Par Sandra Embollo
Fin du feuilleton. Kevin McCarthy a enfin décroché, dans la nuit du vendredi 6 au samedi 7 janvier, les voix nécessaires pour être élu président de la Chambre américaine des représentants, mettant fin à un processus marqué jusqu’au bout par de très vives tensions dans les rangs républicains.
À force de tractations, le groupe de trumpistes qui paralysait la nomination du quinquagénaire de Californie a finalement cédé, mettant fin à une pagaille au Congrès, inédite en plus de 160 ans, qui préfigure de débats très agités au Congrès américain durant les deux prochaines années.
Ces électrons libres ont fait durer le suspense jusqu’au bout, bloquant une dernière fois la candidature de l’élu au 14e vote, provoquant un véritable désordre dans l’hémicycle. Kevin McCarthy s’est alors dirigé vers le groupe de trumpistes, alors que les doigts se pointaient accusateurs. Au milieu du brouhaha, la greffière du Congrès appelait les élus à rester calmes.
Toute la semaine durant, ce noyau dur d’élus conservateurs, qui accuse l’élu de se plier aux intérêts de l’establishment de Washington, a profité de la très fine majorité républicaine décrochée aux élections de mi-mandat de novembre pour jouer les trouble-fête. Ils n’ont fait retomber la pression qu’après avoir obtenu des garanties de taille – dont une procédure visant justement à faciliter l’éviction du “speaker”.
Enfin élu, Kevin McCarthy remplace la démocrate Nancy Pelosi au poste de président de la Chambre des représentants, mais ressort affaibli de cette élection qui augure d’un mandat très difficile. Au menu dans les tout prochains mois, des négociations sur le relèvement du plafond de la dette publique américaine, le financement de l’État fédéral et, potentiellement, sur le déblocage d’enveloppes supplémentaires pour la guerre en Ukraine.
Avec leur nouveau contrôle de la Chambre, les républicains ont aussi promis de lancer une kyrielle d’investigations sur la gestion par Joe Biden de la pandémie ou du retrait d’Afghanistan. Mais après avoir étalé leurs divisions au grand jour, leurs enquêtes auront-elles le même écho ?
Faire face à une Chambre hostile, mais désordonnée pourrait se révéler être une aubaine politique pour Joe Biden, s’il confirme son intention de se représenter en 2024 – décision qu’il doit annoncer en début d’année.
Faute de contrôler les deux chambres – ce qui était le cas depuis son investiture en janvier 2021, bien qu’avec une très mince majorité au Sénat – le président américain ne peut plus espérer faire passer de législations majeures. Mais avec un Sénat aux mains des démocrates, les républicains non plus.
Tout au long de ce processus de désignation de “speaker”, le parti de Joe Biden n’a pas manqué de dénoncer la mainmise des fidèles de Donald Trump – dont beaucoup refusent toujours de reconnaître sa défaite en 2020 – sur le parti républicain, deux ans jour pour jour après l’assaut du Capitole.
Mais les démocrates, qui ont perdu le contrôle de la Chambre après le scrutin de novembre, ne disposaient pas d’assez de voix pour mettre fin à cette paralysie.
Des séances de négociations marathon dans les galeries adjacentes à l’hémicycle, une horde de journalistes captant chaque déclaration de ce groupe d’électrons libres… Cette élection est par moments apparue interminable. Et pour cause, les représentants de la Chambre n’avaient d’autres choix que de continuer à voter jusqu’à ce qu’un “speaker” soit élu à la majorité simple.
Une républicaine votant avec son chien sous le bras, des démocrates se partageant un journal pour passer le temps… Les caméras de la chaîne parlementaire américaine, d’ordinaire soumises à des règles très strictes sur les prises de vues autorisées, ont capté de nombreux moments de vie de cette procédure atypique, pour le plus grand plaisir des téléspectateurs et des réseaux sociaux.
Cette paralysie du Congrès américain a néanmoins eu des répercussions très concrètes : sans “speaker”, troisième personnage le plus important de la politique américaine après le président et le vice-président, les élus n’ont pas pu prêter serment. Impossible donc de voter quelconque projet de loi, participer à des commissions parlementaires ou d’accéder à des informations classées secret défense.