pour parvenir à ses fins, Kevin McCarthy a été contraint de céder aux exigences d’une petite minorité radicalisée d’une vingtaine d’élus sur un groupe parlementaire qui en compte dix fois plus. Sa capitulation est la promesse de blocages similaires lorsque la Chambre des représentants fera face à des scrutins indispensables pour le bon fonctionnement de l’Etat tels que le vote du budget, le relèvement du plafond de la dette, voire le vote d’aides supplémentaires à l’Ukraine auxquelles cette minorité est résolument opposée.
Le choix de l’outrance
Lorsqu’elle n’est pas de la même couleur politique que le locataire de la Maison Blanche, la Chambre des représentants use plus volontiers de son pouvoir de contrôle à propos des ratés de l’administration, et la découverte récente d’archives détenues illégalement par Joe Biden après son départ de la vice-présidence, en 2017, peut entrer dans ce cadre. Ces archives ont été promptement restituées, à la différence de celles conservées par Donald Trump après sa défaite.
Mais les républicains semblent faire le choix de l’outrance. Les jusqu’au-boutistes n’ont apparemment cure des problèmes auxquels leurs concitoyens sont confrontés, l’inflation ou les ravages du dérèglement climatique. L’heure est aux représailles tous azimuts contre les démocrates. Ils envisagent même de mettre en cause la police fédérale, les services des impôts et des procureurs fédéraux auxquels ils dénient le droit d’enquêter sur Donald Trump, malgré les soupçons qui pèsent sur lui.
Ce calcul est pourtant hasardeux. Si les élections de mi-mandat n’ont pas tourné autant à l’avantage des républicains, c’est principalement du fait de leur enfermement dans une rhétorique radicalisée et dans la théorie du complot d’une élection présidentielle volée, à la remorque de l’ancien homme d’affaires. Cet enfermement a incité de nombreux électeurs indépendants d’ordinaire favorables au partage des pouvoirs entre les deux grandes familles politiques américaines à se détourner d’eux.
La victoire étriquée de novembre a paradoxalement renforcé le poids des élus les plus extrêmes. Ils sont parvenus à faire plier Kevin McCarthy, devenu un speaker sous contrôle, susceptible à chaque instant d’être soumis à un vote de confiance. Ils entendent prendre désormais en otage l’agenda de la Chambre pour leur seul bénéfice, et certainement pas pour celui des Etats-Unis.